À l’occasion des Rencontres d’Arles, nous présentons l’exposition «Manifeste. Ils furent foule soudain» : 110 photographies de 22 photographes de l’agence MYOP viennent résonner comme une clameur collective pour rappeler que manifester est un droit essentiel qui en protège d’autres.
« Ils n’étaient que quelques-uns / Ils furent foule soudain. » Ce sont sur ces vers de Paul Éluard que notre ONG fusionne le temps d’un été avec l’agence MYOP.
L’objectif de cette exposition, à Arles du 3 juillet au 27 août 2023, est de témoigner de la puissance des manifestations : des sentiments qu’elles procurent aux changements qu’elles permettent, de la pluralité des combats dont elles attestent, à l’élan de courage et d’humanité qu’elles révèlent.
Des manifestations historiques de Tiananmen en Chine, en passant par les soulèvements du printemps arabe aux manifestations récentes en France… plongée au cœur de ces manifestations et rencontre avec les photographes de l'agence MYOP.
MYOP a été fondée en 2005 par des photographes désireux de se réunir et d’écrire en commun une histoire sensible, vivante et subjective de notre temps. MYOP rassemble aujourd’hui vingt-deux auteur.e.s documentaires qui confrontent leurs points de vue et partagent leurs témoignages du monde contemporain. Leur nom est inspiré d’un poème de Paul Éluard : «Mes Yeux, Objets Patients, étaient à jamais ouverts sur l’étendue des mers où je me noyais. Enfin une écume blanche passa sur le point noir qui fuyait. Tout s’effaça.».
« Ils n’étaient que quelques-uns / Ils furent foule soudain » Ce sont sur ces vers de Paul Éluard qu’Amnesty International et l’agence MYOP se rencontrent pour témoigner ensemble de la puissance des manifestations : des sentiments qu’elles procurent aux changements qu’elles permettent, de la pluralité des combats dont elles attestent à la clameur collective qu’elles transmettent.
À travers cette exposition, l’élan des mobilisations est porté par une combinaison de gestes. Ceux des manifestations d’un côté et ceux des photographes de l’autre, qui in fine ne font plus qu’un, pour délivrer le même récit.
Les personnes qui manifestent ont autant la conviction d’être à leur place, ici – pour revendiquer –, que les photographes ont la conviction d’être à leur place, là – pour documenter, informer, raconter.
À leur manière, ils et elles se manifestent pour révéler une part de vérité et réveiller une frange d’humanité.
La force des images présentées par les photographes de MYOP réside dans leurs profondeurs. Une profondeur des regards et des approches. Une profondeur historique et géographique. Une profondeur des écritures photographiques. Pour une immersion dans la célébration des manifestations. Si nous avons tendance à vouloir dénoncer ce qui nous choque, nous déplaît, nous sidère ou nous met en rage, c’est en manifestant que la revendication individuelle se meut en revendication collective.
Manifester nous anime. Manifester nous engage. C’est un réflexe irrépressible : un acte universel de résistance et de solidarité.
Le droit de manifester pacifiquement doit s’exercer sans entrave. Or, il est trop souvent contesté et réprimé. Parce qu’il est essentiel et qu’il en protège d’autres, il doit sans cesse être défendu.
En regardant ces photographies, on remarquera que manifester se transmet de génération en génération, en vue de changer le cours de l’avenir. Des générations qui se battent pour toujours plus de dignité, d’égalité, de liberté et d’humanité.
Et si on les écoutait ?
Manifestations Place Tiananmem : le souffle de la liberté
1989, en Chine. Des manifestations d'étudiants en faveur de la démocratie gagnent Pékin. Ce mouvement porté par la jeunesse est inédit. Des milliers de personnes se réunissent Place Tiananmen pour revendiquer leurs droits et leur désir de liberté. Alain Keler, photographe de renom, était avec les étudiants chinois, Place Tiananmen. Il a capté leur colère, la force de leur union et leur espoir, quelques jours seulement avant que les autorités chinoises ne répriment le mouvement dans un bain de sang...
