Il semblerait qu’en France, ces dernières semaines, un petit refrain laissant supposer une remise en question de l’abolition de la peine de mort se fait entendre. Un billet d'Anne Denis Responsable de la commission peine de mort, torture, santé d’Amnesty International France.
Le 17 décembre dernier lors de l'Assemblée générale des Nations unies, un nombre inédit d'États membres de l'ONU votaient en faveur de l’instauration d'un moratoire sur les exécutions, dans l'objectif d'abolir la peine capitale.
Ce vote a marqué un nouveau tournant vers un monde sans peine de mort, un monde où l’abolition deviendrait une réalité incontournable.
Il semblerait qu’en France, ces dernières semaines, un petit refrain laissant supposer une remise en question de l’abolition de la peine de mort se fait entendre.
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Ce châtiment cruel, inhumain et dégradant peut-il réellement être rétabli en France ?
Non seulement la France s’opposerait à la tendance actuelle vers l’abolition totale de la peine de mort dans le monde, mais surtout elle violerait plusieurs de ses engagements internationaux irrévocables.
Début des années 80,. Les deux tiers des Français se déclarent alors favorables au maintien de la guillotine.
Pourtant, c’est en connaissance de cause qu’ils élisent, le 10 mai 1981, François Mitterrand qui s’est ouvertement prononcé contre la peine de mort lors de sa campagne. En septembre de la même année, Robert Badinter, Garde des sceaux, obtient le vote du projet de loi dont l'article premier dispose que « La peine de mort est abolie ». Un vote obtenu avec une forte majorité.
La loi entre en vigueur le 9 octobre 1981. La France devient alors le 29ème pays à renoncer à la peine de mort pour tous les délits, de droit commun ou relevant de la justice militaire. Ils sont aujourd’hui 106 pays à avoir fait de même, et 142 pays à être abolitionnistes en droit ou en pratique.
Revenir sur cette décision et vouloir refaire l’histoire peut séduire ou tenter certains. C’est pourtant vain et illusoire. L’abolition de la peine de mort en France est bel et bien irréversible, notamment au regard de ses nombreux engagements internationaux.
Tout rétablissement est exclu. La France est partie à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales de la Cour Européenne des Droits de l’Homme depuis 1959, et à ses deux Protocoles depuis 1986 et 2007 : le Protocole n°6, relatif à l’abolition de la peine de mort en temps de paix et le Protocole n°13, interdisant l’application de la peine de mort en toutes circonstances, même en temps de guerre.
Pour ratifier ce dernier, la France modifie sa Constitution. Le président Jacques Chirac réunit alors, le 23 février 2007, le parlement qui ajoute à la Constitution l’article 66-1 ainsi rédigé : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
Juridiquement, ces deux protocoles additionnels ne comportent pas de clauses permettant un retrait de la Convention. Pour un retrait, il faudrait alors se référer à l’article 57 de la (CEDH) , ce qui reviendrait probablement à se retirer entièrement de la Convention.
Juridiquement irrévocable
Le 2 octobre 2007, la France devient partie au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.
Ce traité des Nations unies est un triple engagement international et surtout juridiquement obligatoire : les États parties ne peuvent appliquer la peine capitale, doivent la supprimer des codes de droit pénal et ont l’interdiction de la rétablir. Ce texte ne comporte par ailleurs pas de disposition permettant le retrait d’un État partie. Autrement dit, un État partie qui a éradiqué la peine de mort de ses codes pénaux ne peut en aucun cas la rétablir.
Rétablir la peine de mort violerait les engagements internationaux pris par la France. Un supposé rétablissement soulèverait par ailleurs un tollé international, en particulier par les États parties aux protocoles concernés qui pourraient faire condamner et sanctionner l’État français par une juridiction internationale telle que la Cour internationale de justice.
Rien ne montre qu’il y aurait dans le pays une majorité pour un tel retour en arrière, un retour à la barbarie, à ce châtiment cruel, inhumain, dégradant. Amnesty International s'oppose à la peine de mort en toutes circonstances et milite pour une abolition totale à travers le monde.