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Nigeria. La police a fait usage d’une force excessive pour réprimer violemment les manifestations #Endbadgovernance

  • Au moins 24 manifestant·s tués
  • Plus de 1 200 manifestant·s, dont des mineur·s, arrêtés

La police nigériane a eu recours à une force excessive contre les manifestant·e·s lors du mouvement national #Endbadgovernance (« Mettre fin à la mauvaise gouvernance ») qui a eu lieu du 1er au 10 août 2024, faisant au moins 24 morts dans les États de Borno, Kaduna, Kano, Katsina, Jigawa et Niger, écrit Amnesty International dans une synthèse publiée le 28 novembre.

Ce document intitulé “Bloody August: Nigerian Government’s Violent Crackdown on #Endbadgovernance Protests” expose la violente répression des manifestations pacifiques organisées contre la corruption endémique et les difficultés économiques. Parmi les victimes figurent 20 jeunes, une personne âgée et deux mineur·e·s.

Dans tous les cas, les victimes se sont fait tirer dessus par la police, à balles réelles et à bout portant, souvent au niveau de la tête ou du torse, ce qui laisse à penser que les policiers tiraient pour tuer. Deux personnes ont été blessées au bras et aux jambes par des tirs de la police, tandis que d’autres ont été asphyxiées par l’utilisation sans discernement de gaz lacrymogènes.

« Les Nigérian·e·s ont assisté à une incroyable anarchie, les forces de sécurité tirant à balles réelles sur des manifestations pacifiques. Le bilan pourrait être supérieur à 24 morts, au regard des efforts désespérés déployés par les autorités pour dissimuler ces atrocités. Manifester pacifiquement contre la politique du gouvernement est désormais une question de vie ou de mort au Nigeria, a déclaré Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria.

« Les autorités nigérianes doivent demander des comptes à la police et aux forces de sécurité pour le recours à la force meurtrière contre des personnes qui ne constituaient pas une menace imminente pour la vie. Il est choquant que la police ait fermement nié tout acte répréhensible malgré les preuves publiques du contraire, ce qui témoigne de son mépris total pour le caractère sacré de la vie humaine. Le président Bola Tinubu doit ordonner la tenue d’une enquête indépendante et impartiale sur les violations des droits humains perpétrées dans le cadre des manifestations #Endbadgovernance. »

Les Nigérian·e·s ont assisté à une incroyable anarchie, les forces de sécurité tirant à balles réelles sur des manifestations pacifiques. Le bilan pourrait être supérieur à 24 morts, au regard des efforts désespérés déployés par les autorités pour dissimuler ces atrocités.

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria

À Kano, 12 personnes ont été tuées à Rijiyar Lemo et Kofar Nasarawa. Dans l’État de Jigawa, on recense trois morts à Hadejia, tandis que dans l’État de Katsina, une personne a été tuée à Kofar Sauri. Dans l’État de Kaduna, un mineur a été tué par un soldat à Zaria, tandis que la police a fait un mort à Kaduna. À Maiduguri, trois personnes sont mortes à la station-service A.A. Kime, à Bolori Junction. Dans l’État du Niger, on recense au moins trois morts le long de la voie rapide Abuja-Kaduna.

Entre le 12 et le 17 août 2024, Amnesty International a mené des recherches sur le terrain dans les États de Kano, Katsina et Jigawa. Les éléments de preuve ont été recueillis à partir de vidéos et de photographies, ainsi que de récits de témoins directs, de professionnel·le·s de santé et de parents, amis et connaissances des victimes sur place.

D’après des témoins directs, les manifestations à Kano, Dutse, Katsina et Minna étaient en grande partie pacifiques lorsqu’elles ont débuté dans la matinée du 1er août, mais l’ambiance a brusquement changé lorsque la police a attaqué les manifestant·e·s en tirant à balles réelles et en lançant des gaz lacrymogènes. L’usage excessif de la force par la police contre les manifestants est contraire aux normes internationales relatives aux droits humains, notamment aux Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois.

