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Liban. Les frappes aériennes israéliennes ayant tué au moins 49 civil·e·s, dont des familles entières, s’ajoutent aux éléments attestant de crimes de guerre

Quatre frappes aériennes distinctes menées par les forces israéliennes au Liban, qui ont tué au moins 49 civil·e·s et décimé des familles entières, doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre, a déclaré Amnesty International le 12 décembre 2024. En vertu du droit international, les attaques directes contre des civils ou des biens de caractère civil, les attaques aveugles qui tuent ou blessent des civils et les attaques disproportionnées qui causent incidemment des pertes civiles excessives constituent des crimes de guerre.

Dans un rapport intitulé ‘The sky rained missiles’: Israeli airstrikes in Lebanon must be investigated as war crimes, Amnesty International note que les forces israéliennes ont illégalement frappé des immeubles d’habitation dans le village d’al Ain, dans le nord de la Békaa, le 29 septembre, dans le village d’Aitou, dans le nord du Liban, le 14 octobre, et dans la ville de Baalbek, le 21 octobre. Enfin, les forces israéliennes ont mené une frappe illégale contre le siège de la municipalité de Nabatiyé, dans le sud du Liban, le 16 octobre.

L’armée israélienne n’a pas émis d’avertissement avant de procéder à ces frappes.

« Ces quatre attaques illustrent le mépris d’Israël à l’égard de la vie des civil·e·s au Liban et sa volonté de bafouer le droit international, a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International.

« Elles doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre. Le gouvernement libanais doit demander la tenue d’une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies afin de mettre sur pied un mécanisme d’enquête indépendant sur les violations et les crimes présumés commis par toutes les parties à ce conflit. Il doit également accorder à la Cour pénale internationale la compétence pour les crimes relevant du Statut de Rome commis sur le territoire libanais. »

Ces quatre attaques illustrent le mépris d’Israël à l’égard de la vie des civil·e·s au Liban et sa volonté de bafouer le droit international

Erika Guevara Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International

Amnesty International s’est entretenue avec 35 rescapé·e·s et témoins, a étudié les sites des frappes à Nabatiyé, Aitou et Baalbek, et s’est rendue dans un hôpital où certains blessés sont soignés. Ses chercheurs ont photographié des fragments des munitions utilisées lors des attaques afin de les faire identifier par des experts, examiné des dizaines de vidéos et de photos provenant de sources locales et disponibles sur les réseaux sociaux, et examiné des images satellite des lieux.

Amnesty International a adressé un courrier aux autorités israéliennes le 11 novembre pour leur demander des informations sur les objectifs militaires visés dans ces endroits et sur les mesures prises pour éviter ou réduire au minimum les pertes civiles ; à ce jour, elle n’a pas reçu de réponse.

Des familles décimées chez elles

Le 29 septembre, vers 4h50 (heure locale), en périphérie d’al Ain, une frappe israélienne a détruit la maison de la famille syrienne al Shaar, tuant les neuf membres qui dormaient à l’intérieur.

Ibrahim al Shaar, le seul survivant de la famille qui n’était pas chez lui cette nuit-là, a déclaré à Amnesty International qu’il ignorait pourquoi sa maison avait été touchée. Youssef Jaafar, le moukhtardu village, a expliqué que la famille al Shaar vivait dans le village depuis des années : « C’est une habitation civile, il n’y a aucune cible militaire à l’intérieur. Elle est pleine d’enfants. Cette famille est bien connue par ici. »

Les images satellite du 21 mai 2024 montrent la maison de la famille al Shaar, dans le village d’al Ain, dans la Békaa, au Liban. Le 30 septembre, le bâtiment est complètement détruit et on voit sur le sol des traces d’incendie dues à l’explosion. Des traces de déblaiement sont visibles dans la zone des débris, ce qui concorde avec les vidéos montrant la présence de pelleteuses après la frappe. © Planet Labs PBC, 2024 Maxmar Technologies

Lors d’une autre attaque, le 21 octobre vers 5h45 (heure locale), les forces israéliennes ont frappé le quartier de Nabi Inaam à Baalbek, détruisant un bâtiment qui abritait 13 membres de la famille Othman.

Cette frappe a fait six morts, deux femmes et quatre enfants, et sept blessés.

