Dans le XIIe arrondissement de Paris, un mur est consacré aux droits humains et cette année au droit des femmes à l’avortement. La fresque, réalisée par l’artiste Olivia De Bona, représente avec douceur l'histoire et l’accompagnement des femmes qui ont recours à ce droit fondamental.
Après avoir dédié l’an dernier la fresque des droits humains aux six portraits de défenseur⸱ses, nous avons cette année décidé de réinvestir ce mur du XIIe arrondissement de Paris pour parler des droits des femmes et en particulier du droit à l’avortement.
L’avortement ou l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) est un acte médical qui met fin à une grossesse. S’il s’agit d’un soin de santé de base et d’un droit fondamental pour les femmes, le droit à l’avortement reste encore aujourd’hui menacé et régulièrement remis en cause dans le monde.
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En mars 2024, la France est devenue le premier pays au monde à intégrer l’avortement dans sa Constitution, 49 ans après la promulgation de la loi Veil sur la dépénalisation de l’IVG. Ce texte constitue un symbole important vis-à-vis des pays qui restreignent le droit à l’avortement comme les États-Unis.
En 2022, la Cour suprême américaine a annulé l’arrêt Roe vs. Wade, qui garantissait le droit à l’avortement au niveau fédéral depuis 1973. Depuis, plus d’un tiers des États du pays ont promulgué des interdictions ou des restrictions au droit à l’avortement. Les conséquences sur les droits et la santé de millions de femmes et de personnes pouvant être enceintes sont désastreuses.
C’est face aux attaques à ce droit, aux retours en arrière et aux stigmatisations persistantes que nous avons choisi d’inscrire dans l’espace public, par le biais d’une fresque, la défense de ce droit fondamental. Nous avons confié sa réalisation à l’artiste Olivia De Bona, engagée de longue date sur ces questions. Retour avec elle sur cette belle aventure picturale.
Pourquoi avez-vous voulu faire une fresque pour Amnesty International ?
Lorsqu’Amnesty International m’a proposé de réaliser cette fresque, j’ai tout de suite accepté car cela avait du sens pour moi de traiter le sujet des droits humains, et plus particulièrement les droits des femmes et leur droit à l’IVG. Ce n’est pas seulement une commande artistique mais aussi un sujet que je défends au quotidien.
La fresque n’est pas là pour se demander si on est pour ou contre l’avortement. La vraie question à se poser est : comment on accompagne au mieux une femme qui a ce choix à faire, un choix qui est très douloureux psychologiquement et physiquement.
Mon cheminement artistique m’a amené à transmettre un message par le biais de la douceur, de la tendresse, du réconfort. Je souhaite faire naitre des questions auprès du public tout en proposant un travail artistique plaisant, agréable, joli. Je pense qu’on peut communiquer par le beau pour délivrer un message. Celui qui est ouvert et intéressé va ainsi voir la deuxième lecture.
Le lieu de la fresque est aussi familier pour moi puisque le mur se trouve sur le chemin que je prends tous les matins pour me rendre à mon atelier. C’est une manière pour moi de me réapproprier mon propre espace public !
© Erwan Geri
Qu'avez-vous souhaité représenter sur cette fresque ?
J’ai voulu représenter à la manière d’une bande dessinée l’histoire non pas d’une femme mais d’une multitude de femmes. J’ai voulu mélanger plusieurs histoires et ainsi faire échos aux différents vécus des femmes qui ont eu recours à l’avortement. Le but est que cette fresque puisse résonner en chacun et chacune. On a tous et toutes dans son entourage une femme qui l’a vécu...
Ce qui m’intéressais était de représenter les différentes étapes d’accompagnement d’une femme qui a recours à cet acte à travers les messages “Je t’aime”, “Je te crois”, “Je te console”, et enfin “Je te célèbre”.
Selon moi, l’étape du “Je te crois” est la plus importante car elle parle aussi des violences vécues par les femmes lorsque leur parole ou leur choix sont remis en cause.
© Erwan Geri
Notre rapport sur les nouvelles violences lors du dépôt de plainte pour violences sexuelles
Manque d’empathie, culpabilisation, voire accusation d’avoir agi de manière à mériter la violence... Lorsqu’elles décident de porter plainte, les femmes victimes de violences sexuelles ne se confrontent pas uniquement à leurs agresseurs, mais parfois à une nouvelle violence : celle exercée par les institutions policière ou judiciaire.
