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Israël. Il faut instaurer un embargo sur les armes, l'armée se livrant à des homicides illégaux et blessant des manifestants à Gaza
Israël se livre à une attaque meurtrière contre les Palestiniens qui manifestent, ses forces armées ayant tué et blessé des manifestants qui ne représentaient pas une menace imminente pour elles, révèle Amnesty International le 27 avril en se fondant sur ses dernières recherches, alors que les manifestations de la « Grande marche du retour » se poursuivent dans la bande de Gaza.
L'armée israélienne a tué 35 Palestiniens et en a blessé plus de 5 500 – certaines blessures semblent avoir été délibérément infligées pour laisser des séquelles à vie – lors des manifestations qui ont lieu chaque vendredi depuis le 30 mars.
Amnesty International demande une nouvelle fois aux gouvernements du monde entier d'instaurer un embargo total sur les armes à destination d'Israël, dont la réponse aux manifestations massives le long du mur/barrière qui sépare le pays de la bande de Gaza est disproportionnée.
« Depuis quatre semaines, le monde regarde avec horreur des snipers et des soldats israéliens postés derrière la barrière, en tenue de protection complète, tirer des balles réelles et des gaz lacrymogènes sur des manifestants palestiniens. Malgré la condamnation de l'ensemble de la communauté internationale, l'armée israélienne n'est pas revenue sur ses consignes illégales, à savoir tirer sur des manifestants non armés, a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« L'heure des déclarations symboliques condamnant ces actes est désormais révolue. La communauté internationale doit agir concrètement et cesser de livrer des armes et des équipements militaires à Israël. Sans cette mesure, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants continueront d’être victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux et de vivre sous le joug du blocus imposé à Gaza. Ils ne font que protester contre leurs conditions de vie intenables et réclamer le droit au retour dans les maisons et les localités qui se trouvent désormais sur le territoire israélien. »
Les États-Unis sont de loin le principal fournisseur d'Israël en équipement et technologie militaire et se sont engagés à lui fournir 38 milliards de dollars (31,5 milliards d'euros) d'aide militaire au cours des 10 prochaines années. Toutefois, d'autres pays, dont des États membres de l'Union européenne comme la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, ont accordé des licences d'exportation pour de grandes quantités d'équipements militaires destinés à Israël.
Des manifestants se font tirer dans le dos
Dans la plupart des cas de morts analysés par Amnesty International, les victimes ont reçu des balles dans la partie supérieure du corps, notamment à la tête et à la poitrine, parfois par derrière. Il ressort des déclarations de témoins oculaires et des preuves vidéo et photographiques, que beaucoup ont sans doute été délibérément tuées ou blessées alors qu'elles ne représentaient pas de menace imminente pour les soldats israéliens.
Parmi les victimes figure Mohammad Khalil Obeid, footballeur de 23 ans, touché aux deux genoux alors qu'il se filmait, dos à la barrière, lors d'une manifestation à l'est du camp d'al Breij, le 30 mars.
Sur la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on peut le voir s’effondrer sous les tirs. Sur la séquence, il se trouve dans une zone isolée, loin du mur/barrière, et ne semble pas représenter une quelconque menace pour la vie des soldats israéliens. Mohammad Khalil Obeid doit se faire poser une prothèse du genou pour pouvoir remarcher.
« En tant que joueur de foot palestinien, ma vie est fichue... Je rêvais de jouer des matchs internationaux et de brandir le drapeau palestinien à l'étranger [pour montrer] que nous ne sommes pas des terroristes, a-t-il déclaré à Amnesty International.
« Nous voulions faire passer notre message à tous les organismes, pays et chefs d'État, afin qu'ils voient ce qui nous arrive, car personne n'accepterait cela où que ce soit dans le monde. »
Des blessures que les médecins n'avaient pas revues depuis la guerre
Selon des médecins de l'hôpital européen et de l'hôpital al Shifa de la ville de Gaza, la plupart des blessures graves qu'ils ont constatées sont situées aux membres inférieurs, notamment au genou, et sont typiques des blessures de guerre qu'ils n'avaient pas observées depuis le conflit de 2014 à Gaza.
Beaucoup de patients souffrent de graves lésions des os et des tissus, et présentent de larges orifices de sortie des balles, entre 10 et 15 mm. Ils auront sans doute d'autres complications, infections ou handicaps physiques, comme la paralysie ou l'amputation. Les informations faisant état d'un grand nombre de blessures au genou, qui renforcent l'hypothèse de balles à fragmentation, sont particulièrement inquiétantes. Si elles sont avérées, cela signifie que l'armée israélienne inflige intentionnellement des blessures qui peuvent laisser des séquelles à vie.
Les médecins ont ajouté qu'ils observent un autre type de blessure dévastatrice qui se caractérise par de larges cavités internes, du plastique à l'intérieur du corps, et pas d'orifices de sortie.
D'après des experts militaires et un médecin légiste qui ont examiné les clichés obtenus par Amnesty International, nombre des blessures observées par les médecins à Gaza correspondent à celles infligées par les fusils israéliens Tavor, utilisant des munitions militaires à haute vitesse de 5,56 mm. D'autres blessures sont caractéristiques des fusils à lunette Remington M24, de fabrication américaine, tirant des munitions de chasse de 7,62 mm, qui s'écartent et s'évasent dans la plaie.
Selon une récente déclaration de Médecins Sans Frontières, la moitié des 500 patients admis dans sa clinique ont été pris en charge pour des blessures « où la balle a littéralement détruit les tissus après avoir pulvérisé l’os ». Cette information est corroborée par des ONG humanitaires et par des témoignages de médecins recueillis par des organisations palestiniennes de défense des droits humains à Gaza.
