« Y a-t-il un espoir que le tortionnaire renoue un jour avec sa conscience ? » est la question qui hante les deux films "Mon pire ennemi" et "Là où dieu n’est pas", diptyque de Mehran Tamadon sur les interrogatoires idéologiques et la violence politique de la République Islamique d’Iran.
« Dans mes films précédents, je nouais des liens avec les soutiens du régime dans l'espoir de les toucher. Est-ce que ce lien est encore possible ? Est-ce possible de toucher ces hommes si dangereux et violents ? Sans doute que oui, mais encore faut-il trouver la bonne clé pour ouvrir leurs portes qui sont si bien verrouillées » s’interroge Mehran Tamadon.
Après deux précédents films mêlant documentaire et démarche artistique, le réalisateur en exil a désormais choisi les clés de la fiction et du recueil de témoignages, auprès de personnes survivantes des geôles et tortionnaires du régime.
« Mon pire ennemi »
Dans Mon Pire ennemi, qui sort en salles le 8 mai, Mehran Tamadon demande à Mojtaba, Hamzeh, Zar et d’autres personnes survivantes, désormais réfugiées en France, de l’interroger, en utilisant les mots et méthodes des agents de la République Islamique d'Iran. Un miroir dressé face aux tortionnaires, révélant leur violence, leur arbitraire et leur absurdité.
Mais faire jouer ou témoigner des personnes survivantes des tortures qu’elles ont subies, n’est-ce pas les replonger dans leurs douleurs et traumatismes ? Lorsque l’actrice Zar Amir Ebrahimi – Grand prix d’interprétation à Cannes en 2022 - et Mehran Tamadon se prêtent à l’exercice, ni l’un ni l’autre ne semblent plus tout à fait maitriser les rôles qu’ils avaient choisi d’endosser, jusqu’à se mettre en danger, ainsi que le projet de film.
« Sur deux jours d'interrogatoire avec Zar, il y a environ vingt heures d'images. Rien n'était écrit, même si Zar avait enquêté sur moi et préparé des questions en amont que je ne connaissais pas. L’apparition de doutes est au cœur du film. On ne sait plus ce qui est joué et ce qui est réel. Est-ce Zar elle-même qui parle, ou est-ce Zar la comédienne qui joue ? Qui est le bourreau dans cette histoire ? Est-ce elle ou moi ? »
« Là où dieu n'est pas »
En contrepoint, dans Là où Dieu n’est pas, qui sort le 15 mai, le réalisateur part à la rencontre de trois personnes arrêtées, interrogées et torturées par le régime iranien : Taghi, Homa et Mazyar. Tous les trois témoignent avec leurs corps et avec leurs gestes ce que signifie résister, ce que signifie craquer, lorsque l’on est interrogé par les sicaires du régime. Au cœur des interrogations des anciens suppliciés se pose une question terrible, questionnant la possibilité d’un hypothétique pardon : au-delà de l’atrocité des actes, y a-t-il espoir que le tortionnaire renoue un jour avec sa conscience et son humanité ?