Lire aussi : Les grandes manifestations en Chine depuis Tiananmen
Manifestation étudiante place Tiananmen Pékin, Chine, le 28 mai 1989 © Alain Keler - MYOP
Il y avait un souffle de liberté sur la Place Tiananmen, il y avait une ferveur ! Ces étudiants voulaient nous parler à nous journalistes. Pour eux, c’était une ouverture sur le monde, telle qu’ils ne l’avaient jamais connue.
Alain Keler, photographe
Manifestation étudiante place Tiananmen Pékin, Chine, le 28 mai 1989 - © Alain Keler - MYOP
Manifestations des printemps arabes : le désir de changement
2011, en Égypte. Après les manifestations en Tunisie, c'est au tour de l'Egypte de faire sa révolution. Avec force et détermination, des milliers de manifestants descendent dans les rues du Caire pour aspirer à plus de liberté et demander un véritable changement politique. Guillaume Binet était au Caire en 2011 au moment du début de l'effervescence de ce que l'on nommera ensuite les "printemps arabes".
Lors d'une manifestation place Tahrir contre le régime d'Hosni Moubarak, lors du printemps arabe égyptien. Le Caire, Égypte, le 25 février 2011. © Guillaume Binet / MYOP
Dans les rues du Caire, j'ai été témoin de cette foule qui ne cessait de grossir. J'ai vu des familles, des mères, des jeunes crier leur espoir plus que leur haine du pouvoir. Ils voulaient un changement, ils sont descendus pour s'ouvrir au monde.
Guillaume Binet, photographe
Manifestations pour les droits des femmes : de Séoul à Bangui
En Corée du Sud, en République centreafricaine, les femmes se battent aussi pour leurs droits. La photographe Agnès Dherbeys a couvert pour la première fois en 2023 une manifestation à Séoul organisée dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes. Elle a suivi un groupe de militantes féministes, le "Flaming Feminist Action"...
Lire aussi : Droits des femmes : des manifestations majeures en 2022
Rassemblement d'un groupe de militantes féministes pour fêter la journée internationale des droits des femmes qui approche. Séoul, Corée du Sud, le 4 mars 2023. © Agnès Dherbeys / MYOP
De la Corée du Sud, on connaît la K-pop, Samsung, le cinéma, mais on ignore que c'est une société très conservatrice où le patriarcat est très important. C'est notamment pour ça que j'ai voulu travailler sur les féministes en Corée du Sud.
Agnès Dherbeys, photographe
En plus de la présentation de ses photographies dans l'exposition Amnesty x MYOP "Manifeste. Ils furent foule soudain", Agnès Dherbey propose à Arles son exposition '"Génération Gangnam Murder".
Dans le sillage du mouvement #Metoo, une Corée du Sud féministe s’éveille. Le pays représente un cas unique : alors que les avancées technologiques, économiques et politiques sont phénoménales depuis la fin de la guerre, le patriarcat et la place de la femme ont peu évolué. Comment expliquer que ce pays soit seulement placé à la 102e place (sur 156 pays) en termes d’égalité des genres ? Que signifie être une femme en Corée du Sud en 2023 ? Cette série photographique documente l’essor inédit de la dynamique féministe dans ce pays d’Asie.
Marche de femmes pour la paix. Bangui, République centrafricaine, le 24 décembre 2020. © Adrienne Surprenant / MYOP
Manifestations en France : des retraites aux marches pour le climat
L'année 2023 a été marquée par d'importantes mobilisations en France contre la réforme des retraites. La photographe Adrienne Surprenant s'est intéressée aux manifestations à l'extérieur de Paris dans le cadre d'un reportage pour un média étranger. La ville de Morlaix a retenu son attention, car dans cette ville du Finistère il y avait le même nombre d'habitants que de manifestants, à savoir, 15 000 personnes...
