La Déclaration universelle des droits de l'Homme a 75 ans. Il est aujourd’hui crucial de célébrer ce texte essentiel et fondateur. Un texte qui a inspiré la création d’Amnesty International, qui depuis plus de 60 ans se bat sans relâche pour défendre et promouvoir ces droits, et dénoncer ce qui les met à mal. Célébrer la Déclaration universelle des droits de l’homme, c’est aussi se rappeler que ses grands principes sont aujourd’hui plus fragiles que jamais.
Live magazine
Vive le journalisme ! Humble, périlleux, authentique, comme on l’aime. Lundi 11 décembre, journalistes, cinéastes et artistes montent sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Le Live Magazine des droits humains, imaginé avec Amnesty International, célébrera les 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Cet événement est désormais complet.
Elle est le socle du droit international des droits humains, et donc de tous nos droits fondamentaux. La Déclaration universelle des droits de l'Homme se voulait, dans l’esprit de ses rédacteurs et rédactrices, inaliénable et universelle. Élaborée après la découverte des camps d’extermination nazis, et alors que le monde se relevait de destructions sans précédent dans son histoire elle revenait à dire : « plus jamais ça !».
Défendez jour après jour le droit à la liberté, à la justice et à dignité humaine avec nous
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) est un document servant de feuille de route mondiale en matière de liberté et d’égalité et qui protège les droits de chaque personne, partout dans le monde. Pour la première fois lors de sa rédaction, des pays se sont mis d’accord sur les droits et les libertés qui nécessitaient une protection universelle, afin que chacun et chacune puisse vivre dans la liberté, l’égalité et la dignité.
Le travail sur la DUDH a commencé en 1946, lorsqu’un Comité de rédaction composé de représentants de plusieurs pays, dont les États-Unis, le Liban et la Chine, a été créé. Le Comité de rédaction a ensuite été élargi pour intégrer des représentants de l’Australie, du Chili, de la France, de l’Union soviétique et du Royaume-Uni, afin que le document soit rédigé avec la contribution de pays de toutes les régions du monde et intègre leurs diverses spécificités religieuses, politiques et culturelles. La DUDH a ensuite été examinée par tous les membres de la Commission des droits de l’homme.
La DUDH a été adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies juste après la création de celle-ci, en réaction aux « actes de barbarie qui [ont révolté] la conscience de l’humanité » pendant la Seconde Guerre mondiale. Son adoption reconnaît les droits humains comme la base de la liberté, de la justice et de la paix.
La DUDH est document historique. Pour la première fois, le monde a adopté un document en vertu duquel tous les humains sont libres et égaux, indépendamment de leur genre, de la couleur de leur peau, de leurs croyances, de leur religion ou de toute autre caractéristique.
La DUDH définit 30 droits et libertés inhérents à tous les humains et dont personne ne peut les priver. Aujourd’hui encore, ces droits constituent la base de l’ensemble du droit international en matière de droits humains. La DUDH reste un document vivant. C’est le document le plus traduit au monde.
Les 30 droits et libertés énoncés dans la DUDH comprennent le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à la liberté d’expression, le droit à l’éducation et le droit de solliciter asile. Elle prévoit des droits civils et politiques, comme le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la vie privée, ainsi des droits économiques, sociaux et culturels, comme le droit à la sécurité sociale, à la santé et à un logement convenable.
Enfin, la DUDH nous montre que les droits humains sont interdépendants et indivisibles. Chacun des 30 articles de la Déclaration a la même importance. Personne ne peut décider que certains sont plus importants que d’autres. La violation d’un droit a des conséquences néfastes sur tous les autres droits.
ARTICLE 1
Tous les êtres humains naissent libres et égaux.
ARTICLE 2
Toute personne doit être protégée contre la discrimination, indépendamment de son origine ethnique, de sa couleur de peau, de son genre, de sa langue, de sa religion, de ses opinions politiques et de son lieu de naissance.
ARTICLE 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
ARTICLE 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude.
ARTICLE 5
Nul ne sera soumis à la torture.
ARTICLE 6
Chacun a le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique.
ARTICLE 7
Nous sommes tous égaux devant la loi.
ARTICLE 8
Toute personne a le droit de recourir à la justice.
ARTICLE 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.
ARTICLE 10
Toute personne a droit à un procès équitable.
ARTICLE 11
Toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie.
ARTICLE 12
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et de sa réputation.
ARTICLE 13
Toute personne a le droit de circuler librement et d’être libre de partir et de revenir dans son pays.
ARTICLE 14
Devant la persécution, toute personne a le droit de solliciter l’asile.
ARTICLE 15
Tout individu a droit à une nationalité.
ARTICLE 16
Toute personne a le droit de se marier et de fonder une famille.
ARTICLE 17
Toute personne a le droit à la propriété.
ARTICLE 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
ARTICLE 19
Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression.
ARTICLE 20
Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.
ARTICLE 21
Toute personne a le droit de prendre part aux affaires publiques et d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques dans son pays.
ARTICLE 22
Toute personne a droit à la sécurité sociale.
