Depuis le début du mois de novembre, l'Éthiopie est en proie à un terrible conflit dans la région du Tigré. Des massacres ont été perpétrés tuant des centaines de civils et poussant des milliers d'Éthiopiens à fuir vers le Soudan voisin.
Le 4 novembre, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a ordonné aux forces de défense éthiopiennes de lancer une opération militaire contre la Police paramilitaire de la région du Tigré et contre les milices ayant fait allégeance au Front de libération des peuples du Tigré (TPLF). Pour justifier cette opération militaire, il a déclaré qu'il réagissait ainsi aux nombreuses attaques menées par les forces de sécurité régionales du Tigré contre des camps militaires de l’Armée fédérale Ethiopienne.
Le lancement d'une opération militaire est le signe d'une escalade dans le conflit politique qui oppose le gouvernement fédéral Éthiopien à son ancien allié, le TPLF. Mais cette opération met surtout en péril la vie de nombreuses personnes et menace d'entraîner une escalade des violations des droits humains en Éthiopie.
Maï- Kadra : Un terrible massacre de civils
Dans la nuit du 9 novembre, un terrible massacre a été commis dans le centre-ville Maï-Kadra, une localité de l’ouest du Tigré. D'effroyables vidéos et photos, vérifiées par notre laboratoire de preuves du programme réaction aux crises, ont révélé cette tuerie de masse : elles montrent des cadavres partout dans les rues et des corps transportés sur des brancards.
Quand je suis entré dans la ville, j'ai vu des choses abominables. Les rues étaient semées de cadavres. Je n'arrive toujours pas à m'en remettre
Un témoin qui est entré dans la ville de Maï-Kadra après qu'elle ait été reprise par l'armée éthiopienne
Un grand nombre de civils ont été tués cette nuit-là. Il s'agit surtout de travailleurs qui ne sont en aucun cas impliqués dans l'offensive militaire. Les témoignages que nous avons recueillis ont indiqué que la plupart des victimes étaient des amharas, l'une des ethnies majoritaires d'Éthiopie et que les forces affiliées au Front de libération des peuples du Tigré (TPLF) étaient responsables de ce massacre. D’autres ont décrit des attaques perpétrées avec des machettes, des haches et des couteaux.
Compte tenu du contexte du conflit armé en cours et du chaos qui en résulte, nous n’excluons pas la possibilité d’attaques contre d’autres communautés ethniques incluant les tigréens.
Une région coupée du monde
Dès le début de l’offensive militaire, les réseaux de télécommunications et internet ont été totalement interrompus et l’accès libre à la région est devenu impossible . Cette situation empêche les enquêtes sur le terrain et il est urgent que les communications soient rétablies pour permettre l'ouverture d'enquêtes indépendantes et faciliter un accès aux observateurs des droits humains .
Les organisations humanitaires doivent pouvoir se rendre librement dans toute la région du Tigré où une aide humanitaire à la population est plus que nécessaire et urgente. Depuis le début du mois, plus de 40.000 personnes ont déjà fui le Tigré pour rejoindre des camps de réfugiés au Soudan voisin, selon les dernières estimations du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
La protection des civils doit être une priorité
Le conflit, désormais centré autour de Mékélé, la capitale régionale du Tigré, reprise par les forces fédérales, est entré dans ce qu’Abyi Ahmed a annoncé comme étant sa phase finale. Mais Debretsion Gebremichael, le leader de la région du Tigré a promis que le TPLF continuerait à se battre.
La situation est extrêmement préoccupante parce qu’une zone peuplée de milliers de civils est menacée par une escalade toujours plus meurtrière. La priorité doit être donnée à la protection des civils et il est urgent de permettre un accès à la région aux observateurs des droits humains et aux organisations humanitaires. Nous rappelons que le droit humanitaire international interdit l’attaque délibérée de civils qui constitue un crime de guerre.
Nous demandons à toutes les parties au conflit de :
ne pas viser des installations civiles telles que des hôpitaux, des établissements scolaires ou religieux et des quartiers résidentiels et s’assurer de ne pas utiliser des civils comme « boucliers humains » ;
s’abstenir d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact, comme les obus d’artillerie et de mortier et les missiles non guidés, dans des zones urbaines densément peuplées ou à proximité d’autres lieux où se concentre la population civile ;
permettre aux organisations humanitaires de se rendre librement dans toute la région du Tigré, où l’accès de la population à l’aide humanitaire dont elle a grandement besoin est entravé depuis le début de l’offensive militaire, le 4 novembre ;
solliciter l’aide d’acteurs régionaux et internationaux pour que des enquêtes en bonne et due forme soient menées sur les atteintes aux droits humains et les violations du droit international humanitaire ;
rétablir immédiatement les communications téléphoniques et électroniques dans le Tigré afin de respecter le droit à la liberté d’expression
ENSEMBLE DÉFENDONS UN MONDE PLUS JUSTE
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Ensemble, nous pouvons remporter des victoires !