La crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 est inédite et exceptionnelle. La manière dont les autorités françaises décident de répondre à la pandémie aura un impact sur des millions de personnes. Dans ces circonstances extraordinaires, le respect des droits humains est plus essentiel que jamais pour traverser cette crise tous ensemble.
Redoubler de vigilance
Face à la gravité de la pandémie, des décisions sont prises dans l’urgence. Les politiques adoptées et les lois votées le sont avec peu de temps consacré aux consultations. Il est donc primordial de suivre attentivement et d’analyser scrupuleusement les conséquences de ces mesures sur les droits humains.
Le principe d'égalité et de non-discrimination doivent être des éléments centraux de la réponse des autorités à cette crise. L’État doit garantir pour tous l’accès aux soins en tant que droit universel. Il doit également réagir fermement à tout propos ou acte discriminatoire, dont ceux, déplorables, formulés à l’encontre des personnes d’origine asiatique ou vivant dans des quartiers dits « sensibles ». Par ailleurs, le renforcement de la protection des droits des personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées ou stigmatisées est essentiel.
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La santé et des soins pour tous, sans exception
Il est primordial que l’accès aux biens et services essentiels à la vie soit garanti pour tous et nous insistons sur certaines catégories de personnes qui requièrent davantage d’attention.
En France, des milliers de personnes vivent dans une situation de précarité extrême que la situation actuelle risque d'aggraver. Ces personnes sont davantage exposées à la propagation du virus, du fait d’un état de santé déjà dégradé par des conditions de vie difficiles. Les initiatives amorcées pour qu’un abri soit urgemment fourni à toutes celles et tous ceux qui n’en ont pas, ainsi qu’aux personnes mal-logées, doivent être concrétisées.
Les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, de l’alimentation, de l’assainissement et d’autres secteurs indispensables, et qui maintiennent avec courage les services essentiels doivent particulièrement être protégées en cette période critique.
Les prisons et centres de rétention - souvent surpeuplés - sont des lieux propices à une rapide propagation du virus, pour les personnes détenues ou les personnels qui y travaillent. Les gestes barrières y sont plus difficilement mis en place. Il est donc essentiel que la France, comme d’autres pays l’ont déjà fait, prenne des mesures pour désengorger ses prisons, en proposant des alternatives à la détention. Les détenus âgés, souffrant de pathologies préexistantes et les personnes en détention provisoire -c’est-à-dire présumées innocentes-, devraient en priorité faire l’objet de ces mesures.
Par ailleurs, dans le contexte actuel de confinement, les femmes risquent d’être davantage exposées à la violence domestique, de même que les enfants.
La « crise COVID-19 » va sans aucun doute également accroître la discrimination et la fragilisation de personnes déjà trop souvent stigmatisées, telles que les personnes LGBTI+ ou encore les travailleurs et travailleuses du sexe. Les droits de toutes ces personnes doivent être protégés et garantis grâce à des mesures adaptées à cette situation exceptionnelle.
Garantir les droits des exilés
Malgré l’épidémie de COVID-19, des personnes continuent de fuir des guerres, des persécutions, les violences ou des conditions de vie désastreuses. Migrantes et réfugiées, ces personnes qui viennent chercher une protection sur notre territoire doivent continuer de voir leurs droits garantis. Le droit d'asile ne souffre d’aucune dérogation. Et même si les mesures de confinement ont un impact sur les procédures administratives, les retards ou ajournements ne doivent pas exposer ces personnes à un risque de refoulement.
Face à la pandémie, les autorités doivent répondre aux préoccupations de santé publique concernant les demandeurs d'asile par des mesures alternatives, telles que les quarantaines, le confinement et le dépistage. Et dans la mesure où les renvois de personnes étrangères sont actuellement rendus impossibles, les personnes enfermées en centre de rétention n’ont rien à y faire et doivent ainsi être libérées.
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Limiter les restrictions des libertés
La loi déclarant l’état de « catastrophe sanitaire » votée le 20 mars 2020, permet aux autorités de suspendre des droits fondamentaux telles que la liberté d’aller et venir ou la liberté de réunion pacifique. Si ces restrictions sont permises par le droit international afin de répondre à des situations de crise ou de danger exceptionnels, elles doivent rester nécessaires, proportionnées et limitées dans le temps.
Par ailleurs, les mesures de confinement s’accompagnent de la multiplication des contrôles de police avec un risque de dérives. Les contrôles des attestations de sortie sont bien sûr nécessaires, mais ils doivent se faire dans le strict respect du droit, sans discrimination et sans arbitraire. Le recours à la force doit être évité, et, lorsqu’il est absolument nécessaire, rester strictement proportionné.
Les autorités doivent s’engager à mettre fin à l’état dérogatoire aux libertés publiques dès que la « catastrophe sanitaire » sera terminée et en aucun cas à étendre ces mesures ou à les intégrer au droit commun.
L’épidémie mondiale de COVID-19 impacte nos sociétés dans leur ensemble, y compris le fonctionnement de nos institutions. En ces temps troublés, les tentations peuvent donc être grandes pour les gouvernements de se détourner des droits fondamentaux. Cette crise représente un véritable défi pour les autorités, qui doivent rester vigilantes afin de vaincre la pandémie dans le respect des droits humains.
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