Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles
Koweït
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Koweït en 2023.
La liberté d’expression des personnes critiques à l’égard du gouvernement faisait toujours l’objet de restrictions. Les projets du Koweït visant à augmenter significativement la production de combustibles fossiles faisaient fi du consensus scientifique international sur les moyens d’empêcher un changement climatique extrême. Les travailleuses et travailleurs migrant·e·s ont vu leurs droits bafoués. Les bidun, population apatride du Koweït, ont continué de subir des discriminations.
CONTEXTE
Le gouvernement a démissionné en janvier, sous la pression du Parlement. Le Premier ministre en a formé un nouveau en juin.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
L’État a continué d’avoir recours à des lois répressives pour réprimer la liberté d’expression des citoyens et citoyennes émettant des critiques à son égard, notamment au sujet des bidun, la population autochtone apatride du Koweït.
En janvier, le ministère des Biens religieux et des Affaires islamiques a interdit à l’avocat et prédicateur Ahmad al Asfour de prononcer des prêches pendant trois mois car il avait déclaré que l’État devrait garantir « une vie digne » aux bidun.
Le 10 août, les autorités ont arrêté Fadhel Dhahi, un militant bidun qui avait déjà été poursuivi pour sa participation à une manifestation pacifique en faveur des droits d e ce groupe en août 2022. Elles l’ont inculpé de « cybercrimes » pour avoir utilisé X (anciennement Twitter) pour critiquer le traitement réservé aux bidun par l’État. Il a été libéré sous caution le 31 août, mais l’affaire était toujours en cours à la fin de l’année.
En août également, le ministère de l’Information a soumis un projet de loi sur la réglementation des médias au Parlement. Comme la loi déjà en vigueur, celle que le ministère a proposée sanctionnerait toute critique à l’égard de l’émir, du prince héritier et des personnalités religieuses islamiques, et requerrait l’autorisation de l’État pour créer une entreprise d’édition. De plus, la loi proposée érigerait en infraction les discours qui « ébranlent la confiance » en la monnaie ou en l’économie du pays. Toujours en août, les autorités ont interdit toute diffusion au Koweït d’un film australien dans lequel jouait une personne transgenre.
Le 3 septembre, les autorités ont arrêté le militant des droits humains bidun Mohammad al Bargash, qui défendait depuis plusieurs années les droits des bidun sur les réseaux sociaux et lors de manifestations pacifiques. À l’instar de Fadhel Dhahi, il avait participé à la manifestation d’août 2022 et avait fait l’objet de poursuites pour le rôle qu’il y avait joué. Les autorités ont refusé de rendre publiques les charges retenues contre lui ou d’en faire part à toute autre partie que l’avocat de la défense, au motif que l’affaire relevait du secret de la « sécurité d’État ». Les autorités judiciaires lui reprochaient d’avoir « compromis le prestige et la réputation du pays » et répandu des « informations et des rumeurs fausses et biaisées » à propos de celui-ci sur X et dans des entretiens avec les médias. Après avoir passé plus de sept semaines en prison, il a été acquitté et remis en liberté le 25 octobre.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Les manifestations publiques sont restées rares au Koweït, le droit national criminalisant toujours les rassemblements de plus de 20 personnes n’ayant pas reçu d’autorisation des autorités. Aucune manifestation publique de grande ampleur n’a eu lieu en 2023.
En février, le procès de 21 Koweïtiens, parmi lesquels des bidun et des citoyens reconnus comme tels, qui avaient manifesté pacifiquement en faveur des droits des bidun en 2022, s’est conclu par des déclarations de culpabilité et des condamnations impliquant des amendes, mais aucune peine de prison.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Le Koweït prévoyait toujours de continuer d’augmenter la production de combustibles fossiles jusqu’à 2035 au moins, faisant fi du consensus scientifique international selon lequel l’abandon de ces combustibles devrait commencer immédiatement pour empêcher un changement climatique extrême. L’entreprise nationale Kuwait Oil Company a annoncé en juin qu’elle allait dépenser plus de 40 milliards de dollars des États-Unis entre 2023 et 2028 pour augmenter sa production de pétrole, notamment en creusant de nouveaux puits.
