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URGENCE GAZA

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

Bruno Retailleau en déplacement à la gare du Nord à Paris, le 18 juin, après avoir déployé 4 000 forces de l’ordre sur 48h pour contrôler des personnes sans papiers dans les gares et bus en France. Une opération qui, en plus d’être indigne, est attentatoire aux principes d’égalité et de non-discrimination / © Photo Martin LELIEVRE via AFP

Bruno Retailleau en déplacement à la gare du Nord à Paris, le 18 juin, après avoir déployé 4 000 forces de l’ordre sur 48h pour contrôler des personnes sans papiers dans les gares et bus en France. Une opération qui, en plus d’être indigne, est attentatoire aux principes d’égalité et de non-discrimination / © Photo Martin LELIEVRE via AFP

5 choses à savoir sur la circulaire Retailleau

Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, ne cesse de durcir sa politique contre les personnes exilées depuis qu’il occupe la place Beauvau. Dans une circulaire envoyée aux préfets le 23 janvier 2025, il donne des instructions pour durcir les conditions de régularisation des personnes étrangères. Analyse.

Nous analysons ici la circulaire de Retailleau du 23 janvier 2023 concernant les conditions d'« admission exceptionnelle au séjour » (AES), des personnes étrangères. Rappelons le : les termes juridiques « admission exceptionnelle au séjour » sont ici à comprendre au sens de « régularisation ».

1. Une circulaire n’a pas valeur de loi  

Dans les faits, une circulaire n’agit qu’à titre de recommandation du ministre. C’est un texte administratif rédigé pour informer les différents services d’un ministère ou préfectures sur les dispositifs à appliquer.  

Les circulaires n’ont pas valeur de loi et ne sont donc pas contraignantes.  

La circulaire du 23 janvier 2025 a pour objet « les orientations générales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour ». Elle renvoie aux articles L. 435-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui encadrent juridiquement cette procédure.

2. Une augmentation de la durée de séjour requise sur le territoire à 7 ans 

Avec la circulaire Retailleau, ce qui était avant exceptionnel devient la norme.  

Ce texte remplace la circulaire Valls de 2012 qui plaçait à 5 ans le nombre d’années minimum à passer sur le territoire français avant d’obtenir une régularisation (ancienneté de séjour qui pouvait être de trois ans sous certaines conditions). Désormais avec la circulaire Retailleau, la régularisation n’interviendra qu’au terme de sept années de présence. À noter que toutes les périodes de travail précédemment effectuées dans d’autres conditions (avec le statut de demandeur d’asile par exemple) ne comptent pas dans le nombre d’années passées à travailler sur le territoire français, ce qui signifie qu’une personne pourrait avoir passé bien plus de sept années en France sans titre de séjour avant de pouvoir bénéficier de l’AES.

Décryptage : La loi « asile et immigration » de 2024, le recul historique de la France

3. Un refus de séjour s’accompagne d’une OQTF 

La circulaire de Retailleau donne des instructions qui durcissent drastiquement les suites d’un refus d’une AES. Le ministre de l’Intérieur demande aux préfets d’accompagner systématiquement leur refus de séjour par des OQTF (Obligation de quitter le territoire français, une décision administrative d’éloignement qui peut être délivrée pour diverses raisons, notamment suite à un refus de délivrance de titre de séjour). 

Or, la délivrance d’une OQTF est une faculté de l’administration, elle n’a donc pas à être systématique. Dans la lignée de la loi Darmanin, la circulaire Retailleau incite donc fortement à faire de cette faculté une automaticité, une pratique qui, si elle est mise en œuvre sur tout le territoire, augmentera certainement le nombre d’OQTF délivrées en France à des personnes en situation irrégulière.

4. La circulaire Retailleau renforce le pouvoir des préfectures 

En axant sa circulaire sur le volet « exceptionnel » de la procédure de demande de régularisation, la circulaire Retailleau renforce le pouvoir des préfectures. Rappelons-le : les termes juridiques « admission exceptionnelle au séjour » sont ici à comprendre au sens de « régularisation ». 

Le texte ne donne pas de définition précise du caractère « exceptionnel » d’une situation individuelle. C’est donc un texte qui est dans son ensemble beaucoup moins protecteur pour les personnes étrangères en situation irrégulière puisqu’il donne une large place à l’interprétation.

Concernant la « menace à l’ordre public », un axe central de la circulaire pour justifier le refus de l’AES, il augmente le caractère vague et incertain des instructions qui sont données aux préfectures. En enlevant les précisions que posaient la précédente circulaire, celle de Retailleau laisse de nouveau plus de place à l’interprétation, en raison du caractère vague de cette notion, pouvant conduire à des violations des droits.

Lire aussi : Comment la France viole le principe de non refoulement

5. La circulaire ne respecte pas le droit international  

Au nom des exigences juridiques générales de la conformité avec le droit international, si une circulaire porte atteinte à un traité ou à une norme internationale, elle pourrait être contestée et jugée incompatible. 

La circulaire de Retailleau pourrait porter atteinte aux :

Droit à la vie privée et familiale

➡️ Enoncé dans l'article 8 de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et article 7 Charte des droits fondamentaux de l’UE

Avec la nouvelle circulaire, il n’y a plus de garanties que les cas explicitement couverts par la circulaire Valls (parents d’enfants scolarisés, conjoints d’étrangers en situation régulière, mineurs devenus majeurs...) puissent toujours donner lieu à une AES en pratique. Cela pourrait, par exemple, conduire à des séparations de famille.

Droit au travail

➡️Enoncé dans les articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)

Choisir librement son travail est un droit. Dans la circulaire Retailleau, l’accent est explicitement mis sur la régularisation pour les personnes occupant des emplois couverts par la liste des métiers dits « en tension » – les autres situations de travail n’étant plus mentionnées dans le texte, cela laisse plus de marge de manœuvre aux préfectures pour ne pas attribuer de régularisation à une personne en situation irrégulière exerçant une activité professionnelle salariée ne figurant pas dans cette liste.

Droit à un recours effectif

➡️Enoncé dans les articles 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 6 de la CEDH

En cas de refus de délivrance d’un titre de séjour, la personne concernée a la possibilité d’attaquer cette décision administrative par différentes voies : un recours gracieux devant le préfet, par un recours hiérarchique devant le ministre de l’Intérieur ou par un recours contentieux par devant le tribunal administratif compétent, dans un délai de deux mois suivant la notification du refus de titre de séjour.  

Mais lorsque le refus de séjour est suivi d’une OQTF - tel que préconisé par la circulaire Retailleau - la personne peut procéder uniquement à un recours OQTF et ne peut contester la décision de refus de délivrance du titre de séjour. Il y a là un risque d’entrave à la possibilité de la personne de faire un recours pour contester le refus de délivrance du titre de séjour en tant que tel. 

Amnesty International s’inquiète des politiques françaises de plus en plus répressives et stigmatisantes envers les personnes exilées. Dans ce contexte, nous appelons les préfectures à conduire des examens les plus individualisés et exhaustifs possibles et de veiller à la bonne prise en compte de la potentielle situation de vulnérabilité dans lesquelles peuvent se trouver des personnes en situation irrégulière. Parce que le droit international protège les personnes exilées, nous continuerons, plus que jamais, à nous battre pour défendre leurs droits.