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La CPI doit enquêter sur les dirigeants d’entreprises de l’industrie de l’armement liés à des allégations de crimes de guerre
La procureure de la Cour pénale internationale (CPI) doit enquêter sur le rôle qu’ont pu jouer des dirigeants d’entreprises européennes de l’industrie de l’armement et des autorités en charge de délivrer les autorisations dans des violations du droit international humanitaire commises au Yémen qui pourraient constituer des crimes de guerre, a déclaré le 12 décembre Amnesty International, l’organisation se joignant au Centre européen pour les droits de l’homme et constitutionnels (ECCHR) pour faire officiellement cette demande à la CPI.
L’ECCHR a soumis, avec le soutien de cinq autres ONG, une communication de 300 pages comprenant des éléments de preuve au bureau de la procureure de la CPI pour demander à la CPI de mener une enquête afin de savoir si la responsabilité pénale de hauts dirigeants d’entreprises et de gouvernements européens peut être engagée en ce qui concerne la fourniture d’armes utilisées par des membres de la coalition menée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour commettre de possibles crimes de guerre au Yémen. Il demande l’ouverture d’une enquête sur leur complicité présumée dans 26 frappes aériennes qui ont illégalement tué ou blessé des civils et détruit ou endommagé des écoles, des hôpitaux et d’autres biens protégés.
« Une enquête de la CPI constituerait une avancée historique dans l’optique d’amener les dirigeants d’entreprises de l’industrie de l’armement à répondre de leurs décisions commerciales. En réalité, toute personne impliquée dans la vente d’armes à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis est dans une certaine mesure responsable de la façon dont ces armes sont utilisées. Cela concerne les dirigeants d’entreprise et aussi les responsables gouvernementaux, a déclaré Patrick Wilcken, chargé de recherche sur le contrôle des armes à Amnesty International.
« La procureure de la CPI a la possibilité de faire clairement savoir qu’elle demandera aux entreprises de répondre de leurs actes si elles participent à des crimes d’une extrême gravité. »
Malgré les innombrables preuves de graves violations commises au Yémen qui sont rassemblées depuis le début du conflit, il y a presque cinq ans, certains États européens continuent de procéder à des exportations destinées à des membres de la coalition, qui a bombardé des écoles, des maisons et des hôpitaux. Ces exportations constituent une violation flagrante du traité international sur le commerce des armes et de normes nationales et européennes.
Les gouvernements sont responsables de l’approbation des licences d’exportation, et de nombreuses entreprises de l’industrie de l’armement avancent que cela les exonère de toute responsabilité. Or, l’approbation des autorités gouvernementales ne décharge pas les dirigeants d’entreprise de leur responsabilité de respecter les droits humains dans le cadre de leurs activités commerciales, y compris de leur responsabilité de ne pas exporter d’armes qui risquent d’être utilisées pour commettre des crimes de droit international.
Cet argument n’a guère de valeur en particulier quand les gouvernements qui accordent des licences sont eux-mêmes mis en cause en ce qui concerne leur décision d’exporter des armes qui risquent d’être utilisées pour commettre de possibles crimes de guerre ou d’autres graves violations.
« Tout dirigeant d’entreprise peut lire le journal et comprendre que l’évaluation des risques en matière de droits humains qu’ont faite certains gouvernements européens a été catastrophique, a déclaré Patrick Wilcken.
« Les dirigeants d’entreprise ont amplement eu le temps de consulter les nombreuses informations fiables qui sont disponibles pour réévaluer leur décision de procéder à des exportations destinées à la coalition, compte tenu des terribles événements au Yémen. Ils ne peuvent pas se justifier en invoquant les décisions viciées d’autorités gouvernementales : ils risquent à présent de faire l’objet de poursuites pénales devant une cour pénale internationale. »
La communication porte en particulier sur le rôle des entreprises suivantes : Airbus Defence and Space S.A.(Espagne), Airbus Defence and Space GmbH (Allemagne), BAE Systems Plc. (Royaume-Uni), Dassault Aviation S.A. (France), Leonardo S.p.A. (Italie), MBDA UK Ldt. (Royaume-Uni), MBDA France S.A.S. (France), Raytheon Systems Ltd. (Royaume-Uni), Rheinmetall AG (Allemagne) via sa filiale RWM Italia S.p.A. (Italie), et Thalès France.
Complément d'information
L’ECCHR et ses partenaires (Mwatana for Human Rights, Amnesty International, Campaign Against Arms Trade (CAAT), Centre Delàs et Rete Disarmo) demandent au bureau de la procureure de la CPI d’enquêter sur la responsabilité de hauts dirigeants d’entreprises, et sur celle de hauts responsables gouvernementaux des services chargés des licences d’exportation d’armes, au sujet de leur possible complicité dans ces crimes de droit international présumés.
La communication de l’ECCHR porte en particulier sur des entreprises des pays suivants : Espagne, Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni, qui sont les plus grands exportateurs européens d’armes destinées à la coalition. Elle fournit des informations factuelles sur 26 frappes aériennes – commises contre des immeubles d’habitation, des écoles, des hôpitaux, un musée et des sites du patrimoine mondial – qui pourraient constituer des crimes de guerre au titre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
La CPI est compétente pour connaître des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis sur tout territoire relevant de la juridiction d'un État partie (tous les États européens sont parties au Statut de Rome) ou par leurs ressortissants quel que soit l’endroit où ces crimes ont été commis.
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