Dans notre rapport “Rentrez chez vous, ça va passer. Porter plainte pour violences sexuelles : l'épreuve des femmes migrantes, transgenres et travailleuses du sexe en France”, nous avons fait état des obstacles supplémentaires rencontrés par ces femmes lors du dépôt de plainte.
Dans leur parcours vers la justice, elles peuvent subir une nouvelle violence comme le racisme, la transphobie ou la négation des violences subies. Cette violence peut même aller jusqu’au refus du dépôt de plainte, ce qui est contraire à la loi.
L’étape du “Je te console” représente la mère de toutes les mères, soit l’incarnation de toutes les générations des femmes qui ont traversé ces épreuves. Enfin, le “Je te célèbre” est aussi une manière d’encourager les femmes qui ont dû faire ce choix et aussi d’inscrire dans l’espace public que cela relève de leurs droits fondamentaux.
Pensez-vous que l'art dans l'espace public a un impact sur le combat pour les droits des femmes ?
En vingt ans de pratique artistique, j’ai pu voir le changement. J’ai depuis mes débuts représenté le corps nu féminin dans mes œuvres. Si on a pu il y a vingt ans me reprocher de faire le jeu de l’érotisation du corps de la femme, aujourd’hui on m’approche justement avec des projets en lien avec le féminisme. Pourtant, je n’ai pas changé ma représentation de la femme.
Il y a vingt ans, on était peu nombreuses à faire des représentations sur les murs et de l’art urbain. Aujourd’hui, les mentalités ont changé et il y a beaucoup plus de parité dans le métier.
Au cours de ma semaine de création de cette fresque, j’ai énormément pu interagir avec les passant.es qui me posaient des questions. Cette fresque interroge, elle a une volonté de faire réfléchir. J’ai eu des témoignages de soutien, des témoignages de femmes qui se sont battues dans les années 70 pour obtenir ce droit, des questions d’enfants qui s’interrogeaient sur le sujet et j’ai finalement eu très peu d’échanges où les personnes remettaient fondamentalement ce droit en question.
Qui sommes-nous ?
Amnesty International est un mouvement de plus de 10 millions de personnes. Ensemble, nous nous battons partout dans le monde pour faire respecter les droits humains. Ensemble, nous remportons des victoires pour faire progresser la justice et faire cesser les violations des droits humains. En savoir plus.
Chaque jour, nous montrons que des actions simples et rapides suffisent pour soutenir des personnes en danger et changer leur vie. Pour les libérer de la torture, du harcèlement, d’une condamnation à mort ou d’un emprisonnement injuste : chaque voix compte. Faites entendre la vôtre !
Aller plus loin : Défendre des personnes en danger
Qui est l’artiste Olivia De Bona ?
Depuis plus de vingt ans, l’artiste Olivia de Bona développe un lexique poétique fait d’images qui marient son imaginaire personnel à l’imagerie collective. Diplômée en Arts appliqués et cinéma d’animation en 2005, Olivia de Bona se défait très vite du support numérique pour assouvir son intérêt pour le savoir-faire artisanal. Elle investit les rues à l’occasion notamment de collaborations avec Le 9e Concept et dans de nombreux festivals d’arts urbains. Elle explore aussi de nombreuses techniques d’impression comme la gravure et fait la passerelle avec l’artisanat d’art.
Si la maîtrise technique d’Olivia de Bona sublime son univers figuratif, c’est dans la récurrence thématique et la présentation sérielle (la nature, l’animal, le rêve, le nu, la femme, le poil) qu’elle s’attache plus fortement à l’aspect narratif de son travail, touchant ainsi au conte et à l’intime. Le thème de la représentation de la femme ponctue son œuvre depuis de nombreuses années. Chacune de ses créations s’appréhende en deux temps : vient tout d’abord l’émotion suscitée par l’onirisme de ses compositions puis l’analyse de la complexité des détails issus de sa monomanie du trait.
En savoir plus : @olivia_de_bona
Informations pratiques
Le mur des droits humains d'Amnesty International France
30 rue du Sahel, 75012 Paris
Réalisé par l’artiste parisienne Olivia De Bona, en partenariat avec la Mairie de Paris.
Inauguration le mercredi 16 octobre 2024 à 17h30
Signez notre pétition !
Comme des milliers de personnes qui militent pour le droit à l’avortement, la militante polonaise Justyna Wydrzyńska a été condamnée pour avoir aidé une femme à avorter. Justyna doit pouvoir mener son travail sans persécution ni répression. Demandons l’annulation de sa condamnation en signant notre pétition !