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Action d'Amnesty International pendant la conférence © AI
Contrôle des armes

TCA : des avancées pas à pas

Nous en sommes au troisième jour de la seconde conférence des Etats parties au Traité sur le commerce des armes (TCA), qui se tient actuellement à Genève, et peu à peu le traité continue à prendre corps. Malgré tout il reste encore beaucoup à faire pour que ces rencontres annuelles prennent toute leur dimension en devenant un lieu d’échange contradictoire sur le bien-fondé de telle ou telle exportation.

D’Aymeric Elluin et Léa Antoni sur place

Si une conférence internationale comme celle des Etats parties au TCA peut paraître sans surprises dans son déroulé, il existe toujours des points de satisfaction. Nous les mesurons dans ce cas précis par rapport à la conviction que nous avons que cet instrument peut sauver des vies dans le monde entier, et au volontarisme des Etats de donner corps au TCA.

Participation et universalisation

101 Etats participent à la conférence sur les 130 qui l’ont signé, ce qui est plutôt positif. Des absents sont à relever, qui n’étonneront pas. La Russie n’est pas représentée et certains pays sont absents même s’ils ne le sont pas dans nos esprits, que l’on songe ne serait-ce qu’au conflit yéménite ou encore à l’Irak, la Syrie, l’Egypte. Le ministère des Affaires étrangères russe indiquait en avril 2016 que son pays ne rejoindrait pas le TCA arguant du fait que les obligations posées par le TCA sont moins sévères que les obligations russes, entre autreschoses. La Chine pour sa part est présente même si elle se fait discrète, assise aux côtés de la République démocratique du Congo. Elle a déclaré mardi qu’elle ne viole pas les embargos sur les armes ni ne fournit d’armes à des acteurs non étatiques, autant de points sur lesquels notre organisation peut réagir. Il n’en reste pas moins vrai que le gouvernement chinois ne montre pas un front uni quant à l’idée de ne pas rejoindre le TCA, au contraire. Ce troisième jour, les Etats ont commencé à débattre de la meilleure façon de travailler à l’universalisation du TCA, voilà un point qui fait consensus. Dans ce contexte, il est plutôt heureux de constater que les ratifications/adhésion progressent. Parmi celles en cours et annoncées lors de la conférence : Fidji, Colombie, Canada. Les Etats-Unis – très vocaux- depuis le début de la conférence ont annoncé de leur côté continuer à étudier la possibilité de ratifier le TCA et ont réaffirmé leur soutien à ce dernier.

Lire aussi : Traité sur le commerce des armes, l'heure du bilan.

Assistance et transparence

Le Traité prévoit la création d’un fonds d’affectation volontaire par les États Parties pour aider ceux d’entre eux qui requièrent une assistance internationale pour la mise en œuvre du Traité. C’est chose faite, celui-ci a été créé suite à de nombreuses interventions pour cadrer son fonctionnement. Un certain nombre d’Etats ont déjà annoncé des contributions au fond comme la Nouvelle Zélande ou l’Allemagne. La France ne fera quant à elle pas de contributions, faute de budget. L’assistance est au cœur des besoins des Etats parties car de nombreux pays manquent de ressources en tout genre pour procéder à la mise en place des obligations imposées par le TCA : mise en place de systèmes de contrôle nationaux, de listes nationales de contrôle, productions de rapports annuels sur les exportations et importations, mécanisme d’évaluation des risque à l’exportation,…

Cette assistance prévue par le Traité doit garantir son application universelle. Et l’un des moyens de s’assurer que les Etats mettent en œuvre correctement le TCA est de disposer de rapports sur leurs exportations et importations comme le prévoit ce dernier. Mais il faut que ces rapports soient publics et aussi exhaustifs que possible. Pour ce premier exercice (67 Etats avaient pour obligation de remettre ces rapports au secrétariat du TCA avant le 31 mai 2016). La plupart de ceux qui ont rempli cette obligation ont rendu public leur rapport. Et la plupart des interventions de la semaine défendent leur publicité ce qui est encourageant. La Moldavie qui était l’un des deux Etats à avoir indiqué que son rapport devait rester confidentiel a annoncé durant la conférence que c’était une erreur technique et a demandé au Secrétariat de le rendre public. Un très positif revirement de position. L’enjeu des discussions réside maintenant dans l’adoption d’un modèle de rapport et sur ses caractéristiques : serait-il obligatoire ou seulement facultatif comme le souhaite la France pour ne pas freiner l’universalisation du TCA ou serait-il obligatoire mais avec quelles informations à fournir ? Le débat n’est pas tranché.

Mise en œuvre du TCA ou le respect des droits humains

L’intérêt des conférences annuelles des Etats parties est évident pour la société civile. Ces rencontres doivent être un moyen de dénoncer certains transferts contraires aux dispositions du traité. Mais cette évidence n’est pas partagée par les Etats parties. Un Etat en particulier, la Zambie, à dénoncé sans faire néanmoins de « naming &shaming » le fait que des transferts d’armes continuaient à entretenir la souffrance humaine dans de nombreuses parties du monde et se demandait alors en quoi le Traité changeait la donne sur le marché de l’armement. Les ONG de leur côté ont saisi l’opportunité de dénoncer devant les Etats parties les transferts d’armes de la France, des Etats-Unis ou encore du Royaume-Uni vers l’Arabie saoudite et les membres de la coalition militaire qu’elle dirige et engagée au Yémen. Le Royaume-Uni fait l’objet d’ailleurs d’une procédure judiciaire initiée par l’ONG « Campaign against arms trade » tendant à remettre en cause la validité des exportations britanniques au royaume saoudien, au regard du TCA. Ce qui n’a pas empêché le Royaume-Uni de déclarer avec cynisme que les critiques formulées nuisaient au processus d’universalisation. Fort malheureusement, le débat sur la mise en œuvre a tourné court assez rapidement, les Etats ne se bousculant pas – 15 seulement ont pris la parole. Néanmoins quelques remarques intéressantes ont été faites quant à la nécessaire bonne compréhension par chacun des mots clés du traité comme la notion de « risque prépondérant » à l’exportation. Et la proposition britannique de créer un groupe de travail sur la mise en œuvre a été accueillir favorablement par plusieurs Etats, dont l’ouverture à tous les acteurs a été obtenue par les ONG. Amnesty International a pris la parole pour rappeler l’obligation faite aux Etats de mettre en place des procédures pour appliquer les articles 6 et du Traité permettant de réduire la souffrance humaine.

Tout cela peut paraitre dérisoire mais la construction du Traité dans sa vie de tous les jours est un enjeu qui dépasse la négociation même du Traité. Les vrais difficultés sont pour maintenant, c’est aujourd’hui que le vrai travail autour du traité commence et les ONG que nous sommes ne renonceront pas à porter les sujets déplaisants pour les Etats parties sur le devant de la scène, car ce sont des vies humaines qui sont enjeu pendant que nous discutons.

Une délégation de sept membres d'Amnesty International est à la deuxième Conférence des États parties, afin de faire pression sur les questions clés et de recueillir des informations sur le statut des États qui n'ont pas encore ratifié le Traité ou n'y ont pas adhéré. Suivez cette conférence en français sur Twitter en vous abonnant au compte de nos chargés de campagne sur place : @ElluinA et @LeaAntoni