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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Afrique du Sud

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Afrique du Sud en 2023.

Les violences liées au genre demeuraient courantes et leurs auteurs étaient rarement inquiétés. Le ministère de l’Éducation n’a pas tenu son engagement d’éliminer les latrines à fosse dans les écoles. Le taux d’illettrisme a augmenté chez les élèves de quatrième année d’élémentaire. Le projet de loi sur l’assurance maladie nationale risquait d’avoir des répercussions négatives sur l’accès à des soins médicaux de qualité. De moins en moins d’habitant·e·s avaient accès à une eau potable salubre. Des personnes réfugiées ou migrantes se sont encore vu refuser des soins de santé primaires. Le taux d’homicides demeurait élevé. La police a continué de faire usage d’une force excessive en réaction à des manifestations. Cette année encore, des menaces contre des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s et des lanceurs et lanceuses d’alerte, ainsi que des tentatives de réduire au silence des journalistes, ont été signalées. Le gouvernement n’a pas avancé dans le démantèlement des centrales électriques à charbon.

CONTEXTE

Selon les statistiques officielles, 31,9 % de la population était au chômage, et 32,7 % des jeunes de 15 à 24 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Le mandat d’arrêt de la CPI contre le président russe Vladimir Poutine, qui était invité au sommet des BRICS à Johannesburg, a mis le gouvernement dans une position difficile compte tenu de ses relations avec la Russie.

Des mesures ont été prises pour commencer à mettre en œuvre les recommandations du rapport de 2022 de la Commission d’enquête sur la captation de l’État.

Le rapport d’enquête de la Commission sud-africaine des droits humains sur les troubles survenus en 2021 dans les provinces du KwaZulu-Natal et du Gauteng, attendu en juillet, n’avait toujours pas été rendu public à la fin de l’année.

L’aggravation de la crise énergétique a eu des répercussions sur les droits à l’eau, à la santé et à l’éducation. Les autorités ont eu recours à un système dit de « délestage », qui consistait à imposer des coupures d’électricité programmées par roulement, pendant de longues périodes. Cette situation était due à la corruption et à la mauvaise gestion d’une infrastructure vieillissante.

VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE

Le niveau de violence liée au genre demeurait élevé. Selon les statistiques sur la criminalité, 13 090 infractions sexuelles ont été signalées entre juillet et septembre. Les féminicides ont connu une baisse de 10,9 % par rapport à la même période l’année précédente, avec 881 femmes tuées.

Le projet de loi relatif au Conseil national sur la violence liée au genre et le féminicide, qui visait à mettre en place un conseil chargé de superviser la mise en œuvre du Plan national stratégique sur la violence liée au genre et les féminicides, a été rendu public pour consultation de la population en mai, et des auditions publiques se sont tenues en juin. En décembre, le Conseil national des provinces a publié une mise à jour du projet de loi pour un deuxième cycle de consultations.

L’impunité demeurait la règle pour les violences fondées sur le genre. L’Autorité nationale chargée des poursuites a indiqué n’avoir pas suffisamment de preuves pour engager une action en justice au sujet des meurtres de Popi Qwabe et Bongeka Phungula survenus six ans auparavant. Elle a cependant transmis ces affaires au tribunal de première instance de Protea pour enquête. Ces deux femmes avaient été abattues et leurs corps abandonnés sur le bord de la route à Johannesburg en mai 2017.

Plus d’un an après les vols et les viols en réunion infligés par des hommes armés à huit femmes qui tournaient un film sur le site d’une mine abandonnée à Krugersdorp en juillet 2022, aucune nouvelle arrestation n’avait eu lieu et les victimes et leurs familles n’avaient toujours pas obtenu justice. En avril, l’Autorité de régulation de l’information a ordonné à la police sud-africaine (SAPS) de présenter ses excuses pour avoir divulgué des renseignements personnels à propos des victimes.

DROIT À L’ÉDUCATION

Malgré l’engagement pris par le ministère de l’Éducation d’éliminer et de remplacer les latrines à fosse, illégales, à l’horizon 2023, son rapport sur la gestion des établissements scolaires a révélé que 3 932 écoles utilisaient toujours ce type de latrines, en violation des droits à la santé, à la dignité, à la sécurité et à la vie.

