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URGENCE PROCHE ORIENT

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Sasha Yakavitskaya, 29 ans, styliste spécialisée dans la mode et les mariages, a découvert que la peine capitale était toujours en vigueur au Bélarus lorsque son père a été condamné à mort - D.R.
Peine de mort et torture

« Je ne savais pas que la peine de mort était en vigueur dans mon pays - jusqu’à ce que mon père soit exécuté »

Sasha Yakavitskaya, 29 ans, styliste spécialisée dans la mode et les mariages, a découvert que la peine capitale était toujours en vigueur au Bélarus lorsque son père a été condamné à mort, puis exécuté moins d’un an plus tard.

Mon père a été condamné à mort au Bélarus en 2016. Dix mois plus tard, il était exécuté. Nous n’avons été informées qu’un mois après [son exécution], comme c’est généralement le cas dans notre pays.

Je rendais visite à mon père une fois par mois. Il venait à nos rencontres escorté par cinq gardiens. Il avait les mains liées ensemble et il ne pouvait pas voir où il allait. Il était toujours stressé quand il venait [me voir]. Il savait que soit il allait me voir, ou voir son avocat, soit il allait être exécuté.

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Les gardiens restaient avec nous, écoutant attentivement ce que nous disions. Nous ne parlions jamais de ce qu’il avait fait, ou de l’affaire. Nous ne parlions que de choses personnelles.

Je me souviens de la dernière fois que j’ai vu mon père. C’était le 5 novembre 2016. Il disait « Tout va bien, on a assez de temps, ne t’en fais pas ». Un gardien a ironisé : « Oui, vous avez encore un peu de temps. Encore un tout petit peu. »

Le gardien nous faisait comprendre que mon père serait exécuté tôt ou tard. Il voulait anéantir le moral de mon père pendant que j’étais là. Je ne peux qu’imaginer comment ils agissaient en tête à tête, quand ses proches ou sa famille n’étaient pas là.

J’ai donné un colis à mon père, pensant que je reviendrais un mois plus tard. J’étais en train de préparer ma visite suivante quand nous avons reçu la lettre.

*Il avait été exécuté le jour où j’étais allée le voir. Nous n’avons pas demandé à récupérer ses affaires. Ma mère avait peur qu’ils nous envoient son uniforme de prisonnier.

Mais c’est dommage parce qu’il avait des photographies personnelles. Je pense qu’ils les ont jetées ou brûlées. Ils auraient pu nous les renvoyer.

Le procès était très étrange. On aurait dit un numéro de cirque. Un témoin est arrivé soûl. Il se contredisait, même le juge a eu des doutes.

Il disait : « Oh, je ne me souviens pas exactement. » Toute l’affaire reposait sur des témoignages et des éléments semblables.

« Personne d’autre n’aurait pu le faire » a été le principal argument dans l’affaire. Ça, et le fait que mon père avait un casier judiciaire.

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Le tribunal se moquait de savoir si quelqu’un d’autre aurait pu le faire.

C’est bizarre mais c’est comme ça. Notre gouvernement a décidé du résultat.

La peine de mort est appliquée depuis longtemps au Bélarus.

On pense que jusqu’à 250 000 personnes ont été exécutées durant l’époque soviétique et enterrées dans un lieu appelé Kurapaty.

On peut avoir l’impression que c’était il y a longtemps, mais cela se passe encore aujourd’hui. Des gens sont exécutés et personne n’est averti. Les familles n’ont aucune idée de l’endroit où sont enterrés les êtres qui leur sont chers.

Pour nous, il est difficile d’accepter ce qui est arrivé parce que nous n’avons pas enterré mon père, nous n’avons pas vu son corps. C’est comme s’il était toujours là, quelque part, vivant et en bonne santé. Nous avons un emplacement pour sa tombe. Il est très simple, mais cela ne nous empêche pas de prier pour lui. C’est plus dur pour ma mère parce que des gens continuent de lui dire qu’il est encore en vie.

D’autres appellent et disent qu’ils peuvent lui montrer où il est enterré, si on paie.

Peu de monde prête attention au fait que la peine de mort est toujours en vigueur au Bélarus, alors je suis reconnaissante envers les organisations comme Amnesty International qui continuent à attirer l’attention du public sur ce problème et qui ont milité pour que la peine de mon père soit commuée.

Après sa condamnation à mort, personne n’en a jamais parlé avec moi dans notre petite ville du Bélarus. Par contre, sur internet, les gens avaient beaucoup à dire. Ils ne comprenaient pas pourquoi ma mère et moi le soutenions.

Certains disaient que nous devrions être tuées aussi ou placées en hôpital psychiatrique. Des gens ont aussi écrit des choses sur ma fille de quatre ans. C’est ce qui m’a fait le plus mal. Ils disaient qu’elle devrait être abattue parce qu’en grandissant elle deviendrait comme [mon père].

On me demande souvent pourquoi je raconte mon histoire. Je n’aborde pas de sujets politiques, cela ne m’intéresse pas. Je raconte mon histoire, la façon dont cela a affecté ma famille.

Malgré le drame que nous avons vécu, ma famille et moi, nous avançons. Je le dois, surtout pour ma fille. J’ai un super travail créatif, que j’aime beaucoup. Il m’aide à guérir, à laisser mes problèmes derrière moi et à oublier toutes les difficultés que nous avons rencontrées.

Je ne savais même pas que la peine de mort était en vigueur au Bélarus.

Je l’ai découvert au tribunal.

Quand le procureur a requis la peine capitale, cela m’a choquée. J’ai cru qu’il se trompait. Le problème est là. Avant d’y être soi-même confronté, on n’y pense pas.

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