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Iran. Au moins 23 mineurs tués par les forces de sécurité lors des manifestations de novembre – nouveaux éléments de preuve

Les investigations menées par Amnesty International ont dévoilé de nouveaux éléments de preuve démontrant qu’au moins 23 mineurs ont été tués par les forces de sécurité iraniennes lors des manifestations qui ont eu lieu à travers tout le pays en novembre dernier.

D’après les conclusions de l’enquête, au moins 22 d’entre eux ont été abattus par les forces de sécurité iraniennes qui ont tiré illégalement à balles réelles sur des manifestants non armés et des personnes se trouvant simplement sur place.

Il s’agit de 22 garçons âgés de 12 à 17 ans et d’une fille qui aurait entre huit et 12 ans. Les circonstances de leur mort sont exposées dans le nouveau rapport d’Amnesty International intitulé ‘They shot our children’ - Killings of minors in Iran’s November 2019 protests.

« Au cours des derniers mois, nous avons vu se dessiner un tableau de plus en plus sombre marqué par l’usage illégal de la force meurtrière par les forces de sécurité iraniennes en vue d’écraser les manifestations qui ont éclaté dans tout le pays en 2019. Il n’en est pas moins bouleversant d’apprendre que le nombre de mineurs victimes de ces brutalités est aussi élevé, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Il faut mener des investigations indépendantes et impartiales sur ces homicides et les personnes soupçonnées d’en être les commanditaires et les auteurs doivent être poursuivies dans le cadre de procès équitables. »

Amnesty International a recueilli des éléments de preuve à partir de vidéos et de photos, de certificats de décès et d’inhumation, de récits de témoins directs et de proches des victimes, d’amis et de relations sur place, et d’informations recueillies auprès de défenseurs des droits humains et de journalistes.

Dans 10 cas, après avoir analysé la description des blessures sur les certificats de décès ou d’inhumation ou obtenu des informations de sources crédibles, Amnesty International a appris que la mort était due à des blessures par balles à la tête ou à la poitrine – ce qui indique que les forces de sécurité ont tiré pour tuer.

Dans deux de ces cas, les certificats de décès décrivaient en détail l’impact dévastateur sur le corps des jeunes. Le premier citait des blessures incluant une hémorragie, le cerveau écrasé et le crâne fracassé. Le second précisait que la cause de la mort était une importante hémorragie interne, ainsi qu’une perforation du cœur et du poumon.

Dans un autre cas, les rapports relatifs à la cause de la mort se contredisent : le premier évoque des blessures mortelles à la tête dues aux coups assénés par les forces de sécurité, tandis que le second pointe les plombs tirés au visage de la victime à faible distance.

Sur les 23 décès recensés par Amnesty International, 12 ont eu lieu le 16 novembre, huit autres le lendemain, et trois le 18 novembre. Les manifestations ont débuté le 15 novembre.

Les 23 jeunes sont enregistrés comme ayant été tués dans 13 villes de six provinces iraniennes – Ispahan, Fars, Kermanchah, Khuzestan, Kurdistan et Téhéran – ce qui témoigne du caractère généralisé de cette sanglante répression.

« Le fait que la grande majorité d’entre eux ont été tués au cours de deux journées seulement montre que les forces de sécurité iraniennes se sont livrées à une folie meurtrière pour écraser la dissidence à tout prix, a déclaré Philip Luther.

« Les autorités iraniennes refusant d’ouvrir une enquête indépendante, impartiale et efficace, les États membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU doivent ordonner des investigations sur les homicides de manifestants et de passants, notamment sur la mort de ces jeunes gens, lors des manifestations de novembre. »

Le 25 février, Amnesty International a écrit au ministre iranien de l’Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli afin de lui donner la liste des noms des 23 mineurs dont le décès a été enregistré, ainsi que leur âge et le lieu de leur mort, et a sollicité de sa part des explications sur les circonstances de leur mort. Au 3 mars, elle n’a pas encore reçu de réponse.

Les autorités pratiquent le harcèlement et tentent de dissimuler les faits

Lors d’entretiens avec Amnesty International, des proches de certains des mineurs tués ont raconté avoir été la cible d’actes de harcèlement et d’intimidation ; ils ont notamment été surveillés et interrogés par des agents des forces de sécurité et du renseignement. Au moins une famille a reçu des menaces de mort à peine voilées contre ses autres enfants et a été avertie que « quelque chose d’horrible » allait également leur arriver si elle parlait.

Les autorités recourent fréquemment à cette pratique qui consiste à intimider les familles des personnes tuées lors des manifestations pour les dissuader de parler ouvertement de la mort de leurs proches. La plupart auraient été contraintes de signer des documents dans lesquels elles s’engageaient à ne pas s’entretenir avec les médias et à respecter les restrictions relatives à la manière de commémorer leurs défunts afin de pouvoir récupérer leurs dépouilles. Dans de nombreux cas, les services de sécurité et de renseignements ont placé les familles sous surveillance et assisté aux cérémonies funéraires et commémoratives afin de veiller à ce que ces restrictions soient respectées.

En outre, des familles ont expliqué qu’elles ont dû inhumer leurs proches rapidement, en présence de membres des services de sécurité et de renseignements, les privant ainsi de la possibilité de faire pratiquer une autopsie indépendante – semble-t-il dans le but de supprimer des preuves compromettantes.

D’une manière générale, les recherches d’Amnesty International montrent que les familles des personnes tuées lors des manifestations sont systématiquement exclues des autopsies pratiquées par l’institut médicolégal public et privées de l’accès à l’information sur les circonstances de la mort, notamment les détails sur les munitions concernées et les armes qui les ont tirées.

Dans certains cas, les agents ont lavé et préparé les corps des victimes pour l’inhumation sans avertir les familles, puis leur ont remis les corps, enveloppés dans un linceul, quelques minutes seulement avant l’heure prévue pour l’enterrement. D’après ce que sait Amnesty International, dans ces cas-là, les services de sécurité et de renseignements cherchaient généralement à empêcher les familles d’ôter le linceul pour voir le corps de leur défunt. Certaines affirment qu’elles n’ont pas pu voir les traces de blessures.

Dans d’autres cas, les autorités ont refusé de remettre aux familles les affaires de la victime, notamment son téléphone, laissant à penser qu’elles craignaient qu’il puisse contenir des preuves attestant d’actes illégaux.

« Comme si la perte de leurs proches n’était pas assez cruelle à supporter, les familles des enfants tués lors des manifestations subissent une campagne de harcèlement visant à les dissuader de s’exprimer, a déclaré Philip Luther.

« En outre, les autorités semblent vouloir à tout prix empêcher les proches endeuillés de découvrir toute la vérité sur les homicides et cherchent à mettre la main sur tous les éléments qui pourraient incriminer les responsables. Cette démarche présente toutes les caractéristiques d’une opération de dissimulation menée par l’État. »

Complément d’information

Les manifestations ont éclaté en Iran le 15 novembre 2019 après que le gouvernement a soudain annoncé une forte hausse du prix du carburant. Selon des informations crédibles compilées par Amnesty International, au moins 304 personnes ont été tuées et des milliers ont été blessées entre le 15 et le 18 novembre lorsque les manifestations ont été réprimées en usant de la force meurtrière. Pendant et après les manifestations, les autorités iraniennes ont détenu de manière arbitraire des milliers de personnes et les ont soumises à des disparitions forcées, à des actes de torture et à des mauvais traitements.

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