Le Comité Lecture 2030 a indiqué dans un rapport que 82 % des élèves de quatrième année d’élémentaire n’étaient pas en capacité de comprendre ce qu’ils lisaient dans quelque langue que ce soit, contre 78 % avant la pandémie. Ce comité se composait de spécialistes du domaine de l’éducation et de membres de la société civile chargés de rassembler des données sur l’apprentissage de la lecture et de faire des recommandations au gouvernement.

La crise énergétique a, semble-t-il, eu des effets préjudiciables sur l’accès à l’éducation : des enfants arrivaient en retard à l’école (ou n’y allaient plus du tout), étaient affamés ou ne pouvaient pas faire leurs devoirs, ce qui risquait d’accroître les inégalités existantes.

DROIT À LA SANTÉ

En décembre, le Conseil national des provinces a adopté le projet de loi sur l’assurance maladie nationale et l’a transmis au président pour promulgation. Bien que ce texte soit destiné à garantir un accès universel à des services médicaux de qualité, la société civile a soulevé de nombreux points qui pourraient entraîner une restriction de cet accès. Ces préoccupations portaient principalement sur la gouvernance du Fonds national d’assurance maladie et le risque de corruption généralisée, les pouvoirs excessifs accordés au ministre de la Santé, l’exclusion des personnes demandeuses d’asile et des migrant·e·s sans papiers, et l’état de délitement du système public de santé.

Une grève déclenchée en mars par le Syndicat national des travailleuses et travailleurs de l’éducation, de la santé et assimilés (NEHAWU) à propos de désaccords sur les salaires a entravé l’accès aux services médicaux et entraîné la mort de quatre personnes, d’après le ministre de la Santé.

Les signalements d’effets préjudiciables de la crise énergétique sur l’accès aux soins médicaux se sont encore multipliés. En mai, le médiateur de la santé, en fin de mandat, a déploré le mauvais état de la gouvernance du système de santé et a demandé la création d’un bureau du médiateur de la santé indépendant, conformément aux meilleures pratiques internationales.

DROIT À L’EAU ET À L’ASSAINISSEMENT

Des rapports nationaux du ministère de l’Eau et de l’Assainissement parus en juin ont révélé une détérioration de l’accès à une eau potable de qualité. Selon ces rapports, 334 systèmes d’assainissement étaient en très mauvais état dans 90 municipalités et, dans 55 % des échantillons analysés, la qualité chimique de l’eau n’était pas conforme aux normes.

La crise énergétique n’a fait qu’aggraver l’état des infrastructures hydrauliques, déjà vieillissantes et mal entretenues, comme l’a indiqué l’entreprise publique Umgeni- uThukela Water en avril, ce qui a provoqué des coupures d’eau ou des baisses de pression à de nombreux endroits, menaçant le droit à une eau saine en quantité suffisante.

Au 22 mai, 15 personnes étaient mortes du choléra dans la région de Hammanskraal (province du Gauteng). Une semaine plus tard, le bilan s’élevait à 23 morts. Une enquête indépendante de la Commission de recherche sur l’eau a conclu que le manque d’infrastructures d’assainissement et d’hygiène, en particulier dans les quartiers informels et les zones d’habitation rurales, ainsi que l’inefficacité du traitement des eaux usées et de l’eau potable pour parvenir à des normes acceptables, avaient favorisé la propagation rapide de la maladie.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Le groupe d’autodéfense Operation Dudula a continué de porter atteinte aux droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s, notamment en les empêchant d’accéder à des soins de santé. En janvier, il a chassé des personnes de nationalité étrangère du centre de santé de Jeppe, à Johannesburg.

D’après Avocats pour les droits humains, des établissements médicaux de la province du Gauteng continuaient de refuser l’accès aux soins aux femmes migrantes enceintes ou allaitantes, ainsi qu’aux enfants migrants de moins de six ans. Un arrêt de la chambre de la Cour suprême du sud de la province du Gauteng avait pourtant confirmé leur droit de bénéficier de soins gratuits dans tous les établissements publics de santé, indépendamment de leur nationalité et de leur situation au regard de la législation relative à l’immigration.

En avril, après 11 ans de bataille judiciaire, le ministère de l’Intérieur a rouvert le Bureau d’accueil des réfugié·e·s de la ville du Cap.

DROIT À LA VIE ET À LA SÉCURITÉ DE LA PERSONNE

D’après l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GITOC), plus de deux homicides ciblés étaient signalés en moyenne chaque semaine.

