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Népal. Des mesures urgentes sont nécessaires face à la discrimination liée à l’ascendance systématiquement exercée contre les dalits
- L’État du Népal ne protège pas les dalits ; défiance à l’égard de la police et du système judiciaire
- Des mesures inadéquates et insuffisantes face à la discrimination systématique liée à la caste
- Culture de l’impunité ; les femmes et les filles dalits en danger
Les autorités népalaises ne protègent pas les dalits, en particulier les femmes et les filles dalits, contre la discrimination systématique et généralisée liée à la caste, souligne Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public le 10 mai 2024.
Ce rapport, intitulé “No One Cares”: Descent-Based Discrimination against Dalits, rassemble des informations sur la discrimination systématique liée à la caste au Népal et sur les difficultés que rencontrent les personnes qui la subissent lorsqu’elles veulent accéder à la justice, car les actuelles mesures juridiques et de protection mises en place par les autorités népalaises sont insuffisantes et ne permettent pas de protéger les droits fondamentaux de ces personnes.
« Les mesures adoptées par les autorités népalaises ne sont pas suffisantes pour contrecarrer la culture de l’impunité qui sévit au Népal concernant les violations des droits humains liées à la discrimination fondée sur l’ascendance. Les initiatives prises par les autorités restent inadéquates et insuffisantes, et elles semblent n’exister que sur le papier et n’avoir aucun effet concret sur le quotidien et les droits des dalits, en particulier en ce qui concerne les femmes et les filles dalits », a déclaré Fernanda Doz Costa, directrice du programme sur le genre et la justice raciale à Amnesty International.
Amnesty International a rassemblé des informations sur des cas montrant que, malgré les réformes qui ont été adoptées pour interdire la discrimination liée à la caste, la société népalaise est divisée dans tous les aspects du quotidien et qu’elle fonctionne sur la base du système des castes, qui génère une discrimination et une violence généralisées pour les personnes dalits. Ces personnes continuent de se heurter à de multiples obstacles lorsqu’elles veulent accéder à la justice et elles ne peuvent pas obtenir réparation en raison d’une discrimination institutionnelle qui est également observée au sein de la police.
Le système des castes perpétue la culture de l’impunité
L’impunité est généralisée pour plusieurs raisons, notamment à cause du délai de prescription inadéquat prévu par la Loi de 2011 sur la discrimination fondée sur la caste et l’intouchabilité (infractions et sanctions) (CBDU), du manque de représentation des dalits dans le système judiciaire et d’une institutionnalisation de la discrimination au sein de la police et du système judiciaire, et aussi du fait d’un manque de mécanismes effectifs de contrôle et du non-respect de l’obligation de rendre des comptes.
De manière générale, les dalits n’ont aucune confiance dans la police et dans le système judiciaire, et le nombre restreint de données et de statistiques officielles disponibles (30 à 43 cas seulement ont été enregistrés chaque année par la police au titre de la Loi CBDU) montre que leur méfiance est fondée, notamment en ce qui concerne les femmes dalits confrontées à la violence liée sur la caste. L’inaction ou l’action limitée des autorités népalaises, qui notamment ne veillent pas à ce que les fonctionnaires répondent de leurs actes ni à combler le manque de confiance, renforcent la culture de l’impunité et font savoir à la société que la discrimination ainsi que la violence liées au genre et à la caste sont « acceptables » et « naturelles ».
Les cas intersectionnels de violence fondée sur le genre et sur la caste sont rarement signalés, ce qui perpétue davantage encore la culture de l’invisibilité, du silence et de l’impunité. Dans de nombreux cas, ce sont les victimes dalits et non les responsables non dalits des infractions qui supportent le poids de la honte et de la stigmatisation.
Amnesty International a réuni des informations montrant que quand des cas de discrimination ou de violence liées à la caste sont signalés, la police refuse fréquemment d’enregistrer ces cas pour engager une procédure pénale au titre de la loi, y compris dans les affaires concernant l’intouchabilité, des violences fondées sur le genre ou des viols dont les victimes sont des femmes dalits. La police préfère souvent inciter à une médiation informelle en dehors du cadre judiciaire plutôt qu’initier une enquête pénale et des poursuites, ce qui se traduit par une impunité généralisée.
