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Gambie. Des arrestations et des fermetures de médias surviennent à l’approche de la date d’investiture du nouveau président

Le gouvernement du président Yahya Jammeh, vaincu lors de l’élection présidentielle de décembre en Gambie, a arrêté de manière arbitraire des sympathisants de l’opposition et fermé trois stations de radio indépendantes au cours de la semaine écoulée, ont déclaré Human Rights Watch et Amnesty International jeudi 5 janvier. Yahya Jammeh est tenu, en vertu de la Constitution gambienne, de céder le pouvoir au président-élu Adama Barrow d’ici au 19 janvier 2017. 

Depuis le 31 décembre, des agents des services de renseignement ont arrêté et brièvement placé en détention au moins six personnes ayant porté ou vendu des t-shirts affichant le logo du mouvement #Gambiahasdecided [la Gambie a décidé], qui demande à Yahya Jammeh de respecter les résultats de l’élection et de se retirer. Plusieurs membres du mouvement ont fui la Gambie après avoir reçu des menaces crédibles de la part de membres présumés de l’Agence nationale de renseignements (NIA). Le 1er janvier, des agents des services de renseignement ont fermé trois stations de radio privées, privant les Gambiens de sources indépendantes d’information en cette période critique.

« Prendre pour cible le mouvement #Gambiahasdecided et fermer des stations de radio privées menace le droit des Gambiens d’exprimer leur opposition aux manœuvres de Yahya Jammeh pour rester au pouvoir », a déclaré Jim Wormington, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « C’est à des moments tels que celui-ci que la liberté d'expression importe le plus. »

Yahya Jammeh a publiquement reconnu sa défaite le 1er décembre, pour ensuite rejeter les résultats de l’élection le 9 décembre, critiquant la Commission électorale indépendante, qu’il a qualifiée de « malhonnête », pour son manque d’indépendance supposé. Le 13 décembre, les forces gambiennes de sécurité ont expulsé Alieu Momarr Njai, président de cette commission, et son personnel de leurs bureaux. Alieu Momarr Njai a ensuite indiqué à Human Rights Watch et Amnesty International qu’il craignait pour sa sécurité, et a quitté la Gambie le 30 décembre pour se réfugier à l’étranger.

Le parti de Yahya Jammeh, l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques, a déposé le 13 décembre un recours auprès de la Cour suprême dans le but de contester les résultats de l’élection. La Cour suprême ne dispose pas de juges assesseurs permanents et Yahya Jammeh devrait donc nommer de nouveaux magistrats pour que cette requête soit examinée, ce qui a amené l’Association gambienne du barreau à qualifier ce recours de « fondamentalement vicié ».

Le refus de Yahya Jammeh de reconnaître les résultats du scrutin a été largement condamné à l’échelle internationale, notamment par le Conseil de sécurité des Nations unies, par l'Union africaine et par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le 17 décembre, la CEDEAO a déclaré que lorsque le mandat de Yahya Jammeh prendra fin le 19 janvier, Adama Barrow « doit être investi de ses fonctions », et a promis de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour faire respecter les résultats de l’élection.

Des sources en Gambie ont expliqué à Human Rights Watch et à Amnesty International que des agents des services de renseignement ont arrêté deux hommes, Alpha Sey et Muhammed Kuyateh, qui portaient des t-shirts #Gambiahasdecided dans la soirée du 31 décembre. Un témoin a affirmé que cinq hommes en civil ont fait monter Alpha Sey de force dans un pickup blanc. « Ils ont demandé à lui parler et, après une brève conversation, l'ont poussé à l’intérieur de la voiture », a dit ce témoin. « Sey était le seul à porter un t-shirt #Gambiahasdecided et je l'ai entendu dire : "Il n'y a pas besoin que je monte dans la voiture, il suffit que je l’enlève." Mais ils l'y ont quand même forcé. »

Un autre témoin a indiqué que le 31 décembre, des hommes en civil ont forcé Muhammed Kuyateh à monter à bord d’un véhicule à Bakoteh, une banlieue de Banjul, apparemment parce qu'il portait un t-shirt #Gambiahasdecided.  Les deux hommes ont été placés au secret au siège de la NIA, puis libérés sous caution le 3 janvier.

