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Chili. Le projet de loi sur la légitime défense pourrait augmenter les violences policières et l’impunité pour ces crimes

L’adoption du projet de loi sur la légitime défense, connu sous le nom de Loi Nain Retamal, qui alourdit les peines pour les infractions contre les membres de la police nationale, de la police judiciaire et de la gendarmerie et inscrit la légitime défense dans les procédures relatives au recours à la force, aurait de graves conséquences pour les droits humains, a déclaré Amnesty International le 30 mars 2023.

« Bien qu’il soit important de prendre des mesures pour le renforcement des forces de police et la prévention de la criminalité dans le pays, un problème si complexe doit être abordé avec sérieux et responsabilité, en se fondant sur les normes internationales en matière de droits humains. Loin de résoudre les problèmes structurels, clairement mis en exergue par la crise de 2019, auxquels font face les membres de la police nationale, la procédure d’examen accélérée du “projet Nain Retamal” est une réponse opportuniste, qui entraînerait un grave recul en matière de droits humains », a déclaré Rodrigo Bustos, directeur d’Amnesty International Chili.

Amnesty International considère qu’il est indispensable que le Sénat rectifie cette erreur et que le gouvernement respecte ses engagements et intègre les modifications nécessaires pour pallier les insuffisances du projet dans la Chambre haute. Créer une sorte de présomption légale en faveur des membres de la police, même lorsque des atteintes aux droits humains peuvent avoir été commises, est très dangereux.

Dans sa forme actuelle, le projet Nain Retamal approuve un recours disproportionné à la force, bafouant les principes de nécessité et de proportionnalité et la jurisprudence internationale en la matière établie tant par les organes conventionnels des Nations Unies que par le système interaméricain des droits humains. De plus, la nouvelle disposition sur la légitime défense peut limiter l’exercice des garanties judiciaires pour les victimes d’atteintes aux droits humains, car la formulation employée dans le projet de loi est très ambigüe et privilégie l’interprétation subjective du responsable de l’application des lois impliqué dans les faits pour établir la validité de la légitime défense.

« Les autorités chiliennes semblent avoir oublié que pour protéger efficacement tant la population que les forces de police, une réforme complète de la police nationale peut être envisagée. En faisant fi des besoins réels de transformation de l’institution, elles passeraient à côté d’une occasion historique, née des souffrances infligées à des milliers de personnes pendant le soulèvement social », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

L’extrême rapidité de la procédure législative pour ce projet de loi s’inscrit dans le contexte des homicides de deux policiers ; des crimes graves qu’Amnesty International condamne et qui doivent faire l’objet d’enquêtes et être sanctionnés. Cependant, les tentatives de renforcement de la sécurité publique ne doivent en aucun cas menacer les droits humains, et les deux points de vue doivent être intégrés à la discussion.

Les autorités chiliennes semblent avoir oublié que pour protéger efficacement tant la population que les forces de police, une réforme complète de la police nationale peut être envisagée.

Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International

D’autre part, l’argument selon lequel l’adoption de ce projet de loi améliorera la sécurité est faux, car cela augmentera au contraire les risques de violences policières et d’atteintes aux droits humains, ainsi que l’impunité pour ces agissements. Bien que des mécanismes assurant la protection des responsables de l’application des lois soient en effet nécessaires, ils doivent toutefois être fondés sur la protection des droits humains, afin d’établir des limites claires et de fournir au personnel des instruments adaptés pour mener à bien son travail.

Après les graves atteintes aux droits humains généralisées commises dans le cadre du soulèvement social par des membres de la police nationale, un consensus s’est dégagé quant à la nécessité d’une réforme complète de la police, et le gouvernement y avait manifesté son soutien. Cependant, plus de trois ans après les manifestations de masse, les avancées en la matière sont minimes. Une réforme policière doit couvrir, entre autres, la préparation, les ressources et outils adaptés pour le recours à la force, les cas dans lesquels une force proportionnelle et progressive est nécessaire, et la responsabilité hiérarchique pour les conséquences des interventions. Elle doit, par ailleurs, prévoir un plus grand contrôle civil et une mise à jour des protocoles, qui doivent être axés sur le respect des droits humains.

« Au titre de la Loi Nain Retamal qui risque d’être adoptée, les atteintes aux droits humains et crimes de droit international, comme ceux commis pendant le soulèvement social, pourraient se reproduire de manière plus régulière et avec moins de possibilités de sanctions pour ces agissements, car la disposition relative à la “légitime défense” renverse la charge de la preuve, la faisant peser sur la victime, qui doit prouver que cette exonération n’est pas applicable. Nous demandons instamment aux autorités de réfléchir et de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que la Loi Nain Retamal ne soit pas une source d’impunité et de violences et de s’engager à mener une réforme complète de l’institution policière, comme l’avait promis l’exécutif dans son programme gouvernemental », a déclaré Rodrigo Bustos.

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