À travers les États-Unis, les forces de police se sont livrées à des violations graves et généralisées des droits humains des manifestants dénonçant l’homicide illégal de personnes noires et réclamant une réforme de la police.
Devant l’ampleur de la situation, nous lançons une carte interactive qui recense des cas de violences policières aux États-Unis. L’occasion d’appeler à des changements systémiques en matière de maintien de l’ordre. Sur cette carte, apparaissent 125 cas de violences policières contre des manifestants dans 40 États entre le 26 mai et le 5 juin 2020. Cette période coïncide avec la mobilisation du mouvement Black Lives Matter composé de centaines de milliers de personnes aux États-Unis et dans le monde qui ont milité contre le racisme systémique et les violences policières. La majorité des manifestants étaient pacifiques, mais certains ont usé de violence. Dans de nombreux cas, toutefois, au lieu de répondre aux violences individuelles, les forces de sécurité ont utilisé une force disproportionnée et aveugle contre l’ensemble de la manifestation.
Ce recours illégal à la force s’est notamment traduit par les coups, l’usage abusif de gaz lacrymogènes et de gaz poivre, et les tirs inappropriés de projectiles à létalité réduite, tels que des balles en éponge et en caoutchouc. Ces violations sont le fait de diverses forces de sécurité : départements de police locaux et étatiques, agences fédérales et Garde nationale. Il n’est plus temps d’appliquer des solutions provisoires et de présenter des excuses pour quelques " brebis galeuses ". Il faut une réforme systémique de la police, une refonte de la politique du maintien de l’ordre aux États-Unis, qui permette d’en finir avec l’usage de la force excessive et les exécutions extrajudiciaires de personnes noires. Les citoyens ne devraient pas avoir peur de se faire malmener par les policiers qui ont pourtant prêté le serment de les protéger. Les membres des forces de l’ordre qui font usage d’une force excessive et se rendent responsables d’homicides illégaux doivent rendre compte de leurs actes, sans exception.
Des violences policières dans de nombreux États
Comme en témoigne notre carte interactive, nous révélons un éventail ahurissant de violations imputables aux forces de l’ordre à travers le pays, dans 80 % des États américains. Le 30 mai, une patrouille conjointe de policiers de Minneapolis et de membres de la Garde nationale de l’État du Minnesota a tiré avec des armes à impact cinétique sur des personnes se tenant tranquillement sous les porches de leurs habitations. Après avoir rencontré des personnes qui les filmaient avec leurs téléphones portables, ils leur ont ordonné de « rentrer à l’intérieur » et ont ensuite hurlé « allumez-les » avant de tirer.
Le 1er juin, dans le centre-ville de Philadelphie, la police municipale et la police d’État ont tiré de grandes quantités de gaz lacrymogènes et de gaz poivre pour déloger des dizaines de manifestants pacifiques de l’autoroute Vine Street.
Sans crier gare, ils ont commencé à asperger la foule de gaz poivre. Puis ils ont tiré des gaz lacrymogènes. Les manifestants ont mis les mains en l’air, mais les flics ne se calmaient pas. Nous bavions et toussions sans pouvoir nous arrêter.
Lizzie Horne, une manifestante, sur l'autoroute Vine Street le 1er juin
Les violations des droits humains n’ont pas eu lieu dans les grandes villes uniquement. Des policiers locaux ont utilisé des gaz lacrymogènes de manière inappropriée contre des manifestants pacifiques à Louisville, dans le Kentucky, à Murfreesboro, dans le Tennessee, à Sioux Falls, dans le Dakota du Sud, et à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, entre autres. À Fort Wayne, dans l’Indiana, le 30 mai, un journaliste a perdu un œil après avoir été touché au visage par un tir de grenade lacrymogène.
En agissant ainsi, la police américaine viole le droit international
L’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques viole la Constitution des États-Unis et le droit international relatif aux droits humains. Les organes chargés de l’application des lois, à tous les niveaux, sont tenus de respecter, de protéger et de faciliter les rassemblements pacifiques. Les forces de sécurité ne peuvent faire usage de la force lors des rassemblements publics que lorsqu’elle est absolument nécessaire et proportionnée pour parvenir à un objectif légitime de maintien de l’ordre, en réponse à de graves violences qui mettent en péril la vie ou les droits d’autrui. Lorsque c’est le cas, les autorités doivent établir une distinction stricte entre manifestants et passants pacifiques, et toute personne qui se livre à des violences. Les actes violents d’une personne ne sauraient justifier le recours à la force disproportionnée contre l’ensemble des manifestants pacifiques, et la force se justifie uniquement jusqu’à ce que la menace de violence imminente contre autrui soit écartée.
Les restrictions imposées à des réunions publiques, notamment le recours à la force contre les manifestants, ne doivent pas établir de discrimination en fonction de l’appartenance ou de l’origine ethnique, de l’idéologie politique ou de tout autre critère social.
Il faut réformer la police
Dans un décret publié le 16 juin, le président Donald Trump a ordonné la limitation de l’utilisation des prises d’étranglement comme celle qui a coûté la vie à George Floyd à Minneapolis le mois dernier. Il a aussi demandé la création d’une base de données nationale sur les allégations qui visent la police et son usage excessif de la force. Dans certaines villes et certains États, les forces de police ont mis en œuvre des réformes partielles au niveau local depuis le début du mouvement, par exemple en suspendant l’usage de certains équipements de contrôle des foules, comme les gaz lacrymogènes. À Minneapolis, le conseil municipal dans sa majorité a promis de dissoudre les services de police et de les remplacer par des institutions de sécurité publique plus efficaces.
Il faut une réforme réelle, systémique et durable de la police, à tous les échelons.
Nous prônons des réformes concrètes et durables des forces de l’ordre américaines à tous les niveaux, et demandons de :
mettre fin aux exécutions extrajudiciaires de personnes noires imputables à la police
mener des investigations indépendantes et impartiales pour que les agents de polices concernés rendent des comptes et que des réparations soit accordées aux victimes ;
garantir le droit de manifester pacifiquement contre les violences policières, sans risque de subir de nouvelles violences policières ;
adopter une législation fédérale, notamment la loi PEACE, ainsi que des lois au niveau des États pour que l’usage de la force par la police soit strictement nécessaire et proportionné ;
renoncer à la doctrine de l’« immunité qualifiée », qui empêche les policiers d’être tenus responsables pénalement lorsqu’ils enfreignent la loi ;
adopter une législation fédérale afin de démilitariser les forces de police.
En France et en Europe aussi, de profonds changements sont nécessaires dans les pratiques policières. Découvrez notre rapport et nos demandes
Enquête sur les manifestations aux États-Unis à partir d’informations disponibles en libre accès
Afin d’évaluer ces cas, notre Laboratoire de preuves a rassemblé près de 500 vidéos et photos prises lors des manifestations et publiées sur les plateformes de réseaux sociaux. Ces contenus numériques ont ensuite été vérifiés, géolocalisés et analysés par des enquêteurs disposant de compétences dans les domaines des armes, des tactiques policières et des lois américaines et internationales régissant le recours à la force. Dans certains cas, les chercheurs ont pu s’entretenir avec des victimes et confirmer le comportement des forces de l’ordre auprès des services de police locaux.
Demandez justice pour George Floyd !
Agissez sans attendre et appelez les autorités américaines à faire en sorte que tous les responsables présumés de la mort de George Floyd soient amenés à rendre des comptes.
Joignez-vous à la famille, aux amis et à l’entourage de George pour réclamer justice !