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© Amnesty International
Moldavie
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Moldavie en 2023.
Les droits à la liberté d’expression et d’association ont été bafoués. Des cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements sont restés sans suites et l’impunité était la règle concernant les violations commises par le passé. Une nouvelle loi sur le Service d’information et de sécurité et ses activités remettait en question le droit au respect de la vie privée. La discrimination contre les personnes LGBTI demeurait courante. Les autorités ont mis en place un nouveau régime en matière d’immigration, qui risquait de priver les réfugié·e·s de l’accès à certains biens et services essentiels. La Moldavie a adopté un programme d’adaptation au changement climatique. Dans la région séparatiste de Transnistrie, le meurtre d’un dirigeant de l’opposition n’avait toujours pas été élucidé.
CONTEXTE
Le ralentissement économique engendré par l’invasion de l’Ukraine par la Russie s’est poursuivi, avec des conséquences sur le niveau de vie, dans un pays qui était l’un des plus pauvres d’Europe. Il en a résulté une montée en puissance des manifestations organisées par l’opposition contre la politique du gouvernement. Les tensions avec la Russie se sont aggravées. Quarante-cinq diplomates et autres collaborateurs·rices russes ont été expulsés sur fond d’accusations d’espionnage. Un nombre croissant de ressortissant·e·s russes se sont vu refuser le droit d’entrer en Moldavie, la police des frontières estimant que les raisons données pour leur visite n’étaient pas suffisamment fondées. Plusieurs dizaines de cas de ce genre ont été signalés en l’espace de quelques semaines. Un certain nombre de personnes arrivées en avion se sont ainsi retrouvées bloquées à l’aéroport pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION
Déclaré « inconstitutionnel » par la Cour constitutionnelle, le parti Șor, principale force derrière les manifestations hostiles au gouvernement organisées depuis 2022, a été interdit. Il était accusé de vouloir déstabiliser la Moldavie, avec la complicité de la Russie. Ses cinq député·e·s au Parlement ont continué de siéger sans étiquette. De nombreux membres de cette formation l’ont quittée pour rejoindre les rangs du parti Chance. Le 3 novembre, la Commission des situations exceptionnelles (dont les compétences étaient officiellement limitées aux questions d’immigration et de sécurité énergétique) a interdit aux membres du parti Chance de se présenter aux élections locales du 5 novembre.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Les causes institutionnelles de la torture et, plus généralement, des mauvais traitements en détention n’avaient toujours pas été traitées. La surpopulation régnait toujours dans les établissements pénitentiaires pour adultes comme dans ceux pour les mineur·e·s. Les détenu·e·s y vivaient dans des conditions insalubres et globalement inadaptées, avec un accès très insuffisant aux soins de santé.
IMPUNITÉ
L’impunité demeurait endémique pour les violations des droits humains commises dans le passé par des membres des forces de l’ordre.
Une ONG, le Centre de ressources juridiques de Moldavie (CRJM), a analysé les décisions prises par la Cour suprême entre le mois de juillet 2013 et le mois de février 2022. Elle en a conclu que les audiences de la Cour duraient beaucoup plus longtemps dans les affaires de torture présumée que pour d’autres types d’infractions pénales, et qu’elles se traduisaient 13 fois plus souvent par un acquittement ou, à défaut, par des peines plus clémentes. Pour le CRJM, cela était probablement dû au fait que les juges avaient peur des suspects ou à une collusion existant entre les magistrats, les suspects et le parquet. Rien n’a été annoncé pour remédier à cette situation déjà ancienne.
Aucune avancée n’a eu lieu dans l’affaire de l’enlèvement et du renvoi forcé en Turquie de sept enseignants turcs par les services de sécurité moldaves en 2018. L’ancien directeur du Service d’information et de sécurité (SIS) avait été condamné en 2020 à une simple amende pour une infraction économique en lien avec cette affaire.
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
Respectivement adoptées par le Parlement le 8 juin et le 7 juillet, les lois sur le SIS et sur les activités de contre-espionnage tenaient compte des critiques formulées à propos des premières versions de ces textes par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, ainsi que par la société civile moldave. Leur contenu modifié modérait la volonté qu’avait initialement le gouvernement d’accorder au SIS des pouvoirs étendus et formulés en termes vagues, qui lui auraient permis de s’engager dans des activités de surveillance clandestine et d’interception des communications privées. Ces nouvelles lois soumettaient l’adoption de telles mesures à l’autorisation d’une autorité judiciaire, même si certaines de leurs dispositions restaient générales et ouvertes à des interprétations abusives.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
En octobre, le SIS a bloqué, en dehors de tout cadre judiciaire, l’accès à 22 plateformes en ligne (la plupart basées en Russie) et a suspendu la diffusion de six chaînes de télévision, au motif, selon son directeur, que celles-ci avaient diffusé des informations « susceptibles de créer des tensions ou des conflits sociaux ».
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
Une marche des fiertés s’est tenue en juin à Chișinău, la capitale. Elle a réuni quelque 500 participant·e·s. Elle s’est déroulée sans incidents, malgré les menaces du maire de la ville d’interdire la manifestation. La discrimination à l’égard des personnes ouvertement LGBTI restait cependant très courante, de même que les propos homophobes de militants religieux et de certains responsables des pouvoirs publics.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
Le gouvernement a appliqué pour la première fois en janvier le régime de protection temporaire prévu par la Loi de 2008 sur l’asile, qui imposait aux réfugié·e·s ukrainiens ou autres concernés par ses dispositions de faire une demande de protection dans les 90 jours suivant leur arrivée à la frontière. Le statut de réfugié·e et les droits afférents étaient auparavant administrés au titre de la législation relative à l’état d’urgence par la Commission des situations exceptionnelles et via des dérogations à la législation nationale, telles que la levée des restrictions concernant le droit de travailler et l’accès aux services essentiels.
Plusieurs ONG moldaves et internationales ont exprimé leur crainte de voir de nombreux réfugié·e·s perdre un certain nombre de droits, dont celui de l’accès à l’emploi, en raison du délai très serré pour faire la demande, du manque d’information, de l’impossibilité pour beaucoup d’attester d’un lieu de résidence et de diverses autres exigences bureaucratiques. À la date du 3 décembre, la Moldavie accueillait 112 811 réfugié·e·s originaires d’Ukraine.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Avec 80 % de son territoire touché par des inondations au cours des 20 dernières années, la Moldavie était, selon le Programme des Nations unies pour le développement, l’un des pays d’Europe les plus exposés au changement climatique, particulièrement sujet aux inondations et aux sécheresses. Une très forte vague de chaleur a été enregistrée pendant l’été.
Le gouvernement a adopté le 30 août un Programme national d’adaptation au changement climatique à l’horizon 2030, accompagné d’un Plan d’action, destinés à inscrire le pays dans la dynamique mondiale visant à limiter les effets néfastes du changement climatique.
TRANSNISTRIE
IMPUNITÉ
Le chef du Parti communiste de la région, Oleg Khorzhan, a été retrouvé mort en juillet à son domicile, tué de plusieurs coups de couteau. Il avait été libéré de prison en 2022 après avoir purgé une peine à laquelle il avait été condamné en 2018 pour avoir, selon l’accusation, agressé des membres des forces assurant de fait le maintien de l’ordre en Transnistrie. Oleg Khorzhan n’hésitait pas à critiquer publiquement les autorités de facto de cette région séparatiste et avait dénoncé des atteintes aux droits humains commises en détention. Aucune enquête sérieuse n’avait été menée sur sa mort à la fin de l’année.