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Opacité française sur les ventes d’armes : deux ONG et un média saisissent la justice
Berlin/Paris, le 23 septembre 2021. Aujourd’hui, Amnesty International France, le Centre Européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) et le média d’investigation Disclose saisissent le Tribunal administratif de Paris afin d’enjoindre à l’administration des douanes de communiquer les documents sur l’exportation de matériels de guerre, y compris de maintenance et de formation, de la France notamment vers l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU).
C’est la première fois en France que la juridiction administrative est saisie pour contester le refus de communication de documents douaniers relatifs à des ventes d'armes en lien avec le conflit au Yémen. Compte tenu du risque considérable que des armes françaises soient utilisées pour la commission de graves violations du droit international humanitaire contre les populations civiles au Yémen, les ONG et le média Disclose soulignent que le refus de communiquer ces informations douanières constitue une atteinte disproportionnée au droit fondamental du public de recevoir les informations nécessaires à l’exercice d’un débat public légitime et démocratique, droit inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.
Les ONG requérantes sont accompagnées dans cette procédure par l’organisation Riquest, qui promeut le droit à la liberté d’expression et l’accès à l’information.
La requête se fonde sur le droit d’accès aux documents administratifs inscrit dans la loi.
Les organisations font suite au silence écrasant opposé par l’administration des douanes et la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à leurs sollicitations d’informations détenues par les douanes sur les quantités, dates et destinations finales de certains matériels de guerre “made in France”, dont il est établi qu’ils sont utilisés dans le conflit au Yémen. Parmi ces matériels, on retrouve : des avions Mirage 2000-9 (produits par l’industriel Dassault), des missiles Storm Shadow (produits par MBDA France et Angleterre), des pods Damocles et Talios (produits par la société Thales) et des canons Caesar (produits par l’industriel Nexter).
Malgré les preuves accablantes des attaques commises par la Coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les EAU au Yémen depuis 2015 contre les populations et infrastructures civiles, la France continue de livrer des matériels de guerre et à fournir maintenance et formation à ces pays. Le Traité sur le commerce des armes – de même que le droit européen et français – interdisent strictement ces exportations dès lors qu’il existe un risque qu’elles facilitent la commission de crimes de guerre. Pourtant, la France a livré pour plus de 8 milliards d’euros de matériels de guerre sur la période 2015-2020 à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis.
Ce manque de transparence est un obstacle majeur au contrôle à la fois parlementaire, judiciaire et démocratique sur les exportations d’armes françaises. Sans accès à une information suffisamment précise et fiable, aucun contrôle n’est possible sur le respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits humains.
Ainsi, c’est grâce au travail d’investigation de Disclose en 2019 que l’opinion publique et la représentation nationale ont découvert l’utilisation de plusieurs armes françaises dans le conflit au Yémen. Ces révélations ont mis en lumière les mensonges d’Etat du gouvernement sur l’utilisation d’armes françaises dans ce conflit. C’est dans ce contexte qu’Amnesty International France, soutenue par des dizaines de milliers de citoyens, a lancé sa campagne “Silence, on arme” demandant au ministère des Armées beaucoup plus de transparence sur ses exportations de matériel militaire.
Une étude réalisée par Harris Interactive en 2021 révèle que trois Français sur quatre souhaitent plus de transparence et de contrôle de la part des autorités françaises et estiment que la France devrait suspendre ses exportations d’armes vers les pays impliqués dans des guerres civiles, comme dans le cas du Yémen. 72 % d’entre eux estiment également que le commerce des armes de la France devrait faire l'objet d'un débat public.
Alors que la France doit prendre la présidence de l’UE le 1er janvier 2022, le respect de ses engagements internationaux, notamment en matière de droits humains et de respect de la liberté d’accès à l’information du public, engage sa crédibilité tant à l’international qu’auprès des citoyens français. Selon la Convention européenne des droits de l’homme, toute atteinte à ce droit doit être strictement proportionnée, justifiée et légitime.
Le secret, quel qu'il soit, ne peut plus servir d'excuse inconditionnelle à l'Etat pour s'opposer à la communication d'informations indispensables à un débat public libre et informé sur les ventes d'armes de la France.
Complément d'information
En décembre 2019, l’ECCHR et l’ONG yéménite Mwatana for Human Rights ont soumis, avec le soutien d’Amnesty International et de trois autres ONG, une Communication (suivant l’article 15 du Statut de Rome) de plus de 350 pages au bureau de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI). Les organisations ont fourni des éléments de preuve et demandé l’ouverture d’une enquête préliminaire par la CPI sur la complicité présumée de hauts dirigeants d’entreprise et de gouvernements européens dans de possibles crimes de guerre commis par la Coalition au Yémen. La Communication documente les exportations de la France, notamment par les entreprises Dassault, Thalès, MBDA France, et demande l’ouverture d’une enquête sur leur complicité présumée dans 26 frappes aériennes qui ont auraient illégalement tué ou blessé des civils et détruit ou endommagé des écoles, des hôpitaux et d’autres biens protégés.
Enquête Harris Interactive sur les exportations d'armement.
Contacts:
Amnesty International France : Gaël Grilhot ([email protected], 06 24 79 58 86) et Sarah Mouheb ([email protected], 06 76 94 37 05)
Disclose : Geoffrey Livolsi, [email protected]
ECCHR : Maria Bause, [email protected] - +49 30 69819797
Riquest : Jean-Philippe Foegle, [email protected]
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