« La nature de ces blessures montre que les soldats israéliens utilisent des armes militaires à haute vitesse destinées à causer le maximum de dégâts aux manifestants palestiniens qui ne représentent pourtant pas de menace imminente pour eux. Ces tentatives délibérées de tuer et de mutiler sont choquantes, mais aussi totalement illégales. Certains cas s'apparentent à des homicides délibérés, ce qui constitue une grave violation des Conventions de Genève et un crime de guerre, a déclaré Magdalena Mughrabi.
« Si Israël ne mène pas d’investigations efficaces et indépendantes débouchant sur la poursuite pénale des responsables, la Cour pénale internationale doit conduire une enquête officielle sur ces homicides et graves blessures, susceptibles de constituer des crimes de guerre, et traduire en justice les responsables présumés. »
D'après le ministère de la Santé à Gaza, au 26 avril, on estime le nombre total de blessés à 5 511 – 592 enfants, 192 femmes et 4 727 hommes – dont 1 738 ont été blessés par des balles réelles. Environ la moitié des blessés admis à l'hôpital présentaient des blessures aux jambes et aux genoux, 225 au cou et à la tête, 142 à l'abdomen et au bassin, et 115 à la poitrine et dans le dos. Jusqu'à présent, ces blessures ont donné lieu à 18 amputations.
Quatre mineurs âgés de 14 à 17 ans comptent parmi ceux qui ont succombé à des blessures reçues pendant les manifestations. Deux journalistes ont également été tués, alors qu'ils portaient des vestes de protection qui les identifiaient clairement comme des membres de la presse, tandis que plusieurs ont été blessés.
Les hôpitaux de Gaza ont bien du mal à faire face à l'afflux de blessés, en raison des pénuries de fournitures médicales, d'électricité et de carburant, dues au blocus israélien et aggravées par les divisions palestiniennes internes. En outre, Israël retarde ou refuse le transfert de certains patients qui ont besoin de toute urgence de soins spécialisés dans d'autres zones des territoires palestiniens occupés, au motif qu’ils ont pris part aux manifestations.
Dans un cas recensé par Amnesty International, le journaliste Yousef al Kronz, 20 ans, a été amputé de la jambe gauche, après que les autorités israéliennes lui ont refusé la permission de se rendre à Ramallah, en Cisjordanie occupée, pour y être soigné d'urgence. Il a finalement pu sortir de Gaza pour une opération destinée à sauver sa deuxième jambe, grâce à l'intervention légale d'organisations de défense des droits humains.
Des secouristes à Gaza ont confié à Amnesty International les difficultés qu'ils rencontrent pour évacuer les manifestants blessés, car l'armée israélienne tire des gaz lacrymogènes dans leur direction, ainsi qu'aux abords des centres de soins.
Homicides illégaux et blessures invalidantes
Les organisateurs de la « Grande marche du retour » ont répété que les manifestations seraient pacifiques et engloberaient de nombreux sit-ins, concerts, jeux sportifs, discours et autres activités pacifiques.
Malgré cela, l'armée israélienne a renforcé ses effectifs – déployant des tanks, des véhicules militaires, des soldats et des snipers le long de la frontière avec Gaza – et a donné l'ordre de tirer sur toute personne se trouvant dans un périmètre de plusieurs centaines de mètres autour de la barrière.
Si certains manifestants ont tenté de s'approcher de la barrière, lancé des pierres en direction des soldats israéliens ou brûlé des pneus, les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et les témoignages recueillis par Amnesty International et des organisations palestiniennes et israéliennes de défense des droits humains, montrent que les soldats israéliens ont tiré sur des manifestants non armés, des passants, des journalistes et des équipes médicales qui se trouvaient entre 150 et 400 mètres de la clôture, où ils ne représentaient aucun danger.
Dans une requête demandant à la Cour suprême israélienne d'ordonner à l'armée de cesser d'utiliser des balles réelles pour disperser les manifestations, les organisations de défense des droits humains Adalah et Al Mezan ont présenté à titre de preuves 12 vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, qui montrent des manifestants non armés, dont des femmes et des enfants, se faire tirer dessus par l'armée israélienne. On peut voir des personnes essuyer des tirs alors qu'elles agitent le drapeau palestinien ou s'éloignent en courant de la barrière.
Sur des images vidéo largement relayées sur les réseaux sociaux, on peut voir Abd Al Fattah Abd Al Nabi, 19 ans, touché le 30 mars alors qu'il s'éloigne en courant de la barrière, portant un pneu, le dos tourné aux soldats israéliens. Il est mort d’une balle reçue à l'arrière de la tête. Vendredi 20 avril, Mohammad Ayyoub, 14 ans, a également été tué d'une balle à l’arrière du crâne.
Complément d’information
Depuis 11 ans, les civils dans la bande de Gaza ont subi les conséquences du blocus illégal imposé par Israël, ainsi que trois guerres. L'économie de Gaza s'est effondrée, laissant sa population presque totalement dépendante de l'aide internationale. Gaza a l'un des taux de chômage les plus élevés du monde : 44 %. Quatre années après le conflit de 2014, quelque 22 000 personnes sont toujours déplacées.
En janvier 2015, le bureau de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert un examen préliminaire sur la situation dans les territoires palestiniens occupés, et plus particulièrement sur les crimes qui auraient été commis depuis le 13 juin 2014.
Amnesty International a également demandé à tous les États d'imposer un embargo complet sur les armes à destination d'Israël et des groupes armés palestiniens, afin de prévenir les violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains commises par toutes les parties.
Depuis le 30 mars, outre des manifestants, sept Palestiniens ont été tués par les frappes aériennes, les tirs d'artillerie ou les balles réelles des forces israéliennes : un paysan qui moissonnait son champ près de la barrière et six membres de groupes armés palestiniens.
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