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Droit de manifester en France : les parlementaires doivent arrêter la casse

Alors qu'une proposition de loi « visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs » est discutée à l'Assemblée nationale, Amnesty International France en publie une analyse extrêmement critique au regard du droit international et alerte les députés sur les graves conséquences que son adoption en l’état aurait sur le droit de chacun à manifester pacifiquement en France.

« Si elle était adoptée, une telle loi ne répondrait pas aux violences commises par des individus dans les manifestations. Elle donnerait en revanche tout loisir à un pouvoir politique qui serait peu soucieux des droits humains de priver arbitrairement des milliers de citoyens de manifester. Elle permettrait aux autorités de poursuivre arbitrairement de nombreux manifestants et aurait un effet dissuasif fort sur la participation des citoyens à des manifestations », déclare Cécile Coudriou, présidente d'AI France. 

Le grand retour des interdictions administratives de manifester liées à l’état d’urgence

La proposition de loi introduit la possibilité pour les préfets d'interdire à des personnes de manifester, sans aucun contrôle par un juge judiciaire, avec une possible obligation de pointage, sous peine de prison et d’amende. Elle prévoit aussi que ces interdictions administratives s'appliqueront à quiconque « appartiendrait à un groupe ou entretiendrait des relations régulières avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission » d’actes délictueux. 

« Cela n'est rien d'autre qu'une présomption de culpabilité par association. Il sera ainsi possible pour le préfet d'interdire à une personne de manifester, simplement sur la base de ses fréquentations jugées mauvaises par les services de renseignement ou le pouvoir exécutif », déclare Nicolas Krameyer, responsable du programme Libertés pour Amnesty International France.

Les préfets pourront aussi interdire à une personne de manifester lorsqu’il existe de « sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Cette formulation, vague et floue, est similaire à celle utilisée pour les personnes suspectées de terrorisme dans la loi SILT (sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme), qui a intégré les principales dispositions de l’état d’urgence en matière de lutte antiterroriste. Comme l’avait déjà dénoncé Amnesty International, une telle notion est contraire au principe de droit international de sécurité juridique. En ne permettant pas aux citoyens de connaitre les règles qui sanctionnent leur comportement et d’ajuster leurs choix en conséquence pour ne pas être punis injustement, elle ouvre la voie à l’arbitraire.

En audition devant la commission des lois le 22 janvier 2019, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a déclaré que cela ne visait que quelques dizaines, voire quelques centaines de personnes. Avec des critères aussi larges et flous pourtant, ce sont des milliers de personnes qui pourraient potentiellement être visées par de telles mesures, loin du regard de la justice.

Entre novembre 2015 et 2017, les pouvoirs d'exception de l'état d'urgence permettaient déjà aux préfets d'interdire à des personnes de manifester sans contrôle judiciaire : plus de 700 interdictions individuelles avaient ainsi été prises. Comme l'avait constaté Amnesty International à l'époque, ces interdictions n'avaient en rien empêché les violences importantes commises par certains individus pendant les manifestations contre le projet de loi « travail », mais avaient privé arbitrairement des centaines de personnes de leur droit de manifester pacifiquement.

Au moment de mettre un terme à l'état d'urgence, le gouvernement d’Edouard Philippe avait eu la sagesse de refuser d'intégrer dans le droit commun cette atteinte fondamentale au droit de manifester. Néanmoins, rappelle Nicolas Krameyer, « moins de 15 mois plus tard, le même gouvernement assume sans complexe d'attaquer délibérément ce droit, alors que des centaines de milliers de personnes ont manifesté ces deux derniers mois, pour la plupart pacifiquement. »

Cette logique de suspicion est déjà entrée dans le droit commun pour les personnes suspectées de relation avec d’autres personnes elles-mêmes suspectées de sympathie avec le terrorisme. Amnesty International a longuement documenté dans une récente enquête les conséquences dramatiques vécues par certaines des personnes visées.

Protéger son visage n’est pas un délit

La loi propose aussi de pénaliser d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende le fait de se couvrir, totalement ou partiellement, le visage lors d'une manifestation.

Dans le contexte actuel du recours disproportionné à la force et des stratégies de maintien de l’ordre, protéger son visage, et particulièrement ses yeux, des gaz et projectiles, est non seulement légitime, mais souvent nécessaire.

D'après les recoupements crédibles effectués par plusieurs médias et associations, ces deux derniers mois, près d'une centaine de manifestants ont été gravement blessés, notamment par un usage excessif ou disproportionné du LBD40 et de grenades de désencerclement.

La pénalisation de manifestants sur la base exclusive du port d’équipements de protection, qui peuvent effectivement masquer partiellement le visage, est illégale au regard du droit international. Elle risque de mettre en danger la santé et la sécurité physique des manifestants et aura un caractère fortement dissuasif sur l’exercice du droit de manifester. Elle risque aussi de conduire à des interpellations arbitraires au regard du droit international.

Depuis mai 2016 et les manifestations contre la loi travail, Amnesty International a observé que la possession d’équipements de protection était de plus en plus systématiquement considérée par les autorités comme un élément tendant à prouver une intention délictuelle. Cela s’était traduit par des confiscations systématiques de ce matériel dans certaines manifestations. Ces observations de terrain avaient été confirmées par les autorités elles-mêmes.

Depuis décembre 2018, un nouveau cap a été franchi avec plusieurs centaines de personnes placées en garde à vue, et certaines même déférées en comparution immédiate, au seul motif d’avoir sur elles des équipements de protection.

Au lieu de pénaliser le port d’équipements de protection, les autorités françaises devraient réviser leur doctrine de maintien de l’ordre et, notamment le recours à des armes telles que les grenades de désencerclement ou l’utilisation inappropriée des LBD40. 

« Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'était publiquement engagé auprès d'Amnesty International à garantir le droit de manifester pacifiquement. Si une telle loi venait à être adoptée par le parlement, non seulement cela irait à l’encontre de ces engagements, mais cela signifierait un grave recul en France d’une liberté fondamentale», déclare Cécile Coudriou.

 

Contact presse I Véronique Tardivel I 01 53 38 65 41 I vtardivel@amnesty.fr

 

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