Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Liberté d'expression

Chili : le passage à tabac des manifestants 

Les forces de sécurité chilienne ont recours à la force de manière inutile et excessive.

Porter préjudice et punir les citoyens qui manifestent. C’est la conclusion de notre enquête de terrain sur la répression menée par les forces de sécurité lors de manifestations au Chili depuis mi-octobre. Celles-ci ont éclatées à la suite de l’augmentation du prix des transports avant de s’étendre à la revendication d’une société plus juste.

L’Etat responsable de violences systématiques

L’intention des forces de sécurité chiliennes est claire : faire du mal à celles et ceux qui manifestent en allant même jusqu’à se livrer à des actes de torture et de violence sexuelle contre des manifestants pour affaiblir le mouvement de protestation. Bilan humain : cinq morts et des milliers de personnes torturées, maltraitées ou grièvement blessées.

Sur place, nous avons rencontré des témoins et des victimes et analysé plus de 130 vidéos et photographies authentifiées par nos spécialistes afin d’établir l’usage d’armes meurtrières de façon indiscriminée contre les manifestants, le recours excessif et abusif à des gaz lacrymogènes, de canons à eau et de pistolets à billes. La justice a enregistré plus de 1 100 plaintes pour torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et plus de 70 infractions à caractère sexuel mettant en cause des agents de l’État lui auraient été signalées. La police nationale ne déplore aucun mort dans ses rangs, mais quelque 1 600 blessé.e.s, dont 105 grièvement.

On peut légitimement penser, au vu du niveau de coordination nécessaire pour réprimer de façon violente pendant plus d’un mois les manifestations, que la responsabilité des plus hautes autorités de l’État est engagée, soit qu’elles aient ordonné la répression, soit qu’elles l’aient tolérée. Une enquête doit naturellement être menée sur cette question par une autorité judiciaire indépendante et impartiale.

Nous considérons que les atteintes aux droits humains et au droit international perpétrées par les forces de sécurité ne constituent pas des faits isolés mais bien un modus operandi adopté à l'échelle du pays tout entier par la police nationale. Les violences se banalisent.

Lire aussi : Répression au Chili : nos enquêteurs sur place

Recours à une force meurtrière, torture et autres mauvais traitement

Au vu de l’analyse des images disponibles, il a également été possible d’identifier, certes de manière plus isolée, des membres de la police judiciaire (PDI) et de la police nationale (carabiniers) tirant à balles réelles sur les manifestants. Or, ce type d’arme est interdit par les normes internationales dans le cadre des opérations de dispersion des manifestations.

Ainsi, Romario Veloz, un jeune Équatorien âgé de 26 ans, est mort après avoir reçu une balle dans le cou, tirée par un soldat, alors qu’il participait à une marche de faible ampleur à La Serena. En arrivant dans un parc de la ville, l’armée avait commencé à tirer de manière aveugle contre la foule. Des images tournées au moment du drame montrent Romario marchant tranquillement, les mains dans les poches.

Des personnes qui manifestaient ont aussi été victimes de mauvais traitements, voire, dans une moindre mesure, d’actes de torture, ce qui constitue un crime aux termes du droit international.

Alex Núñez, 39 ans, est mort des suites d’un passage à tabac aux mains des carabiniers. Alex traversait une manifestation pour faire une livraison, à Maipú, dans la Région métropolitaine de Santiago, quand il a été intercepté par trois policiers, qui l’ont jeté à terre et roué de coups de pied, à la tête et au thorax. Il est mort le lendemain des suites des coups reçus à la tête.

En outre, le parquet chilien a pour l’instant reçu 16 plaintes pour viol ou abus sexuels mettant en cause des membres des forces de sécurité, dont, par exemple, celle de Josué Maureira, violé avec une matraque alors qu’il se trouvait en garde à vue.

Les défenseurs des droits humains visés

Depuis un mois que dure la crise au Chili, une multitude de mouvements et d’organisations des droits humains s’occupent des blessés, veillent au respect des droits des personnes détenues et suivent de près l’évolution des poursuites intentées devant la justice.

Les autorités ont cependant fait obstacle à plusieurs reprises au travail des avocats, des défenseurs des droits humains et du personnel médical, leur refusant l’accès à des commissariats ou à des établissements hospitaliers. Nous avons aussi été informés de violences subies par certains de ces militants et de menaces reçues en raison de leur action. Le 29 octobre, Jorge Ortiz, représentant de l’INDH, a ainsi reçu six plombs alors qu’il s’acquittait, en compagnie de collègues, de sa mission d’observateur lors d’une manifestation qui se déroulait sur une place de Santiago. Ils étaient tous clairement repérables, revêtus de l’uniforme jaune de l’organisme et bien identifiables par les carabiniers, ce qui n’a pas empêché un membre de la police d’ouvrir le feu sur Jorge, sans la moindre raison et sans lui porter assistance ensuite.

Nous appelons les autorités chiliennes à mettre un terme à la répression de toute urgence, à enquêter de manière indépendante sur les violations des droits humains et du droit international.  A quand une réforme en profondeur pour répondre à l’urgence pointée par les manifestants et garantir à toutes et tous des droits économiques, sociaux, culturels plus justes ?