Le cas d’Angira Pasi
En mai 2020, le corps sans vie d’Angira Pasi, une petite fille dalit âgée de 12 ans, a été retrouvé pendu à un arbre dans le district de Rupandehi, au Népal. Un homme de 25 ans non dalit appartenant à la « caste dominante » avait été accusé de l’avoir violée. Au lieu de porter plainte, la population locale, y compris le responsable local, a décidé qu’Angira Pasi devait épouser l’homme accusé de l’avoir violée, car elle allait autrement être considérée par la suite comme n’étant pas apte à être mariée. La mère et la tante de l’accusé auraient maltraité Angira Pasi en lui disant qu’elle appartenait à la « caste inférieure » et qu’elle ne pouvait donc pas être autorisée à entrer dans leur maison. Elles l’auraient aussi frappée. Deux jours plus tard, Angira Pasi a été retrouvée pendue à un arbre.
La police a dans un premier temps refusé d’enregistrer la plainte que la famille de la victime était allée déposer. À la suite de pressions exercées par la société civile, une plainte a été enregistrée et l’homme mis en cause ainsi que sa mère et sa tante ont été arrêtés en tant que suspects dans cette affaire. Le 12 septembre 2021, le tribunal du district de Rupandehi a déclaré l’accusé coupable de meurtre et l’a condamné à une peine de 18 ans d’emprisonnement. Un recours formé contre la déclaration de culpabilité est en cours d’examen devant la Haute Cour.
Des obstacles à l’accès à la justice
L’accès à la justice est entravé lorsque la police s’abstient d’enregistrer une plainte et d’enquêter efficacement sur ces cas au titre de la Loi CBDU. Comme l’ont signalé des personnes concernées, la police enregistre souvent ces affaires au titre d’autres lois, ce qui a pour effet de minimiser les aspects discriminatoires des infractions et d’atténuer la gravité de la discrimination liée à la caste.
Des cas ont également été signalés où la police n’a pas mené d’enquête exhaustive, impartiale, équitable et en temps opportun sur des décès suspects de membres de la communauté dalit.
Le cas d’Ajit Dhakal Mizar
Le corps d’Ajit Dhakal Mijar, un jeune homme dalit âgé de 18 ans, est conservé à la morgue de l’hôpital de Maharajgunj, au Népal, depuis huit ans, car son père se bat pour obtenir justice.
Le 14 juillet 2016, Ajit Dhakal Mijar, qui avait une relation inter-caste avec une jeune femme non dalit appartenant à la « caste dominante », a été retrouvé sans vie ; le jeune homme est mort dans des circonstances suspectes. La police a immédiatement enregistré ce décès en tant que suicide et il a été déclaré que le corps n’avait pas été identifié. Le corps a été rapidement inhumé par les autorités et la famille n’a pas été avertie.
Le père du jeune homme a constaté des anomalies dans le rapport post-mortem produit par les forces de l’ordre, et cela a éveillé ses soupçons. Il a demandé que le corps soit exhumé et a refusé de procéder aux rites funéraires pour son fils tant qu’il n’aurait pas obtenu justice.
Amnesty International a interviewé le père d’Ajit Dhakal Mijar ainsi que son avocat, qui ont déclaré que la police avait fait preuve d’une négligence délibérée en n’enquêtant pas de façon efficace sur la cause de la mort du jeune homme. Le père d’Ajit Dhakal Mijar a dit que la police avait manifesté son allégeance à l’égard des suspects non dalits et caché la véritable cause du décès. Ils ont l’un et l’autre déclaré que le corps n’avait pas été autopsié et qu’un faux rapport post-mortem avait été produit en tant que preuve. Ils ont aussi déclaré que si la Cour suprême du Népal ordonnait une autopsie, cela permettrait de savoir si le jeune homme s’est pendu ou s’il a été assassiné. Les décisions de juridictions inférieures qui ont acquitté les trois personnes accusées d’être impliquées dans ce décès suspect ont été contestées et l’affaire est toujours en instance devant la plus haute juridiction du pays.