Mobilisation contre la réforme des retraites dans la ville de Morlaix en Bretagne, France, le 7 mars 2023. © Adrienne Surprenant / MYOP
J'ai couvert des manifestations dans plusieurs pays au Liban, en République centrafricaine et beaucoup de manifs à Paris et celle-ci, à Morlaix, c'était l'une des manifestations les plus tranquilles que j'ai couverte depuis des années : des gens de toutes les générations, des bébés en poussette, des personnes en chaise roulante, c'était très festif !
Adrienne Surprenant, photographe
En plus de la présentation de ses photographies dans l'exposition Amnesty x MYOP "Manifeste. Ils furent foule soudain", Adrienne Surprenant propose à Arles son exposition "Sur notre terre".
Lorsque les colons Britanniques régnaient sur le Kenya, tous les Kipsigis ont été brutalement évincés de leurs terres communautaires. En 1963, quand le pays a obtenu son indépendance, ces terres sont passées aux mains de compagnies privées, qui ont continué d’exploiter les plantations de thé en toute impunité. Depuis 2014, 120 000 Kipsigis sont représentés par une équipe d’avocat.e.s kényan.e.s et britanniques, qui ont entrepris des démarches judiciaires auprès de la Commission nationale foncière et des tribunaux kényans pour obtenir la restitution des terres.
Marche de la jeunesse pour le climat. Paris, France, le 12 mars 2022. © Stéphane Lagoutte / MYOP
Cette photo d'une manifestation pour le climat, Stéphane Lagoutte, son photographe, nous la raconte en vidéo. 👇
Rencontre avec Stéphane Lagoutte
Son regard de photographe sur les manifestations en France
Manifestations contre la réforme des retraites, contre la loi sécurité globale, marches pour le climat... quels changements a t-il vu dans sa couverture des manifs en France ces dernières années ? Entretien avec Stéphane Lagoutte, membre de l'agence MYOP depuis 2009 et commissaire de notre exposition "Manifeste. Ils furent foule soudain".
Informations pratiques
Notre exposition "Manifeste. Ils furent foule soudain" avec l'agence MYOP est à Arles du 3 juillet au 27 août 2023. Avant d'accéder à notre exposition, qui se trouve dans une ancienne piscine au milieu d'un jardin, vous pourrez découvrir les expositions individuelles des photographes de MYOP. Agnès Dherbeys propose "Génération Gangnam Murder" une exposition sur son travail sur le mouvement féministe en Corée du Sud. Quant à Adrienne Surprenant, elle propose "Sur notre terre", une exposition qui nous emmène au Kenya, à le rencontre de celles et ceux qui se battent pour récupérer leurs terres, exploitées par des compagnies privées.
Adresse : 2, Avenue La Fayette, 13200 Arles
Horaires : Ouvert tous les jours de 10h à 19h30
Tarif : 6 euros
Gratuit pour les détenteurs du Pass Rencontres d’Arles, les moins de 18 ans, les étudiants, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux et les personnes en situation de handicap.
En lien avec le droit de manifester
🎥 À voir
"Au nom du maintien de l'ordre", un documentaire de Paul Moreira à visionner sur Arte.fr
Dans ce documentaire en deux épisodes, le journaliste et réalisateur Paul Moreira livre une analyse du durcissement du maintien de l'ordre en France, qui se caractérise notamment par un recours de plus en plus fréquent à des armes mutilantes.
Pour un contrôle des armes à létalité réduite en manifestation
🎙️ À écouter
"La manif est à nous" un podcast d'Adila Bennedjaï-Zou à écouter sur France Culture.
Dans cette série documentaire en quatre épisodes, Adila Bennedjaï-Zou s'interroge sur l'occupation de la rue. Elle s’attache à raconter la manifestation comme expérience, expérience sensible, sociale, intime et politique.
Pour offrir une immersion complète au cœur des manifestations, des extraits du podcast sont proposés en baladodiffusion au public lors de notre exposition.
📖 À lire
Nos dossiers sur le droit de manifester en France et dans le monde :
Manifestez-Vous
Nous avons fait cette exposition avec l'agence Myop dans le cadre de notre campagne mondiale sur le droit de manifester. Parce qu'il est aujourd'hui menacé partout dans le monde, défendons-le.