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France. La reprise des poursuites infondées et entachées d'irrégularités contre Hassan Diab compromet l'efficacité de la justice pour les victimes de l'attentat de 1980 contre une synagogue

Amnesty International engage le procureur de la République antiterroriste à abandonner les accusations infondées portées contre Hassan Diab, plus de 14 ans après le début de la procédure visant à le déclarer coupable de l’attentat à la bombe perpétré le 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, qui avait fait quatre morts et plus de 40 blessés.

Amnesty International ne cesse de demander que les personnes responsables de ce terrible attentat antisémite soient traduites en justice. Toutefois, justice ne pourra être rendue en s’acharnant contre cet homme, sachant que la justice canadienne et la justice française ont déjà conclu à l’insuffisance de preuves crédibles à son encontre.

Hassan Diab va être jugé par contumace dans le cadre d’un procès inique, qui doit s’ouvrir le 3 avril 2023. Et ce en dépit du fait que les juges d’instruction français ont déjà prononcé un non-lieu en janvier 2018, faute de preuves à charge contre lui, et que le juge canadien chargé de l’extradition avait conclu que les preuves étaient faibles, incertaines et douteuses. En outre, les juges français ont corroboré les éléments attestant qu’Hassan Diab se trouvait à Beyrouth pour passer des examens universitaires au moment de l'attentat. Néanmoins, les autorités françaises ont décidé de poursuivre la procédure, malgré les préoccupations croissantes en matière de procès inéquitable et d’arrestation arbitraire d’Hassan Diab, et malgré le fait qu’il avait été maintenu précédemment à l’isolement prolongé pendant de longues périodes, pouvant notamment s’apparenter à un isolement cellulaire dans une prison de haute sécurité en France pendant plus de trois ans, en violation des normes internationales relatives aux droits humains.

La reprise des poursuites visant Hassan Diab risque de se substituer à la quête indispensable de vérité et d’obligation de rendre des comptes pour le terrible attentat de la rue Copernic, et de déboucher sur une nouvelle parodie de justice.

En novembre 2008, le gouvernement français a requis l’extradition d’Hassan Diab depuis le Canada, ouvrant ainsi la voie à des poursuites entachées d’irrégularités qui durent depuis plus de 14 ans. Amnesty International a suivi cette affaire de près, examinant les décisions de justice, les preuves, les documents, les arguments juridiques et les jugements des tribunaux en lien avec ce dossier – ce qui l’a amenée à conclure qu’il convenait d’abandonner les charges retenues contre Hassan Diab.

Depuis le début de la procédure d'extradition au Canada il y a 14 ans et tout au long de la procédure judiciaire en France au cours des sept dernières années, les juges canadiens et français, ainsi que des experts en analyse graphologique, ont estimé que le dossier était faible et que les preuves à son encontre étaient peu fiables et peu concluantes.

Le juge à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, Robert Maranger, qui présidait l’audience consacrée à la demande d’extradition d’Hassan Diab, a estimé que les preuves à son encontre étaient « alambiquées, très confuses » et menaient « à des conclusions douteuses ». Il a qualifié le rapport graphologique, élément central, de « fortement susceptible d’être critiqué et discrédité ». Enfin, il a observé : « Le dossier présenté par la République française contre M. Diab est faible ; la perspective d’une condamnation dans le contexte d’un procès équitable semble peu probable. » Dans sa décision finale rendue en juin 2011, il notait que le seuil exceptionnellement bas de la loi canadienne sur l’extradition ne lui laissait cependant d’autre choix que d’ordonner celle de M. Diab.

Amnesty International demeure vivement préoccupée par le fait qu’une fois extradé vers la France en novembre 2014, Hassan Diab n’a pas bénéficié d’un procès équitable et rapide, comme cela aurait dû être le cas en vertu du traité d’extradition entre le Canada et la France et des dispositions internationales relatives aux droits humains en matière d’arrestation, de détention et d’équité des procès. Il a au contraire été détenu sans jugement pendant 38 mois et placé à l’isolement pendant la quasi-totalité de sa détention, notamment pendant de longues périodes dans des conditions s’apparentant à un isolement cellulaire. Il est largement reconnu, notamment dans les Règles 43 et 44 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), dans l’Observation générale n° 20 du Comité des droits de l'homme des Nations Unies et de nombreux rapports du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, que le placement à l’isolement au-delà de 15 jours constitue un traitement cruel, voire un acte de torture. Hassan Diab a été maintenu à l’isolement bien au-delà de ces limites.

Au fil des ans, des juges d’instruction français ont trouvé des preuves à décharge significatives étayant l’allégation de M. Diab selon laquelle il se trouvait au Liban au moment de l’attentat à l’explosif. C’est ce qui a motivé la décision rendue le 12 janvier 2018 par les juges d’instruction Jean-Marc Herbaut et Richard Foltzer : les preuves étant insuffisantes pour justifier un procès, ils ont ordonné sa remise en liberté en France et Hassan Diab est alors retourné au Canada. Lorsqu’ils ont prononcé un non-lieu dans cette affaire et ordonné sa libération immédiate, ils ont déclaré que des preuves concordantes attestaient qu’il passait des examens au Liban au moment de l'attentat de la rue Copernic en 1980.

Les jugements en appel dans les deux pays ont confirmé son extradition (2014) et ordonné la tenue d’un procès (2021), alors que le dossier de preuves sur lequel se sont appuyées les conclusions et décisions judiciaires mentionnées ci-dessus n’a pas changé depuis qu’il a été examiné par le juge Robert Maranger. Récemment, une nouvelle analyse graphologique ordonnée par la Cour d’appel française a conclu que l’avis initial, ayant justifié à l’origine l’extradition de M. Diab du Canada, était totalement aléatoire en raison de l’utilisation d’une « méthodologie scientifiquement inadéquate pour évaluer les similitudes et les différences ». Ce nouveau rapport affirme : « Nous sommes en total accord avec les experts de la défense. »

Hassan Diab a enduré des conditions strictes de liberté sous caution au Canada pendant plus de cinq ans avant d’être extradé, une incarcération pendant plus de trois ans dans un pays étranger loin de sa famille, un isolement cellulaire prolongé (bien au-delà de la durée maximale déterminée par les normes internationales comme constituant un acte de torture ou de mauvais traitement) et une détérioration de sa santé physique et mentale. Enfin, il n’a pas vu ses jeunes enfants pendant plus de trois ans et n’a pas assisté à la naissance de son fils.

Poursuivre l’affaire après une procédure aussi longue et biaisée, s’étalant sur tant d’années et en l’absence d’éléments de preuve fiables pour étayer les charges serait contraire aux obligations internationales de la France en matière de droits humains, plus spécifiquement aux obligations en matière d’arrestation et de détention arbitraires et de procès équitable inscrites dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et d’autres instruments. Ce serait d’autant plus préoccupant que les droits de M. Diab ont été bafoués de façon flagrante pendant toute la durée de cette procédure, y compris lors de son maintien à l’isolement prolongé mentionné ci-dessus, contraire aux obligations de la France au regard de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du PIDCP et de la CEDH.

Enfin, il s’agit d’un échec s’agissant de traduire en justice les responsables de la perte tragique de vies humaines le 3 octobre 1980, et donc de rendre justice aux victimes de cet attentat.

Amnesty International engage le procureur de la République antiterroriste à abandonner les charges contre Hassan Diab et à mettre un terme à cette injustice qui n’a que trop duré.

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