Les frappes aériennes de la coalition contre le groupe armé Etat Islamique (EI) auraient provoqué la mort d’environ 300 personnes. C’est ce que révèle l’étude réalisée par notre organisation de 11 frappes.
Le 28 septembre 2016, nous avons adressé un document au ministère américain de la Défense, soulevant des questions quant à la conduite des forces de la coalition en Syrie. Ce document réunit et analyse des informations provenant de plusieurs sources, y compris de témoins directs de frappes aériennes.
Le commandement militaire américain (CENTCOM), qui dirige les forces de la coalition en Syrie, n'a peut-être pas pris les précautions nécessaires pour épargner les civils. De plus, il a peut-être mené des attaques illégales qui ont tué et blessé des civils. Jusqu'à présent, les autorités des États-Unis n'ont jusqu'à présent pas répondu. Elles se contentent d’ailleurs de reconnaître qu’une seule mort causée par ces attaques.
Une frappe aérienne a détruit un bâtiment utilisé par un groupe armé et deux habitations à Atmeh le 11 août 2015 © DigitalGlobe/Google Earth
Des victimes civiles dont des nombreux enfants
Parmi les attaques les plus récentes étudiées dans le mémoire, citons trois attaques menées par la coalition en juin et juillet 2016, dans la région de Manbij, près d'Alep. Ces trois attaques auraient fait plus de 100 morts parmi la population civile dans les villages d'al Tukhar, d'al Hadhadh et d'al Ghandoura.
L'attaque contre al Tukhar le 19 juillet, aurait fait le plus grand nombre de victimes civiles enregistré pour une seule attaque menée par la coalition conduite par les États-Unis. Au moins 73 civils ont été tués, dont 27 enfants, et une trentaine ont été blessés. Le CENTCOM mène une enquête sur cette attaque.
Une semaine plus tard, dans le village d’al Ghandoura, des frappes aériennes ont tué au moins 28 civils dont 7 enfants. Ces frappes ont touché un marché visible dans une vidéo. Nous avons pu géolocaliser ce marché qui se trouve dans la rue principale de ce village. La vidéo et les photographies disponibles après ces attaques montrent un grand nombre de corps dont de nombreux enfants.
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Les autorités américaines nient les victimes civiles de ses attaques
Lors d'une autre attaque, menée le 11 août 2015, un immeuble à Atmeh, près d'Alep, qui était utilisé par un groupe armé pour fabriquer des mortiers, a été touché par une frappe aérienne. Cette frappe a détruit aussi deux maisons civiles adjacents, et huit civils ont été tués. Six enfants âgés de 4 à 17 ans ont perdu la vie. Les informations divergent quant au fait de savoir si 10 combattants ont ou non aussi été tués dans cette attaque. Le CENTCOM a admis avoir mené cette frappe, mais nié toute victime civile.
Les images satellites examinées par nos chercheurs montrent que les deux maisons civiles ont été totalement détruites.
Talha al Amouri, un témoin, nous a dit que sa belle-sœur, mère de cinq des enfants tués, était enceinte de huit mois au moment de l'attaque. Elle fera une fausse couche par la suite. Il a expliqué qu'il était allé avec son frère dans une boutique tout près de la maison, et qu'à son retour il a trouvé les enfants enterrés sous les décombres.
Comment pouvaient-ils savoir qu'il y avait une fabrique d'armes et ignorer qu'il y avait à côté des maisons avec des civils à l'intérieur ? »
Talha al Amouri, témoin de l’attaque
Même si elle visait un objectif militaire légitime, cette attaque a également détruit des maisons voisines et causé la mort de huit civils. Il pourrait donc s'agir d'une attaque disproportionnée.
Manque de transparence et de précautions
En raison de la présence de ces maisons occupées par des civils, il était évident que cette attaque mettait gravement en danger des civils, y compris en raison des explosions secondaires. Les autorités américaines auraient dû soit :
- prendre des mesures pour minimiser ces risques, y compris en lançant un avertissement, dans la mesure du possible
- retarder l'attaque jusqu'à ce que les civils puissent être protégés de façon adéquate
- annuler si cette attaque pouvait être disproportionnée au regard des conséquences
A l’heure où en Irak, la coalition fournit un appui aérien et au sol pour reprendre la ville de Mossoul aux mains du groupe armé Etat Islamique, des pertes civiles sont aussi à craindre dans cette partie du monde. 200 civils syriens ont apparemment été tués lors des attaques de la coalition pour reprendre la petite ville de Manbij. Quel sera le sort des civils dans la grande ville de Mossoul ?
Plus de 200 civils syriens ont apparemment été tués lors d'attaques menées par la coalition en Syrie dans le cadre de la campagne visant à chasser EI de la ville de Manbij, qui est beaucoup plus petite que Mossoul.
Le commandement militaire américain toujours aussi peu transparent
Nos recherches précédentes sur le Pakistan et l'Afghanistan montraient que l'armée des États-Unis n'avait pas mené d'enquêtes efficaces sur des violations présumées du droit international humanitaire et n'avait pas reconnu sa responsabilité concernant des victimes civiles.
Le fait de ne pas mener d'enquêtes transparentes et dignes de ce nom sur les informations faisant état de victimes civiles et de violations du droit international humanitaire enfreint les normes internationales. Des violations qui contrastent fortement avec les engagements exprimés par le président Barack Obama. Les Etats-Unis s’étaient engagés à renforcer les enquêtes qui devaient être menées à la suite de frappes, à présenter des condoléances et à offrir des réparations.
Dans le cadre de la reprise de Mossoul, il est urgent que le commandement militaire américain :
- soit totalement transparent en ce qui concerne l’impact de ses opérations militaires sur les civils
- respecte scrupuleusement le droit international humanitaire, y compris en prenant toutes les précautions nécessaires pour épargner les civils et minimiser les préjudices causés aux immeubles et infrastructures civils.