ARTICLE 23
Toute personne a droit au travail et à un salaire égal pour un travail égal et a le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier.
ARTICLE 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs.
ARTICLE 25
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant, notamment en matière d’alimentation, d’habillement, de logement, de soins médicaux et de services sociaux.
ARTICLE 26
Toute personne a droit à l’éducation.
ARTICLE 27
Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle et de jouir des arts et des sciences.
ARTICLE 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et international, un ordre lui permettant de bénéficier de ses droits.
ARTICLE 29
Toute personne a des devoirs envers la communauté en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui.
ARTICLE 30
Personne ne peut priver autrui de ces droits et libertés.
Aller plus loin : Qu'est-ce que la Déclaration universelle des droits de l'Homme ?
Ce 10 décembre 2023 devrait donc être l’occasion de souhaiter un très bon anniversaire à la déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), cette vieille dame, protectrice des faibles et intraitable avec les plus forts. Mais à l’heure du bilan, force est de constater que son impact peut légitimement être remis en question.
75 ans après, où en est-on ? Ce texte fondateur et essentiel est-il devenu un menu à la carte pour certains États ?
Un impact remis en question
75 ans après sa signature, après la Guerre froide et ses multiples conflits par procuration, les génocides au Cambodge et au Rwanda, les nettoyages ethniques en ex-Yougoslavie, des régimes militaires ayant prospéré sur tous les continents, les crimes de masse au Xinjiang et au Tibet, les invasions de l'Irak ou de l'Ukraine, les guerres sans fin du Moyen-Orient... quel sens donner à la Déclaration de 1948 ?
Le système international des droits humains s’est pourtant largement étoffé, avec l’adoption et la ratification de textes internationaux toujours plus complets sur les questions des droits civils et politiques, mais aussi en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Tous se basent sur la DUDH, désormais ancrée dans de nombreuses Constitutions, et qui a inspiré des communautés d’Etats (Union africaine, Organisation des Etats américains, etc.), sur tous les continents, pour élaborer des conventions communes dans ce domaine.
Mais en dépit de ces avancées sur le papier, les plus optimistes qui prédisaient après la chute du Mur de Berlin l’avènement de la « fin de l’histoire » et la mort du totalitarisme, ont dû très vite déchanter. Ce sont surtout les systèmes répressifs, comme la Russie, la Chine, ou encore la Turquie, qui se sont renforcés depuis, interdisant toute forme de contestation en interne, et menaçant les fragiles équilibres régionaux par réflexe nationaliste ou expansionniste.
Leurs dirigeants rejettent d’ailleurs les « valeurs occidentales » selon eux promues par la DUDH, et qui ne seraient pas compatibles avec leur propre histoire, religion, ou idéologie. Un « relativisme culturel » qui a fait long feu, au vu de l’extraordinaire mobilisation des sociétés civiles du monde entier autour des principes de la DUDH ces dernières décennies. Même si cette « hypocrisie culturelle » connaît aujourd’hui un regain de vitalité, via les discours de haine véhiculés via les réseaux sociaux notamment.
Le double standard
D’autres dénoncent l’hypocrisie des Etats traditionnellement promoteurs de la DUDH mais qui refusent d’admettre qu’ils peuvent eux-mêmes avoir un comportement pour le moins ambigu avec ces mêmes principes. Qu’il s’agisse des anciennes puissances coloniales européennes lors des guerres d’indépendance, mais aussi des Etats membres de l’Union européenne aujourd’hui, qui n’hésitent pas à durcir leurs législations sur les migrations, au mépris des droits fondamentaux. Ou bien encore, bien sûr, de la superpuissance américaine, qui n’a jamais caché que ces principes universels n’avaient de valeur que s’ils servaient ses propres intérêts.
Ce double standard est probablement ce qui risque de porter le plus atteinte à ce texte fondamental et au système international dont il est censé être la colonne vertébrale. L’afflux d’argent de la part de nombreux Etats pour les enquêtes de la Cour pénale internationale après la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine cache mal le fait que beaucoup de ces mêmes Etats se sont toujours opposés à de telles investigations en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, ou encore pour les crimes commis par les Etats-Unis en Irak ou en Afghanistan.
Partout ou presque, les Etats les plus forts utilisent la DUDH et le système international comme un mouchoir jetable, ou un menu à la carte, en n’y sélectionnant que ce qui les intéresse ou peut nuire à un pays adverse. L’affaiblissement du multilatéralisme est probablement la principale cause et la principale conséquence de ce deux-poids deux-mesures. Il a été à l’origine de nouveaux fronts meurtriers et un frein au règlement de conflits plus anciens.
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Modifier en profondeur le système de gouvernance mondiale
Le nettoyage ethnique des Rohingyas, la guerre d’invasion russe en Ukraine, l’attaque du Hamas du 7 octobre et la réponse disproportionnée israélienne dans la bande de Gaza, ou encore les conflits « oubliés » mais extrêmement meurtriers au Sahel, dans l’Est de la République démocratique du Congo ou dans la corne de l’Afrique ne sont en effet que les symptômes apparents de cet affaiblissement du système international, et de la conception « utilitariste » des droits humains par certains Etats.