« Personne ne se soucie de ce problème »
Anita Mahara, une femme dalit interviewée par Amnesty International lors de la préparation du rapport, a déclaré qu’apparemment, « personne ne se soucie de ce problème ».
Les allégations, visant la police, de négligence volontaire dans l’exercice de ses fonctions concernant le traitement d’affaires de discrimination basée sur la caste ont amené la Commission du Parlement népalais chargée de la législation, de la justice et des droits humains à exiger depuis 2020 qu’une cellule consacrée aux dalits soit mise en place dans tous les postes de police. Cela a entraîné la création à travers le pays de 86 cellules spéciales de la police qui sont chacune chargées de signaler les cas d’intouchabilité et de discrimination fondée sur la caste, d’enquêter et de coordonner leur action avec les victimes de telles pratiques. L’équipe de recherche d’Amnesty International s’est rendue dans trois postes de police de district dans la province de Madhesh et a constaté que ces cellules chargées des dalits n’étaient pas opérationnelles et qu’elles se réduisaient à un écriteau indiquant « Bureau chargé des dalits ».
Bien qu’il existe quelques protections juridiques encourageantes, l’État ne respecte pas l’obligation qui lui incombe en matière de droits humains de lutter contre la discrimination liée à la caste. La loi qui a été tout spécialement adoptée à cette fin, à savoir la Loi CBDU, n’est pas appliquée de façon effective et ne permet pas de combattre efficacement ce système bien ancré de discrimination basée sur la caste.
Les autorités népalaises doivent mettre en place un plan global permettant de véritablement éradiquer au Népal la violence et la discrimination fondées sur la caste et sur le genre, en se basant sur leurs obligations en matière de droits humains et en adoptant une optique intersectionnelle. Il est urgent que des mesures spéciales soient prises afin d’améliorer la situation des femmes et des filles dalits compte tenu d’un lourd passé intergénérationnel d’oppression et d’une culture bien ancrée de partialité liée à la caste, de patriarcat et de discrimination.
« Le Népal doit respecter son obligation d’octroyer un accès effectif, utile et en temps voulu à la justice ainsi que des réparations pour les victimes. Il doit cesser de n’apporter qu’un soutien de façade au principe d’égalité de toutes les personnes et doit prendre des mesures concrètes et axées sur les droits humains pour éradiquer la discrimination basée sur l’ascendance », a déclaré Fernanda Doz Costa.
Complément d’information
Au Népal et dans de nombreux pays d’Asie du Sud, la discrimination fondée sur l’ascendance se manifeste dans la hiérarchie sociale définie par le système des castes ancré dans l’hindouisme. Les dalits occupent le bas de cette hiérarchie sociale. Le système des castes perpétue au Népal une forme de ségrégation et d’oppression contre les dalits, qui représentent environ 13,8 % de la population. Cette discrimination impacte fortement tous les aspects de leur vie quotidienne, notamment en ce qui concerne l’accès à la terre, l’éducation, les moyens de subsistance, le mariage, les lieux de culte, la sécurité et la santé, ainsi que le droit à la citoyenneté. La discrimination fondée sur l’ascendance recouvre le système des castes et d’autres systèmes analogues liés à un statut hérité des ascendants. Les autorités sont juridiquement tenues de lutter contre toutes les formes de discrimination basée sur la caste, y compris lorsqu’elle est exercée par des particuliers, conformément aux dispositions du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes.
La Constitution népalaise garantit les principes d’égalité et de non-discrimination. De plus, la Loi CBDU accorde aux dalits au Népal le droit à l’égalité et le droit de vivre dans la dignité, et elle interdit l’intouchabilité ainsi que la discrimination fondée sur les castes.
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