Des agents des services de renseignement ont arrêté trois gérants de magasins qui vendaient des articles estampillés #Gambiahasdecided dans la zone de Westfield à Serrekunda dans la soirée du 31 décembre. Ebrima Sambou, Mamie Serreh et Isatou Jallow ont déclaré à Human Rights Watch et à Amnesty International que ces fonctionnaires s’étaient présentés dans leurs boutiques et avaient confisqué les t-shirts et d'autres objets affichant le slogan #Gambiahasdecided ou des images en soutien au président-élu, Adama Barrow, ou à la coalition d'opposition. Ces trois personnes ont ensuite été emmenées au siège de l'agence de renseignement à Banjul, où elles ont été interrogées sur les fournisseurs de ces articles, puis remises en liberté quelques heures plus tard.

Les articles confisqués n’ont pas été restitués. Mamie Serreh a déclaré qu'avant sa libération, un agent des services de renseignement lui a dit : « Tout ce que tu diras sur ce qui s’est passé se retournera contre toi. » Craignant pour sa sécurité, l’épouse d'un des autres gérants a quitté la Gambie peu après la libération de son mari. Des agents des services de renseignement auraient par ailleurs appréhendé un partisan de la coalition, Wandifa Kanyi, pour avoir vendu des t-shirts à Serrekunda le 2 janvier.  Wandifa Kanyi a été remis en liberté le 3 janvier.

Deux membres fondateurs du mouvement #Gambiahasdecided, Salieu Taal et Raffi Diab, ont fui la Gambie le 31 décembre après avoir reçu des informations semblant crédibles sur l'imminence de leur arrestation par l'agence de renseignement. La NIA soumet de longue date à des arrestations arbitraires des militants de l'opposition, dont beaucoup ont été torturés et certains mêmes tués alors qu'ils étaient sous sa garde. Salieu Taal, le président du mouvement, a déclaré qu'il avait failli être intercepté par des agents de la NIA devant chez lui le 31 décembre. « Je pense que Jammeh essaie de nous envoyer un message pour que nous cessions de nous opposer à sa tentative de se maintenir au pouvoir », a-t-il dit à Human Rights Watch et à Amnesty International. « Mais nous ne nous laisserons pas intimider. »

Le 1er janvier, des agents des services de renseignement ont forcé trois stations de radio privées, Teranga FM, Hilltop Radio et Afri Radio, à cesser d'émettre. Si Afri Radio a rouvert le 3 janvier, elle ne diffuse plus de programmes d'information. Compte tenu du contrôle exercé par le gouvernement sur la télévision et la radio publiques, les stations de radio privées représentent pour les Gambiens un moyen important de prendre connaissance de points de vue et d’opinions divergents, même si la tendance des forces de sécurité à arrêter et menacer les journalistes a amené beaucoup d'entre eux à s'autocensurer. Teranga FM et Hilltop Radio étaient deux stations relayant des informations politiques diverses dans des langues locales.

Emil Touray, président du syndicat de la presse gambienne, a déclaré à Human Rights Watch et à Amnesty International que la fermeture de ces radios « a privé les Gambiens de plusieurs médias essentiels à un moment crucial de l'histoire du pays. » Teranga FM a été fermée à trois reprises ces dernières années et son directeur, Alhagie Ceesay, a été arrêté en juillet 2015, roué de coups et torturé au siège de la NIA, puis inculpé de sédition. Il s'est évadé et a fui à l'étranger en avril 2016.

Alors qu’approche la date à laquelle Yahya Jammeh est censé quitter ses fonctions et transférer le pouvoir à son successeur, les autorités et les forces de sécurité gambiennes doivent respecter et protéger le droit de tous les Gambiens à exprimer librement et pacifiquement leur point de vue et leurs opinions politiques, ont déclaré Human Rights Watch et Amnesty International. Les stations de radio privées doivent être libres d'émettre sans ingérence gouvernementale et sans crainte de représailles.

« Le risque d'une répression contre les voix indépendantes et dissidentes ne fera que croître, à mesure que  les appels incitant Yahya Jammeh à quitter le pouvoir s'intensifieront à l'approche du 19 janvier », a déclaré Sabrina Mahtani, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International. « Les autorités gambiennes doivent indiquer clairement que les violations des droits humains, y compris celles commises par des membres des forces de sécurité, ne seront pas tolérées et que les auteurs de violations durant la période de transition seront visés par des enquêtes et des poursuites. »

Pour en savoir plus sur le travail de Human Rights Watch sur la Gambie, rendez-vous à l’adresse suivante :
https://www.hrw.org/fr/africa/gambia


Pour en savoir plus sur le travail d’Amnesty International sur la Gambie, cliquez sur le lien suivant :
https://www.amnesty.org/fr/countries/africa/gambia/

 

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