Fatima Drai, qui a perdu ses deux fils Hassan, 5 ans, et Hussein, 3 ans, a déclaré : « Mon fils m’a réveillée ; il avait soif et voulait boire. Je lui ai donné de l’eau et il s’est rendormi en serrant son frère dans ses bras. […] En les voyant ainsi, j’ai souri et je me suis dit qu’au retour de leur père, je lui raconterai comment est notre fils. Je suis allée prier, et c’est alors que tout a explosé autour de moi. Une bonbonne de gaz a explosé, me brûlant les pieds, et en quelques secondes, la chambre de mes enfants a été consumée. »

La maison endommagée de la famille Othman dans la ville de Baalbeck, au Liban, à la suite d’une frappe aérienne israélienne sur la maison le 21 octobre 2024. © Amnesty International

Toutes les victimes de ces deux attaques étaient des civil·e·s et Amnesty International n’a trouvé aucune preuve de la présence d’objectifs militaires dans les maisons ni à proximité immédiate. Il y a donc fort à craindre que les frappes qui ont touché les maisons des familles al Shaar et Othman étaient des attaques directes contre des civils et des biens de caractère civil. Elles doivent faire l’objet d’une enquête en tant que crimes de guerre.

23 civil·e·s tués lors d’une attaque dans le nord du Liban

Le 14 octobre, une frappe aérienne israélienne a détruit un bâtiment à Aitou, tuant 23 civil·e·s déplacés du sud du Liban, ainsi qu’Ahmad Fakih : ceux qui se trouvaient dans le bâtiment pensent que cet homme était la cible de l’attaque, qui a eu lieu quelques minutes après son arrivée.

La plus jeune victime est Aline, un bébé de cinq mois : elle a été projetée hors de la maison dans un pick-up situé à proximité et n’a été retrouvée que le lendemain par des secouristes.

L’armée israélienne n’a pas commenté publiquement l’attaque et n’a pas précisé qui elle visait ni quoi à Aitou, au cœur de la région chrétienne du Liban et à plus de 115 kilomètres de la frontière avec Israël. Des chercheurs d’Amnesty International se sont rendus sur les lieux et ont trouvé des livres pour enfants, des jouets, des vêtements et des ustensiles de cuisine dans les décombres de la maison.

Des livres scolaires d’enfants dans les décombres à la suite d’une frappe aérienne israélienne sur un bâtiment résidentiel dans le village d’Aito, dans le district de Zgharta, gouvernorat du nord, Liban, le 14 octobre 2024. © Amnesty International

Même si l’objectif d’Israël était de cibler Ahmad Fakih, qui d’après les survivants était affilié au Hezbollah, les moyens et la méthode employés contre une maison remplie de civils font qu’il s’agit probablement d’une attaque aveugle, possiblement disproportionnée compte tenu de la présence d’un grand nombre de civils au moment de l’attaque. Elle doit faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre.

Un expert en armements d’Amnesty International a analysé un fragment de munition retrouvé sur le site. Au regard de sa taille, de sa forme et des bords festonnés du lourd cylindre en métal, il l’a identifié comme étant très probablement une bombe aérienne de la série Mk-80, soit une bombe d’au moins 250 kilos. Les États-Unis sont le principal fournisseur de ce type de munitions à Israël.

L’une des survivantes, Jinane Hijazi, qui a perdu son bébé de 11 mois, Ruqayya Issa, a déclaré : « J’ai tout perdu, toute ma famille, mes parents, mes frères et sœurs, ma fille. J’aurais préféré mourir ce jour-là. »

Frappe visant le siège de la municipalité de Nabatiyé

Dans la matinée du 16 octobre, une frappe aérienne israélienne a touché le siège de la municipalité de Nabatiyé, dans le sud du Liban, faisant trois blessés et 11 morts, dont le maire, parmi la population civile.

L’attaque aérienne a eu lieu sans avertissement, au moment même où la cellule de crise de la municipalité se réunissait pour coordonner l’acheminement de l’aide – nourriture, eau et médicaments notamment – aux habitant·e·s et aux personnes déplacées qui avaient fui les bombardements dans d’autres zones du sud du Liban.

Sur ces images satellite, on peut voir le bâtiment de la municipalité de Nabatiyé le 15 octobre 2024 à 6h28 TU. Le 16 octobre à 7h06 TU, le bâtiment n’est plus visible et un grand panache de fumée s’élève de la zone. L’image semble avoir été prise juste après la frappe aérienne. © Planet Labs PBC 

Après la frappe, l’armée israélienne a déclaré que ses forces avaient attaqué des dizaines de cibles du Hezbollah dans la région de Nabatiyé, sans faire explicitement référence à cette frappe en particulier. Or, Amnesty International n’a trouvé aucune preuve de l’existence d’une cible militaire au siège de la municipalité au moment de l’attaque.

« Israël présente un triste bilan en matière de frappes aériennes illégales à Gaza et lors de précédentes guerres au Liban, qui ont eu des effets dévastateurs pour la population civile. Au regard des dernières preuves de frappes aériennes illégales lors de la récente offensive israélienne au Liban, il importe que tous les États, en particulier les États-Unis, suspendent les transferts d’armes vers Israël, car elles risquent de servir à commettre de graves violations du droit international humanitaire », a déclaré Erika Guevara Rosas.

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