Les registres de la police faisaient état de 6 945 meurtres commis entre juillet et septembre, soit 59 de moins que l’année précédente sur la même période. Cependant, avec une moyenne de 75 personnes tuées chaque jour, le taux de meurtres demeurait élevé. Pendant ce même trimestre, 58 massacres – à savoir l’homicide d’au moins trois personnes en un seul événement – ont causé la mort de 218 personnes au total.

En septembre, pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, la chambre de la Cour suprême du sud de la province du Gauteng a jugé l’État responsable des préjudices subis par cinq détenus qui avaient été torturés à la prison de Leeuwkop, dans cette même province.

En juillet, Khayalihle Gwabuzela, aussi appelé Khaya Ngubane, a été déclaré coupable du meurtre, en mars 2022, d’Ayanda Ngila, défenseur des droits humains et dirigeant local d’Abahlali baseMjondolo (AbM), un collectif d’habitant·e·s des bidonvilles. Il a été condamné à 15 ans de réclusion. Aucune condamnation n’a été prononcée pour l’homicide, en 2022, de trois autres défenseur·e·s des droits humains du mouvement AbM.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

La police sud-africaine a cette année encore eu recours à une force excessive, provoquant des blessures et des décès.

En juillet, huit agent·e·s des Services de protection présidentielle, qui assuraient le transport du vice-président, ont été filmés en train d’agresser des automobilistes sur une autoroute de la province du Gauteng. Ils ont été libérés sous caution en août et leur procès a été reporté à mai 2024.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Au 14 février, la Direction indépendante d’enquête sur la police (IPID) avait entre ses mains 1 060 dossiers de personnes tuées dans des opérations policières.

En juillet, Karabo Chaka, 16 ans, a été tué pendant une manifestation dans le township de Slovo Park, au sud de Johannesburg. Une enquête était en cours pour déterminer s’il avait été tué par la police.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Des défenseur·e·s des droits humains, des militant·e·s et des lanceurs et lanceuses d’alerte étaient toujours en butte à des menaces et à des actes d’intimidation et de harcèlement. Patricia Mashale, policière lanceuse d’alerte qui aurait été licenciée pour avoir dénoncé les activités suspectes de responsables de la police sud-africaine, a dû entrer dans la clandestinité faute d’avoir reçu une protection.

Le ministère de la Justice et du Développement constitutionnel a rendu public en juillet un document de consultation présentant des propositions de réforme du régime de protection des lanceurs et lanceuses d’alerte en Afrique du Sud, afin de recueillir l’avis de la population.

En août, six hommes ont été déclarés coupables du meurtre, en 2021, de Babita Deokaran, lanceuse d’alerte du ministère de la Santé du Gauteng, et ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de six à 22 ans. Une enquête était toujours en cours pour retrouver d’autres personnes soupçonnées d’être impliquées dans ce meurtre.

Le gouvernement a approuvé en mai un projet de loi portant modification des lois relatives aux Renseignements généraux. Le nouveau texte donnait aux services de renseignement le pouvoir de procéder à une enquête sur toute personne souhaitant créer une ONG.

Des journalistes ont cette année encore été confrontés à des menaces, des attaques et des actes d’intimidation et de harcèlement, en particulier par le biais de procédures judiciaires visant à les réduire au silence. Une procédure de citation directe engagée par l’ancien président Jacob Zuma contre la journaliste Karyn Maughan s’est conclue par un non-lieu en juin. Une obligation de silence prononcée contre le Centre de journalisme d’investigation AmaBhungane au profit de l’entreprise Moti Group a été annulée en juillet.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Malgré l’engagement du gouvernement à ramener ses émissions de carbone à l’horizon 2030 dans une fourchette cible compatible avec la limitation de l’augmentation des températures mondiales à 1,5 °C par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, rien n’a été fait pour démanteler les centrales électriques à charbon. La société civile a exprimé sa crainte que ce retard ne compromette le Plan d’investissement de l’Afrique du Sud pour une transition énergétique juste (JET IP).

En octobre, le gouvernement a annoncé que le Danemark et les Pays-Bas avaient rallié le Groupe des partenaires internationaux investissant dans le JET IP et que le Canada, l’Espagne et la Suisse s’étaient engagés à soutenir la transition du pays. Le plan de mise en œuvre de la transition énergétique juste a été lancé en décembre à la COP28, assurant l’application du JET IP.

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