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Thaïlande. Un militant autochtone Montagnard ne doit pas être extradé au Viêt-Nam, où il risque d’être torturé
Les autorités thaïlandaises ne doivent pas renvoyer de force un militant des droits humains, autochtone Montagnard et Edê, au Viêt-Nam, où il risque fortement d’être soumis à la torture, a déclaré Amnesty International à l’approche de l’audience relative à son extradition qui doit avoir lieu la semaine prochaine.
Y Quynh Bdap, réfugié reconnu par l’ONU qui se trouve en Thaïlande depuis 2018, a été arrêté par les autorités thaïlandaises pour « dépassement » de visa à Bangkok le 11 juin 2024, à la suite d’une demande d’extradition déposée par les autorités vietnamiennes.
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères aurait déclaré que cette demande découlait de la condamnation d’Y Quynh Bdap par un tribunal vietnamien à 10 ans d’emprisonnement pour des accusations de terrorisme, en janvier 2024.
« Les autorités vietnamiennes mènent depuis longtemps une politique de persécution violente et raciste à l’égard de la population indigène des Montagnards. La Thaïlande ne doit pas céder aux tentatives flagrantes de répression transnationale du Viêt-Nam, a déclaré Chanatip Tatiyakaroonwong, spécialiste de la Thaïlande à Amnesty International.
« Les tribunaux vietnamiens ne sont pas indépendants. Y Quynh Bdap a été jugé et déclaré coupable d’accusations de terrorisme par contumace, en violation flagrante de son droit à un procès équitable. »
Y Quynh Bdap appartient au groupe ethnique Edê, l’un des groupes de Montagnards des hauts plateaux du centre du Viêt-Nam. En tant que co-fondateur de Montagnards Stand for Justice, il a joué un rôle important dans la défense des droits fondamentaux, notamment des droits des Montagnards, en dénonçant la persécution religieuse que subit sa communauté.
Il est l’un des six membres du peuple autochtone des Montagnards que les autorités vietnamiennes ont inculpé de terrorisme en vertu de l’article 299 du Code pénal vietnamien, pour avoir attaqué un bureau du gouvernement en juin 2023 dans la province de Dak Lak au Viêt-Nam.
Selon l’agence de presse officielle du Viêt-Nam, il est recherché pour son implication présumée dans cette attaque qui a coûté la vie à neuf personnes, dont des policiers de la Commune. Y Quynh Bdap, actuellement incarcéré au centre de détention provisoire de Bangkok en Thaïlande, dément ces accusations. L’audience consacrée à son extradition débute le 15 juillet 2024.
« Les autorités vietnamiennes ciblent clairement les minorités ethniques et religieuses telles que les Montagnards, ce qui équivaut à une persécution, a déclaré Chanatip Tatiyakaroonwong.
« Si Y Quynh Bdap est renvoyé au Viêt-Nam, il est fort probable qu’il sera torturé et poursuivi en vertu de lois antiterroristes détournées. La Thaïlande ne peut pas le renvoyer au Viêt-Nam en sachant ce qui va lui arriver. »
Le long combat des Montagnards pour la justice
Les autorités vietnamiennes répriment systématiquement les minorités ethniques et religieuses exerçant leur droit à la liberté d’expression et de réunion, en particulier les membres de groupes religieux indépendants qui ne sont pas reconnus officiellement par le gouvernement.
Amnesty International s’est entretenue avec un certain nombre de Montagnards qui avaient quitté la région de Dak Lak ou s’y trouvaient encore après l’attaque de juin 2023. Certains ont raconté avoir fui le pays après avoir été arrêtés arbitrairement et torturés par des policiers, et ont souvent dû franchir des frontières illégalement, la nuit et à travers la forêt. D’autres ont décrit un confinement total appliqué dans toute la province pendant des mois à l’encontre des Montagnards.
En 2023, un réfugié Montagnard a raconté à Amnesty International qu’il avait été arrêté par la police et traîné dans une pièce sombre, où on lui avait injecté une substance inconnue et où il était resté enfermé pendant deux jours. Durant ces deux jours, des policiers entraient dans la pièce pour l’interroger sur l’attaque, le frappant sur les jambes, l’épaule, les mains et la tête à coups de matraque en caoutchouc.
« J’ai perdu connaissance, j’ai eu des vertiges et je n’avais aucun moyen de revenir à la normale, jusqu’au jour où ils m’ont libéré. J’étais perdu face à tout ce qui se passait », a déclaré le réfugié Montagnard.
Lors d’un entretien avec Amnesty International en novembre 2023, Y Quynh Bdap a déclaré qu’il avait été emmené au poste de police et torturé en 2010.
Torture et mauvais traitements dans les prisons du Viêt-Nam
Bien qu’il ait ratifié la Convention des Nations unies contre la torture en 2015, le gouvernement vietnamien n’a pris aucune mesure ou presque pour faire changer les choses et continue de torturer ses prisonniers. Dans un rapport de 2016 intitulé Prisons within Prisons: Torture and ill-treatment of prisoners of conscience in Viet Nam, Amnesty International exposait la torture et les mauvais traitements commis de manière systématique par les autorités dans les prisons vietnamiennes contre des militants et des prisonniers d’opinion, dont des membres de minorités ethniques et autochtones.
Dar (pseudonyme), un Montagnard arrêté en 2008, désormais libéré, a été maintenu à l’isolement dans une toute petite cellule pendant les 10 premiers mois de sa détention. Selon son témoignage, il a été frappé à coups de bâtons et de tubes en caoutchouc, s’est vu asséner des coups de poing, de pied et des décharges électriques, et ses jambes ont été brûlées avec du papier allumé. Parfois, des policiers le suspendaient par les bras, puis le frappaient jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
En mars 2021, Amnesty International a également reçu des informations selon lesquelles Nguyễn Văn Đức Độ, un militant qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison, a été maintenu à l’isolement pendant plus de 300 jours, ce qui équivaut à de la torture au regard du droit international. Au cours de la phase initiale de son isolement, il a déclaré que les autorités pénitentiaires lui avaient enchaîné les deux jambes pendant 10 jours consécutifs et lui avaient donné de l’eau sale et de la nourriture mélangée à des excréments humains.
La Thaïlande doit respecter le droit international
La Thaïlande a l’obligation de respecter le droit international et les normes internationales, y compris les principes de non-refoulement et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En tant qu’État partie à cette Convention, la Thaïlande ne doit pas renvoyer des personnes dans un autre État où de solides éléments portent à croire qu’elles risqueraient d’être soumises à la torture.
Ce principe est également inscrit dans la Loi relative à la prévention et à la répression de la torture et des disparitions forcées, entrée en vigueur en Thaïlande en février 2023. L’article 13 de cette Loi dispose : « Aucune organisation gouvernementale ni représentant de l’État n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou à une disparition forcée. »
« Le cas d’Y Quynh Bdap illustre clairement la volonté des autorités vietnamiennes d’exercer leur répression contre les défenseurs des droits humains même au-delà de leurs frontières, a déclaré Chanatip Tatiyakaroonwong.
« La Thaïlande doit respecter ses obligations internationales et nationales s’agissant de prévenir le refoulement des personnes cherchant refuge dans le pays et ne doit pas les renvoyer de force vers des lieux où elles risquent d’être victimes de graves violations des droits humains.
« Les autorités thaïlandaises doivent libérer Y Quynh Bdap immédiatement, mettre fin à sa procédure d’extradition et assurer sa protection et celle des autres minorités autochtones et religieuses qui fuient des situations de persécution au Viêt-Nam et se rendent en Thaïlande. »
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