Les audiences du procès en appel de l'ancien président tchadien Hissène Habré, condamné pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et torture se sont ouvertes lundi 9 janvier, marquant la phase finale de la procédure.
Le procès d'Hissène Habré en 2016 fut l’aboutissement d'une bataille acharnée menée par des milliers de victimes et leurs proches afin d'obtenir justice pour les crimes de droit international commis au Tchad entre 1982 et 1990. Il a fait naître l'espoir chez d'autres citoyens dans le monde qu'il est possible de mettre fin à l'impunité même lorsqu'elle est très ancrée.
Un double appel
Les avocats d'Hissène Habré font appel du jugement sur la base de ce qu'ils considèrent comme des erreurs de fait et de droit. Les avocats d'Hissène Habré avancent, entre autres, que la défense n'a pas pu consulter la copie du jugement intégral avant la date à laquelle elle devait interjeter appel, et que les Chambres ont commis d'autres erreurs, notamment au sujet de la personne responsable des forces armées au moment où certains massacres ont eu lieu. Ses avocats font également valoir que l'absence de coopération du Tchad concernant d'autres responsables présumés a eu des répercussions sur l'équité de la procédure visant Hissène Habré.
Le tribunal examinera également un appel concernant les réparations accordées aux victimes le 29 juillet 2016, car les parties civiles affirment que des erreurs ont été commises au moment d'établir les critères d'éligibilité et de mettre en place des mesures garantissant la mise en œuvre effective et équitable des réparations.
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Si la décision en matière de réparations est confirmée en appel, Amnesty International exhorte les Chambres africaines extraordinaires, l'Union africaine, le gouvernement du Tchad et la communauté internationale à garantir que des ressources suffisantes soient mobilisées et allouées à un Fonds de dépôt sur lequel les réparations pourront être prélevées rapidement et efficacement.
Le jugement en appel doit être rendu le 30 avril 2017 au plus tard, date à laquelle prend fin le mandat des Chambres africaines extraordinaires.
Une première historique
L'affaire Hissène Habré a incité les autorités tchadiennes à enquêter enfin sur des crimes présumés et à poursuivre d'autres suspects. Cela a débouché sur la condamnation en mars 2015 de 20 responsables de la sécurité de l'ère Habré, pour meurtre, torture, enlèvement et détention arbitraire.
Hissène Habré a été déclaré coupable par les Chambres africaines extraordinaires à Dakar, au Sénégal, le 30 mai 2016, et condamné à la réclusion à perpétuité. C'est la première fois que la compétence universelle a abouti à un procès sur le continent et qu'un ancien chef d'État a été condamné par une cour africaine pour des crimes contre l'humanité.
Entre autres éléments de preuve, l'accusation s'est appuyée sur des recherches menées par Amnesty International dans les années 1980. Un ancien employé d'Amnesty International a également témoigné durant le procès en tant qu’expert.
Les Chambres africaines extraordinaires ont été créées en 2012 en vertu d’un accord entre l'Union africaine et le gouvernement du Sénégal. Le procès d'Hissène Habré s'est ouvert le 20 juillet 2015 et 69 victimes, dont 23 témoins et 10 experts ont témoigné dans le cadre de cette procédure.
Le Tchad doit continuer d'agir
Il est important que le Tchad, et même d'autres États, à enquêter sur d'autres personnes accusées d'avoir commis de graves atteintes aux droits humains entre 1982 et 1990 – notamment des crimes de nature sexuelle et des violences liées au genre – et de les poursuivre en justice dans le cadre de procès équitables, excluant tout recours à la peine de mort. En particulier, le Tchad doit enquêter sur les massacres commis en septembre 1984 dans le sud du pays.
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