Ceux qui ont exprimé leur soutien aux manifestations sur les réseaux sociaux ont été pris pour cibles et beaucoup ont été arrêtés arbitrairement par la police ou le Département des Services de l’État (DSS).

Khalid Aminu a été arrêté par le Département des Services de l’État (DSS) à Kaduna en marge de la manifestation. Il a déclaré : « J’ai été torturé pendant plus de 60 jours, et ce dès le moment de mon arrestation. Les agents du DSS m’ont frappé, ainsi que d’autres manifestants, à coups de bâtons et de câbles métalliques. Ils m’ont aspergé d’eau. Je ne me suis pas encore complètement remis de ces horreurs. » Michael Adaramoye (plus connu sous le nom de Lenin) a été détenu pendant deux mois pour avoir participé à la manifestation à Abuja.

Malgré des preuves accablantes, notamment des récits de témoins, des vidéos, des dossiers médicaux, des témoignages de parents de victimes, ainsi que des photos, la police nie toujours toute implication dans les homicides, les qualifiant de « fausses nouvelles » ou les attribuant à des « tireurs inconnus ».

« Les forces de police nigérianes ont pour habitude de nier les homicides de manifestant·e·s, ce qui sape la confiance, perpétue l’impunité et exacerbe le cycle de la violence. Cela ajoute également à la détresse des parents qui ont perdu des êtres chers, a déclaré Isa Sanusi.

La répression brutale du mouvement #Endbadgovernance illustre clairement l’incapacité des autorités nigérianes à respecter le droit à la liberté de réunion et d’expression

Isa Sanusi, directeur d’Amnesty International Nigeria

« La répression brutale du mouvement #Endbadgovernance illustre clairement l’incapacité des autorités nigérianes à respecter le droit à la liberté de réunion et d’expression. Qu’il s’agisse de limiter illégalement les rassemblements à certains lieux à Abuja, Lagos et Port Harcourt ou d’attaquer des journalistes, la police nigériane montre une fois de plus que son attitude à l’égard des droits humains n’a pas changé. »

Le droit international dispose clairement que les forces de sécurité chargées du maintien de l’ordre lors de manifestations ne doivent pas utiliser d’armes à feu contre les manifestants, sauf en cas de risque imminent de mort ou de blessure grave, et seulement s’il n’y a pas d’autre moyen d’écarter cette menace. Les forces de l’ordre ne doivent jamais faire usage d’armes à feu pour disperser une manifestation, même lorsque celle-ci devient violente. Les armes à feu ne doivent jamais être utilisées comme outil tactique pour gérer les manifestations sauf – unique et rare exception – lorsqu’une vie est en jeu.

Les autorités nigérianes doivent mener une enquête approfondie, indépendante, impartiale, transparente et efficace sur toutes les allégations de violations et d’atteintes aux droits humains en lien avec le mouvement #EndBadGovernance. Elles doivent identifier les responsables présumés et les traduire en justice dans le cadre de procès équitables.

« Les autorités nigérianes doivent mettre fin à ce cycle d’impunité et faire en sorte que justice soit rendue aux victimes. La répression meurtrière des manifestations pacifiques doit cesser, conformément aux obligations juridiques nationales et internationales incombant au Nigeria », a déclaré Isa Sanusi.



Complément d’information

Du 1er au 10 août, les Nigérian·e·s sont descendus dans la rue pour protester pacifiquement contre la hausse du coût de la vie et la corruption endémique. Le gouvernement s’est efforcé de prévenir les manifestations, et a pris des mesures désespérées pour punir les participants. Les forces de police nigérianes ont nié les allégations de recours excessif à la force et rejeté les demandes d’enquête. Plus de 1 200 personnes ont été arrêtées et plus de 146, dont des mineur·e·s, ont été inculpées et accusées de crime de trahison.

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