Les pays du Sud global font remarquer à juste titre qu’il convient désormais de modifier en profondeur le système de gouvernance mondiale et réclament un nouveau système pour prévenir les crises.
Ces pays n’ont pas tort sur le fond. Le système international chargé de faire respecter la DUDH et qui atteint aujourd’hui ses limites a été mis en œuvre à une époque où nombre de peuples étaient sous le joug de l’impérialisme et de la colonisation. La composition du Conseil de sécurité et de nombreuses institutions internationales s’en ressentent encore, en dépit de quelques avancées. Certains des Etats censés garantir la paix et la sécurité dans le monde sont d’ailleurs aujourd’hui, comme la Russie ou les Etats-Unis, directement ou indirectement responsables des conflits les plus dévastateurs, empêchant par le seul jeu du droit de véto toute possibilité de résolution de ces crises.
Un héritage qui nous incite à passer à l’offensive
Il y a pourtant a des raisons d’espérer. Dans les domaines des droits des femmes, des droits des personnes LGBTI+, des peuples autochtones, etc., des Etats ont pu progresser, et des populations entières ont vu leur situation s’améliorer concrètement. Le recours à la peine de mort a également fortement reculé.
Depuis 75 ans des progrès significatifs ont été réalisés.
Un droit international des droits humains a été développé afin de préciser ces droits dans une série de traités internationaux contraignants.
En 1950 c’est la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui est adoptée. Puis la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid (1973), celle contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), ou encore la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (2006).
Un droit international qui commence également à prendre en compte la responsabilité des entreprises avec l’adoption en 2011 des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : c'est la mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies.
Ces 75 ans ont vu également l’adoption de conventions d’interdiction d’armes indiscriminées telles que les mines antipersonnel, les armes à sous-munitions ou plus récemment les armes nucléaires. Et bien sûr, en 2014 le Traité sur le commerce des armes.
Des outils puissants et importants ont été créés pour faire reculer l’impunité et juger les personnes, quelle que soit leur fonction, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Des crimes qui sont devenus imprescriptibles.
Nous avons également vu la création des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’Ex-Yougoslavie, ainsi que l’entrée en vigueur du Statut de Rome et la création de la Cour Pénale Internationale.
Le combat contre le recours à la peine de mort est devenu universel avec plus de 144 pays abolitionnistes en droit ou en pratique.
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Depuis 75 ans, la principale réussite de la DUDH a certainement été son adoption par les sociétés civiles du monde entier. Ce sont elles qui font progresser les idées de justice pénale internationale ou de droit environnemental, elles qui défendent les populations les plus faibles au quotidien. Ce serait d’ailleurs logique, puisque ce sont elles qui défendent la Déclaration dans son intégralité, qu’elles prennent toute leur place dans cette nouvelle gouvernance mondiale, qui devra nécessairement voir le jour.
Car l’héritage de la DUDH nous incite à passer à l’offensive. Il nous commande de résister aux attaques mondiales, transnationales et locales contre les droits. Mais il nous indique aussi que cela ne suffira pas. Il nous enjoint de déstabiliser l’édification d’ordres mondiaux qui reproduisent des injustices et privilèges historiques, violent les droits et musellent les défenseur·es, et de transformer la gouvernance mondiale en la repensant, en innovant, et en prenant les rênes.
Nous pouvons, nous devons construire des systèmes, institutions et organes dirigeants audacieux et visionnaires, capables de protéger notre planète pour les générations futures et contre tout ce qui nous assiège. C’est en tout cas le vœu que nous adressons à la Déclaration pour ses 75 ans.
Un anniversaire qui nous rappelle l’importance des défis à relever mais aussi que le combat pour les droits humains est l’affaire de tous et toutes, le nôtre et le vôtre.
Comment Amnesty International défend-elle les droits énoncés dans la DUDH ?
La DUDH est la pierre angulaire des droits pour lesquels Amnesty International se bat chaque jour. Plus de 60 ans après avoir commencé ce combat, nous continuons de nous mobiliser et de faire campagne pour la justice, l’égalité, la vérité et la dignité dès qu’elles sont bafouées.
Pour cela, nous enquêtons sur les atteintes aux droits humains partout où elles sont commises et les dénonçons. Avec notre mouvement mondial, nous soutenons des personnes dont les droits ont été bafoués. Ensemble, nous demandons justice et nous battons pour que cessent les violations des droits humains.
Changez l'histoire
Chaque année, autour du 10 décembre, nous organisons une campagne mondiale de signatures pour défendre des personnes qui ont vu leurs droits bafoués. Votre signature peut changer leur histoire.
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Notre combat pour un monde plus juste ne se gagne pas en un jour. Il exige du temps, de la persévérance, des femmes et des hommes qui se tiennent chaque jour à nos côtés. Il réclame aussi des moyens pour enquêter, alerter et agir, en toute indépendance et impartialité. Devenez membre et défendez jour après jour le droit à la liberté, à la justice et à la dignité humaine avec nous.