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France : Condamnation prononcée pour les atrocités commises au Liberia

Un signe encourageant pour la justice pour les crimes commis pendant la guerre civile

La condamnation d'un ancien chef rebelle libérien pour des atrocités commises pendant la guerre civile au Liberia par un tribunal français est une étape importante pour rendre justice aux victimes, et pour les efforts déployés par la France dans la lutte contre l’impunité pour les crimes graves, ont déclaré aujourd'hui Amnesty International France, la Fédération internationale des droits humains (FIDH) et Human Rights Watch.

La Cour d’assises de Paris a rendu son jugement pour complicité de crimes contre l'humanité, et commission directe de torture et d'actes de barbarie dans le procès de Kunti Kamara, également connu sous le nom de Kunti K. ou CO Kunti, ancien membre du groupe rebelle Mouvement uni de libération du Liberia pour la démocratie (ULIMO), actif pendant la première guerre civile du Liberia. Les juges l'ont condamné à la prison à perpétuité. Le procureur et la défense ont dix jours pour faire appel de la décision. Une audience civile a suivi pour examiner la demande d'indemnisation formulée par les parties civiles.

"Plus de 25 ans après, cette condamnation est une lueur d'espoir que la justice est possible pour les victimes au Liberia", a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe pour la justice internationale à Human Rights Watch. "Le gouvernement libérien devrait cesser de traîner les pieds et demander à l'ONU, aux États-Unis, à l’Union Africaine et à d'autres organisations internationales de mettre en place un tribunal pour les crimes de guerre afin que davantage de personnes impliquées dans les crimes de la guerre civile puissent être tenues pour responsables."

Au cours du procès, qui a duré un peu moins de quatre semaines, les témoins ont décrit des meurtres, des viols, des passages à tabac, des travaux forcés, et des actes de torture commis par des membres du groupe ULIMO. Certaines victimes ont identifié Kunti Kamara comme étant directement impliqué dans ces crimes. Pendant le procès, des experts ont exposé le contexte au Liberia et évalué l'état psychologique des témoins ayant fait des déclarations lors du procès.

Le procès de Kamara a pu se dérouler en personne, en France grâce à la législation française reconnaissant la compétence universelle pour les crimes les plus graves au regard du droit international, qui permet de poursuivre ces crimes quels que soient le lieu où ils ont été commis et la nationalité des suspects ou des victimes. Ce procès est le premier en France pour des crimes graves commis à l'étranger qui ne soit pas lié au génocide rwandais.

Il y a eu très peu de condamnations pour des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, ou des actes de torture commis pendant les guerres civiles au Liberia. Alieu Kosiah a été condamné en Suisse pour crimes de guerre en 2021, et cette décision est actuellement en appel. Charles "Chuckie" Taylor, Jr., fils du dirigeant libérien de cette époque, a été condamné en 2008 aux États-Unis pour torture. Kosiah a été amené de Suisse en France pour témoigner dans le procès de Kunti Kamara.

Le Liberia n'a fait aucun effort pour poursuivre les auteurs de crime graves en dépit des violations généralisées et systématiques, par toutes les parties aux conflits, du droit international relatif aux droits humains et du droit humanitaire, commises pendant les guerres civiles du Liberia. Charles Taylor a été jugé uniquement pour des crimes commis en Sierra Leone voisine par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, soutenu par les Nations unies.

Kamara a été arrêté en 2018, après que l'organisation Civitas Maxima a porté son cas à l'attention des autorités françaises. Après deux ans d'enquête, dont une mission d'enquête de deux semaines dans le comté de Lofa, dans le nord-ouest du Liberia, où il a dirigé la faction locale de l'ULIMO, il a été poursuivi par le procureur français pour divers crimes. Un document de questions-réponses publié le 5 octobre donne plus d'informations sur le procès et la façon dont il se situe dans le contexte plus large du conflit libérien et de l'utilisation par la France de la compétence universelle.

« Ce procès sur les atrocités commises au Liberia est un exemple important de la manière dont la compétence universelle de la France peut offrir une voie vers la justice aux victimes », a déclaré Jeanne Sulzer, responsable de la commission de justice internationale à Amnesty International France. « Les témoins ont décrit des violences inouïes pour lesquelles Kunti Kamara a été reconnu coupable, notamment des meurtres, des viols et des tortures. »

L'utilisation de la compétence universelle en France est toutefois limitée par plusieurs obstacles juridiques, ont indiqué les trois organisations. Ceux-ci incluent l'exigence que l'accusé ait déclaré sa « résidence habituelle » en France et que les crimes, même s’ils sont interdits par le droit international, soient également punissables selon le droit pénal du pays où ils ont été commis, sauf pour les cas de génocide. En outre, contrairement à ce qui se passe pour d'autres crimes en France, le parquet détient le monopole de la décision d’engager des poursuites, et les procureurs français doivent vérifier si un tribunal national ou international s'est déclaré compétent avant d'ouvrir une enquête.

Contrairement au cas de Kamara, une décision de la Cour de cassation française a annulé une affaire de crimes contre l'humanité en Syrie, parce que la loi syrienne ne criminalise pas explicitement les crimes contre l’humanité. Cette décision a suscité de nouveaux appels à la réforme de la part d'organisations de la société civile et d'experts de la justice en France, y compris venant du ministère public. A la lumière de ces débats, la Cour de cassation devrait tenir une audience plénière et rendre une décision sur l'application de ces verrous dans les prochains mois. Les décideurs ont indiqué que cette décision pourrait influer sur d'éventuelles réformes législatives.

« Les restrictions de la législation française en matière de compétence universelle limitent l'accès des victimes à la justice pour les crimes les plus graves », a déclaré Clémence Bectarte, avocate et coordinatrice du groupe d'action judiciaire de la FIDH. « Les autorités françaises doivent mettre cette législation en conformité avec leurs engagements en matière de lutte contre l'impunité des crimes internationaux. »

 

Pour lire le document de questions et réponses publié par Human Rights Watch, Amnesty International France et la FIDH, veuillez consulter le site :

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