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Cameroun. Cinq années d’angoisse pour les familles de 130 disparus

* La nouvelle campagne d’Amnesty International a pour but de briser le silence assourdissant qui entoure cette affaire
* Un haut gradé de l’armée faisant l’objet d’une enquête a été nommé conseiller ministériel

Amnesty International lance une nouvelle campagne afin de demander aux autorités du Cameroun d’enquêter sur la disparition forcée de plus de 130 hommes et garçons, arrêtés dans leurs villages il y a plus de cinq ans et dont on est sans nouvelles depuis.

Le 27 décembre 2014, les forces de sécurité camerounaises ont arrêté arbitrairement plus de 200 hommes et garçons à Magdémé et Doublé, deux villages de la région de l'Extrême-Nord, lors d’un raid violent au cours duquel huit personnes ont été tuées, dont un mineur, et plus de 70 bâtiments réduits en cendres. Au moins 130 de ces personnes sont toujours portées disparues.

Cette campagne, intitulée « Où sont-ils ? Justice pour les victimes de Magdémé et Doublé » débute ce 10 mars 2020. Son objectif est d’inciter les autorités à fournir des réponses aux familles de ceux qui ont disparu et à amener à rendre des comptes les forces de sécurité responsables des violations des droits humains commises lors du raid qui a conduit aux disparitions forcées.

« Depuis cinq ans, la vie des familles des hommes et des garçons qui ont disparu en ce jour funeste de 2014 est en suspens. Nous voulons leur montrer qu’on ne les a pas oubliés et que nous continuerons de faire pression sur les autorités camerounaises jusqu’à ce que la vérité éclate pour chacun des 130 hommes et garçons, » a déclaré Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

« Le gouvernement du président Paul Biya doit briser le silence assourdissant qui entoure ces disparitions forcées, donner des réponses aux familles des victimes et permettre que justice soit rendue. »

Le 27 décembre 2014, les forces de sécurité camerounaises ont bouclé les villages de Magdémé et Doublé, dans le département du Mayo-Sava, dans la région de l'Extrême-Nord, afin d’y mener une opération de ratissage, en réaction aux attaques répétées de Boko Haram dans le secteur. Huit personnes, dont un mineur, ont été tuées et des habitations ont été incendiées et pillées.

Selon les autorités camerounaises, 70 hommes seulement ont été arrêtés pendant cette opération. Elles reconnaissent que 25 sont morts durant leur première nuit de garde à vue, mais n’ont pas révélé leur identité ni le lieu où se trouvent leurs dépouilles. Elles nient que plus de 200 personnes aient été arrêtées ce jour-là et que 130 aient été victimes de disparitions forcées.

En outre, les autorités ont confirmé que 45 personnes ont été transférées à la prison de Maroua le lendemain de leur arrestation. Sur ces 45 personnes, trois sont décédées du fait des conditions de détention épouvantables et les 42 autres ont été libérées en juillet 2017.

En 2015, un décret présidentiel a révoqué le colonel Charles Zé Onguéné qui était à la tête de la gendarmerie dans l’Extrême-Nord au moment des faits. Une enquête a été ouverte sur sa responsabilité dans les événements du 27 décembre 2014 et il a été inculpé de négligence et d’infraction à la législation relative à la détention, des charges qui sont d’ordre correctionnel et donc d’une moindre gravité que les infractions de nature criminelles. À ce jour, on ignore l’état d’avancement de cette procédure judiciaire intentée contre lui. En mars 2019, il a été nommé conseiller au ministère de la Défense.

« La souffrance des familles des victimes est exacerbée par le refus des autorités de dire la vérité ou même de reconnaître que leurs proches ont disparu, » a déclaré Samira Daoud.

« Nous demandons la tenue d’une enquête immédiate sur ces disparitions et les violations des droits humains qui se sont déroulées à Magdémé et Doublé. Les auteurs présumés de ces agissements doivent répondre de leurs actes devant la justice. »

Complément d’information

La population de la région de l'Extrême-Nord, au Cameroun, est prise au piège des combats qui opposent Boko Haram aux forces de sécurité depuis plus de cinq ans.
En 2019, on a constaté une nette recrudescence des attaques imputables à Boko Haram. La crise qui ébranle les régions anglophones du pays a largement éclipsé ces événements dans les médias et monopolisé l’attention des autorités. Aussi les habitants de l'Extrême-Nord se sont-ils sentis abandonnés.
L’armée camerounaise a le droit et le devoir de protéger la population contre les exactions commises par Boko Haram, mais doit le faire sans se livrer elle-même à des atteintes aux droits humains.

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