Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
© Stringer/AFP/Getty Images
Congo
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Congo en 2023.
Des manifestations organisées par un parti politique de l’opposition ont été interdites. Des responsables de l’opposition ont été maintenus en détention arbitraire. Une triple épidémie a frappé le sud du pays, mettant en lumière le mauvais état des centres de santé. À Vindoulou, une entreprise de recyclage du plomb a poursuivi ses activités malgré l’absence d’évaluation de leur impact environnemental. Les droits des femmes ont quelque peu progressé.
CONTEXTE
En août, le Parti congolais du travail, auquel appartenait le président Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir depuis 38 ans, a obtenu la majorité absolue des 72 sièges aux élections sénatoriales, qui se sont déroulées dans un contexte économique de forte inflation.
Le prix de l’essence a augmenté de 25 %, entraînant une hausse des prix des produits de première nécessité. Huit ONG de défense des droits humains ont créé en août une coalition dénonçant le coût élevé de la vie et l’augmentation du prix de l’essence.
En mai, trois partis politiques d’opposition ont lancé une pétition contre la corruption présumée du gouvernement. En octobre, le pays a accueilli le Sommet des trois bassins, qui a rassemblé les responsables politiques des bassins « Amazonie », « Congo » et « Bornéo, Mékong, Asie du Sud-Est ».
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Le Mouvement républicain, un parti politique d’opposition, a appelé à manifester le 9 mars en hommage à Guy Brice Parfait Kolélas, principale figure de l’opposition, mort au moment de l’élection présidentielle de mars 2021. Le préfet de Brazzaville a interdit cette manifestation, de même qu’une autre prévue le 23 mars. Il a accusé le Mouvement républicain de saper la cohésion sociale et de troubler la paix sociale ; il a ajouté que cette formation ne disposait pas des pièces nécessaires pour justifier de son statut de parti politique.
Une coalition d’ONG a demandé que les autorités adoptent une loi qui n’obligerait plus qu’à leur signaler les manifestations prévues, et non plus à demander une autorisation préalable, ce qui serait conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.
DÉTENTION ARBITRAIRE
André Okombi Salissa, candidat à l’élection présidentielle de 2016, a été maintenu derrière les barreaux, bien que le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] ait déclaré son incarcération arbitraire et demandé aux autorités de le libérer immédiatement et de lui verser une indemnisation pour le temps qu’il a passé en détention. Il avait été condamné à 20 ans de prison en 2019 pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État » et « détention illégale d’armes et munitions de guerre ».
Jean-Marie Michel Mokoko, un autre candidat à l’élection présidentielle de 2016, était lui aussi toujours privé de liberté, alors que le Groupe de travail sur la détention arbitraire considérait son incarcération comme arbitraire. Il avait été condamné à 20 ans de prison en 2018, pour les mêmes chefs d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’État » et de « détention illégale d’armes et munitions de guerre ».
DROIT À LA SANTÉ
En juin, une épidémie de shigellose, de choléra et de fièvre typhoïde s’est propagée dans tout le sud du pays. Selon l’OMS, 2 389 cas présumés avaient été signalés au 29 août, dont 52 décès dans les départements du Niari, de Pointe-Noire, de la Bouenza, du Kouilou et de Brazzaville. Plus de 90 % des cas étaient concentrés à Dolisie, la capitale du département du Niari.
Le 26 juillet, la police a arrêté l’artiste DSP Malakay à Dolisie et l’a placé en détention. Il avait critiqué la mauvaise gestion de l’épidémie par les autorités locales, en particulier le manque de ressources médicales pour traiter les malades. Il a été libéré sans inculpation le 2 août.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
En juin, les habitant·e·s de Vindoulou, un quartier de Pointe-Noire, ont intenté une action en justice afin d’obtenir la fermeture d’une usine de recyclage du plomb implantée à proximité de leurs logements et d’une école. D’après les informations fournies par leur collectif, des tests de détection du plomb ont été effectués sur au moins 15 habitant·e·s. Toutes et tous ont présenté des résultats 10 fois supérieurs aux limites recommandées par l’OMS. Les habitant·e·s ont également dénoncé l’absence d’évaluation de l’impact environnemental de l’usine, laquelle était en activité depuis 2013.
En avril, le Centre d’actions pour le développement a publié un rapport sur la gestion du parc national de Ntokou- Pikounda. D’après cette ONG, des gardes du parc ont soumis la population autochtone à plusieurs expulsions forcées, à un recours excessif à la force et à des détentions arbitraires.
Le Congo a participé au sommet One Forest, qui s’est tenu à Libreville (Gabon) en mars. Parmi les recommandations issues du sommet se trouvait la constitution d’un fonds de 100 millions d’euros visant à financer des « crédits biodiversité » pour les pays ayant préservé leurs forêts et leur biodiversité, et la création de 10 millions d’emplois dans des secteurs « verts ». Dans une déclaration, l’ONG CCFD-Terre Solidaire a dénoncé ce qu’elle considérait comme un possible « greenwashing » et a souligné que les populations locales n’avaient pas pu faire entendre leur voix lors du sommet.
À l’issue du Sommet des trois bassins, tenu en octobre, les participant·e·s se sont engagés à préserver leurs forêts, tout en insistant sur la nécessité de renforcer la coopération internationale à cette fin.
DROITS DES FEMMES
Dans un rapport publié en mars et intitulé Women, Business and the Law 2023, la Banque mondiale s’est félicitée de l’adoption, en 2022, de la Loi Mouebara portant lutte contre les violences faites aux femmes. Toutefois, elle a fait remarquer que les femmes ne percevaient pas l’intégralité de leur salaire pendant leur congé de maternité et a recommandé de réformer le Code du travail et le Code de la sécurité sociale pour mettre fin à la discrimination, y compris au licenciement de travailleuses en raison de leur grossesse.