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Maroc/Espagne. Il faut révéler le sort de migrants continuant à manquer à l’appel deux ans après un épisode meurtrier à la frontière
Les autorités marocaines et espagnoles doivent redoubler d’efforts afin de déterminer ce qui est arrivé à au moins 70 hommes, principalement originaires du Soudan et du Tchad, qui sont toujours portés disparus deux ans après une opération répressive meurtrière menée par les forces de sécurité marocaines et espagnoles contre des Africains subsahariens tentant de franchir la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla.
Le 24 juin 2022, au moins 37 personnes noires issues d’Afrique subsaharienne, ainsi que des centaines d’autres, ont été blessées lors de l’incident. Les autorités marocaines ont annoncé qu’elles avaient ouvert une enquête sur ces événements meurtriers au bout d’un an et demi, début 2024, et n’ont ensuite communiqué aucun résultat, tandis que les autorités espagnoles continuent de nier la moindre responsabilité officielle.
« Il est scandaleux que deux ans après la répression meurtrière à la frontière de l’enclave de Melilla, les familles de plus de 70 personnes manquant à l’appel doivent continuer à se battre pour obtenir des réponses sur ce qui est arrivé à leurs proches sous la responsabilité des forces de sécurité marocaines et espagnoles. À ce jour, les autorités marocaines et espagnoles continuent de s’abstenir de garantir qu’une enquête transparente et efficace permette aux familles des victimes d’avoir accès à la vérité, à la justice et à des réparations. Elles ne doivent plus être autorisées à dissimuler cette tragédie », a déclaré Amjad Yamin, directeur régional adjoint pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
En juin 2023, le Comité des Nations unies contre la torture a souligné l’absence d’enquête digne de ce nom sur les événements meurtriers de juin 2022, exhortant l’Espagne à enquêter dans les meilleurs délais sur la responsabilité des forces de sécurité pendant les événements et à prendre des mesures pour s’assurer que cela ne se reproduise pas.
Jusqu’à présent, les autorités espagnoles ont nié avoir commis le moindre acte répréhensible et ont continué à procéder à des expulsions collectives illégales pour renvoyer de force des personnes aux frontières.
À ce jour, les autorités marocaines et espagnoles continuent de s’abstenir de garantir qu’une enquête transparente et efficace permette aux familles des victimes d’avoir accès à la vérité, à la justice et à des réparations. Elles ne doivent plus être autorisées à dissimuler cette tragédie
Amjad Yamin, Amnesty International
Ces dernières semaines, la branche de Nador de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) a signalé que les autorités avaient procédé à des inhumations secrètes de certaines des personnes tuées. L’organisation a déclaré avoir recensé un certain nombre de corps récupérés à la morgue de l’hôpital Al Hasani et emmenés au cimetière de Sidi Salem en présence des forces de sécurité. Au moins 13 corps ont été enterrés entre le 6 et le 12 juin.
Ces dépouilles ont été ensevelies dans des tombes anonymes, n’affichant que la date de l’enterrement, le numéro de série du cimetière et le sexe de l’individu.
Le président de l’organisation, Omar Naji, a déclaré à Amnesty International qu’il s’était rendu au cimetière de Sidi Salem pour enquêter et recueillir des informations.
« Nous pensons que cela a commencé début juin. Selon nos informations, le 6 juin, ils ont enterré huit des personnes décédées lors de l’opération menée par les gardes-frontières espagnols et marocains en 2022, et le 12 juin, cinq autres hommes ont été enterrés », a-t-il déclaré.
« Les informations selon lesquelles les autorités marocaines procèdent à des enterrements secrets de restes non identifiés de migrants et de réfugiés tués lors des événements meurtriers de juin 2022 sont profondément alarmantes. Au lieu de continuer à cacher la vérité, les autorités doivent assurer une transparence totale et révéler le sort réservé à toutes les personnes portées disparues et le lieu où elles se trouvent, notamment les causes du décès de celles qui ont été enterrées. Elles doivent de toute urgence permettre aux familles d’identifier les corps et charger des experts indépendants d’effectuer des analyses médicolégales », a déclaré Amjad Yamin.
En juin 2024, Amnesty International s’est entretenue avec les familles de trois migrants et réfugiés soudanais disparus qui avaient perdu le contact avec leurs proches entre le début et la mi-juin 2022. Au moins un décès a été confirmé. Les deux autres personnes manquent toujours à l’appel.
Mahdi Abdallah Mohamed, originaire du Soudan, a décrit à Amnesty International son combat continu afin de découvrir ce qui est arrivé à son frère disparu, Mohamed Abdallah Abderahmane Abdallah. Il a été en contact avec lui pour la dernière fois le 14 juin 2022.
« La tâche est ardue, et chaque [personne] nous raconte une histoire différente », a-t-il déclaré. « Je ne sais toujours pas si mon frère est mort ou emprisonné et je ne suis pas le seul […] Il y a beaucoup de familles dans cette situation. »
Maryem Babekr Mohamed Idriss a déclaré qu’elle s’était entretenue pour la dernière fois avec son frère, Ahmed Babekr Mohamed Idriss, âgé de 26 ans, le 7 juin 2022. Il lui a dit qu’il se préparait à traverser les frontières quelques jours plus tard avec d’autres personnes. Après le 24 juin, elle a perdu sa trace.
« Le 24 juin, la branche de Nador de l’Association marocaine des droits de l’homme a indiqué sur sa page Facebook qu’il avait été vu dans un hôpital local et qu’il était blessé à la jambe. Nous sommes depuis lors sans nouvelle de lui, et nous n’avons pas pu le retrouver, que ce soit dans un hôpital ou une prison. »
Taycir Mounir Khamis, sœur d’Abd El Baset Mounir Khamis, a déclaré qu’elle avait découvert que son frère avait disparu lorsque l’un de ses amis avait diffusé la nouvelle sur un réseau social en octobre 2022. La famille s’est ensuite rendue au Maroc et a trouvé son corps à la morgue d’un hôpital de Nador.
« Après cela, j’ai commencé à le chercher moi-même, à recueillir des informations afin de déterminer s’il était mort, ou en prison au Maroc. Après un certain temps, nous avons établi qu’il était mort, que son corps était conservé à la morgue dans un hôpital de Nador. Nous avons rencontré de nombreuses difficultés lors de nos recherches », a-t-elle déclaré.
Amnesty International demande aux autorités marocaines de veiller à ce que les familles à la recherche de proches puissent obtenir des informations, identifier les corps et rapatrier la dépouille de quiconque n’a pas encore été enterré.
Le fait que les autorités marocaines n’aient pris aucune mesure pour enquêter sur les actes répréhensibles des forces de sécurité le jour de ces homicides à Melilla contraste fortement avec la façon dont elles ont traité les personnes qui ont tenté de franchir la frontière ce jour-là.
Selon l’AMDH, au moins 86 des personnes qui ont tenté de franchir la frontière pour se rendre en Espagne ont été poursuivies et condamnées à des peines allant jusqu’à trois ans de prison. Amnesty International a précédemment déploré le fait que certains des rescapés ont fait l’objet de procès iniques.
« Il est absolument inacceptable qu’au lieu de la vérité et de l’établissement des responsabilités, les rescapés et les proches des personnes tuées n’aient connu qu’injustice après injustice. Les autorités marocaines et espagnoles doivent se conformer de toute urgence à leurs obligations juridiques en vertu du droit international, notamment en prenant des mesures pour que des pertes humaines aussi effroyables et de tels préjudices ne se reproduisent plus », a ajouté Amjad Yamin.
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