Haitham al Ghais, ancien directeur de la Kuwait Petroleum Corporation et actuel secrétaire général de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), a appelé, au mois d’octobre, à un investissement international de 12 000 milliards de dollars des États-Unis supplémentaires dans l’industrie pétrolière d’ici 2045.
Selon les données de la Banque mondiale, le Koweït figurait toujours parmi les cinq pays au monde émettant le plus de CO2 par habitant·e. Les températures estivales dans le pays ont été de plus en plus élevées en raison du changement climatique ces dernières années, notamment avec une canicule en juillet.
DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS MIGRANTS
Les travailleuses et travailleurs migrant·e·s, qui constituaient la grande majorité de la main-d’œuvre du secteur privé, ne pouvaient toujours pas créer de syndicats. Cependant, celles et ceux qui résidaient au Koweït depuis cinq ans pouvaient rejoindre des structures existantes créées par des Koweïtiennes ou des Koweïtiens.
Une étude publiée en avril par des chercheuses et chercheurs koweïtiens et internationaux a révélé une augmentation des taux d’accidents chez les travailleuses et travailleurs migrant·e·s du secteur privé qui travaillaient en extérieur et ont dû subir des températures de plus en plus élevées ces dernières années. L’étude a montré que la stratégie de réglementation du gouvernement en matière de santé et de sécurité pour ces travailleuses et travailleurs n’était pas adaptée. La politique existante consistait en une simple interdiction du travail en extérieur entre 11 et 16 heures pendant l’été, ce qui ne garantissait pas que les ouvriers et ouvrières n’auraient pas à travailler dans des conditions de chaleur dangereuses, étant donné que, en dehors de cette saison et de ces heures, les températures pouvaient souvent s’avérer nocives. Malgré cette publication, l’État n’a pris aucune mesure pour modifier cette politique.
Le gouvernement a compromis la protection des travailleuses et travailleurs domestiques migrant·e·s en fermant un refuge loué par l’ambassade des Philippines au Koweït pour celles et ceux qui fuyaient des employeuses et employeurs abusifs.
Pour la deuxième année consécutive, le Koweït a refusé de délivrer des visas de visiteur aux familles des travailleuses et travailleurs migrant·e·s.
DROIT À L’ÉDUCATION
La discrimination de l’État contre les bidun dans l’accès au droit à l’éducation était toujours d’actualité.
Comme depuis trois décennies, les familles bidun ne pouvant prétendre à une dérogation spéciale (par exemple, si un membre masculin de la famille était dans la police ou l’armée) ne pouvaient pas envoyer leurs enfants dans des écoles publiques gratuites et se voyaient obligées de les inscrire dans des écoles privées payantes. La population bidun ayant en moyenne des revenus bien inférieurs à ceux des citoyens et citoyennes reconnus comme tels, les écoles qu’elles pouvaient payer étaient moins bien équipées et d’un niveau souvent inférieur à celui des écoles publiques.
Les familles bidun ne disposant plus d’une carte valide du Système central chargé de remédier à la situation des résident·e·s illégaux, l’organe gouvernemental régissant les affaires bidun, n’ont pas été autorisées par l’État à inscrire leurs enfants à l’école à l’avance comme les citoyennes et citoyens reconnus. L’annonce autorisant les membres de ce groupe à s’inscrire à l’école n’est tombée que le 12 septembre, ne leur laissant que deux jours ouvrables pour procéder à une inscription avant la rentrée des classes. De nombreux membres de la population bidun ne renouvelaient pas leurs cartes du Système central, qui expiraient tous les ans, parce qu’en le faisant, ils s’exposaient au risque de se voir attribuer une fausse nationalité non koweïtienne sur leur nouvelle carte, réduisant leur chance d’obtenir un jour la nationalité koweïtienne.
PEINE DE MORT
Le Koweït a prononcé de nouvelles condamnations à mort et a procédé à des exécutions, dans des proportions bien plus importantes que la moyenne des dernières années.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
Un tribunal a mis hors de cause en janvier deux personnes inculpées d’avoir « cherché à imiter l’autre sexe ». La Cour constitutionnelle avait annulé, en 2022, la loi érigeant ce comportement en infraction au motif qu’elle était formulée en des termes d’une imprécision inacceptable. Le Parlement s’est efforcé d’élaborer une nouvelle loi qui sanctionnerait plus explicitement les personnes transgenres.