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Émirats arabes unis. Les autorités « tournent en dérision la justice » en menant des procès collectifs de dissidents déjà derrière les barreaux

Le procès collectif de 84 Émiriens, dont des défenseurs des droits humains bien connus, piétine de manière flagrante le droit des accusés à un procès équitable et fait fi de principes juridiques fondamentaux en rejugeant certains accusés pour les accusations qui leur ont valu d’être condamnés il y a 10 ans, a déclaré Amnesty International à la veille d’une audience prévue le 7 février dans le cadre de cette affaire.

 

Au moins 65 des accusés dont on connaît l’identité sont déjà détenus arbitrairement – dont au moins 62 depuis leur précédent procès collectif en 2012-2013, dans le cadre de l’affaire des « 94 Émiriens ». Nombre d’entre eux sont maintenus en détention alors qu’ils ont déjà purgé leurs peines dans le cadre de cette affaire. Les autorités reprochent aux accusés d’avoir fondé une « organisation clandestine » à des fins de « terrorisme ».

On relève de multiples violations flagrantes des droits des accusés à un procès équitable : l’orientation manifeste des témoignages par les autorités, la non-divulgation d’informations clés telles que les chefs d’accusation exacts ou les articles de loi invoqués pour porter les accusations, les restrictions imposées aux avocats s’agissant de partager des documents relatifs à l’affaire avec les accusés et leurs familles, et l’interdiction faite aux membres de la famille d’assister aux audiences pendant le procès, qui a débuté le 7 décembre 2023.

« Les Émirats arabes unis tournent la justice en dérision en jugeant de nombreux accusés sur la base de charges indéterminées aux termes d’un acte d’inculpation qui est pour l’instant gardé secret. Il y a encore un mois, les Émirats arabes unis ne reconnaissaient pas la tenue du procès, lors même que la première audience de ces poursuites à caractère politique a eu lieu pendant la COP28, dans une démonstration de répression sans faille, a déclaré Aya Majzoub, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Il est absurde que les autorités émiriennes accusent des dizaines de personnes des actes pour lesquels elles ont déjà été condamnées il y a plus de 10 ans. Il s’agit d’une violation flagrante du principe juridique fondamental qui interdit de poursuivre plusieurs fois la même personne pour le même crime. »

Parmi les accusés figurent les défenseurs bien connus des droits humains Mohamed al Mansoori, Mohamed al Roken et Ahmed Mansoor.

Les autorités ont annoncé la tenue de ce procès via l’agence de presse officielle WAM le 6 janvier, soit un mois après qu’il ait déjà commencé. D’après les informations émanant des familles et de la déclaration publiée par WAM, les accusations semblent concerner la loi antiterroriste de 2014 et reposer sur l’appartenance présumée au Comité pour la justice et la dignité, une branche du mouvement al Islah, considéré comme la version émirienne de l’organisation des Frères musulmans. Selon les termes de l’acte d’accusation et du jugement de 2013, le Comité « a entrepris de sensibiliser la société à ses droits », « a publié des articles sur ces droits » et « s’est efforcé de communiquer avec des organisations internationales de défense des droits ».

Toute implication des accusés avec le Comité pour la justice et la dignité aurait cessé lorsqu’ils ont été arrêtés en 2012-2013, avant la promulgation de la loi antiterroriste de 2014. Aussi ces accusations violent-elles deux principes juridiques fondamentaux : la prohibition de l’application rétroactive des sanctions pénales et la détermination individuelle de la culpabilité (violation inhérente en cas de procès collectif).

« Ce procès ressemble fort à une manœuvre motivée par des considérations politiques en vue d’intimider et de réduire au silence la population, et de faire en sorte que les dissidents restent en prison le plus longtemps possible pour les empêcher de contester les autorités ou d’évoquer la situation désastreuse des droits humains dans le pays », a déclaré Aya Majzoub.

Les avocats de la défense dans cette affaire n’ont pas été autorisés à divulguer les détails de l’acte d’accusation, pas même à leurs clients.

« Personne n’a lu le dossier. Personne ne l’a vu. Nous ne sommes pas autorisés à assister aux audiences. Et les avocats ont reçu l’ordre strict de ne pas coopérer avec les prisonniers ni leurs familles, et de ne pas leur donner d’informations complètes et transparentes », a déploré l’un des proches d’un accusé.

« La procédure piétine clairement les droits à un procès équitable, a déclaré Aya Majzoub.

« Une fois, lors d’une audience qui s’est tenue le 11 janvier, les autorités ont remis à un témoin à charge une feuille de papier qu’il a commencé à lire pour répondre aux questions du juge. C’est une parodie de justice grotesque, dans tous les sens du terme, de la part d’un gouvernement qui se targue de représenter le progrès et le développement au niveau international. »

Des membres des familles ont déclaré avoir été exclus de la plupart des audiences. Ils ont ajouté que, lors d’une séance, ils ont été conduits dans une pièce séparée pour regarder la transmission vidéo des débats, mais sans aucun son. Certains se voient interdire d’assister aux audiences car les autorités refusent de renouveler leurs cartes d’identité, pourtant requises.

Une famille qui s’est entretenue avec Amnesty International a déjà dépensé plus de 10 000 dollars en frais de justice, alors que l’avocat qu’elle a engagé ne lui a pas communiqué un seul document relatif à l’affaire et ne l’a pas informée du déroulement des audiences.

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