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Tunisie. Les autorités intensifient leur répression contre les médias et la liberté d’expression

Les autorités tunisiennes ont intensifié leur répression contre les médias et la liberté d’expression ces dernières semaines, en condamnant deux journalistes et un fondateur de média à des peines de prison, en procédant à l’arrestation d’une autre figure médiatique et en intimidant des médias privés, ont déclaré aujourd’hui Amnesty International et Human Rights Watch. Les autorités devraient immédiatement remettre en liberté les personnes détenues et abandonner toute poursuite pour l’expression d’opinions, droit protégé par le droit international des droits humains.

À l’approche de la première élection présidentielle en Tunisie depuis la prise de pouvoir du président Kaïs Saïed en juillet 2021, scrutin qui devrait avoir lieu à l’automne, les autorités tunisiennes ont intensifié leur répression de la liberté d’expression en vertu du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité ainsi que d’autres mesures et lois archaïques. Simultanément, elles ont attaqué les organisations de la société civile, en particulier celles qui défendent les droits des personnes migrantes et des réfugiées dans le contexte de l’accord migratoire européen, conduisant à un rétrécissement sans précédent de l’espace civique depuis la révolution de 2011.

« En s’attaquant aux journalistes et à d’autres figures médiatiques, le gouvernement de Kaïs Saïed s’apprête à enfoncer le dernier clou dans le cercueil de l’espace civique tunisien », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. « Après avoir fragilisé le système judiciaire, emprisonné plusieurs dizaines d’opposant·e·s et de détracteurs et attaqué les organisations de la société civile, Kaïs Saïed s’en prend désormais aux médias. »

« Les autorités tunisiennes annihilent méthodiquement les derniers acquis de la révolution de 2011 : la liberté d’expression et la liberté de la presse », a déclaré Herba Morayef, directrice d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « À la veille des élections, le gouvernement devrait veiller à ce que tous les Tunisiens et Tunisiennes puissent exprimer librement leurs opinions sans crainte de représailles et à ce que les médias indépendants puissent faire leur travail et diffuser des débats ouverts, sans être harcelés ou intimidés. »

Selon le décompte de Human Rights Watch et d’Amnesty International, plus de 70 personnes, dont des opposant·e·s politiques, des avocat·e·s, des journalistes, des militant·e·s, des défenseur·e·s des droits humains et des utilisateurs et utilisatrices des réseaux sociaux, ont fait l’objet de poursuites arbitraires depuis fin 2022. Au moins 40 restent en détention arbitraire en mai 2024, la plupart d’entre eux étant détenus dans le cadre de l’exercice de leurs droits protégés au niveau international.

Les autorités tunisiennes annihilent méthodiquement les derniers acquis de la révolution de 2011 : la liberté d’expression et la liberté de la presse.

Heba Morayef, Amnesty International

Le 22 mai, le tribunal de première instance de Tunis a condamné Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi, tous deux des journalistes célèbres, à un an de prison en vertu de l’article 24 du décret-loi 2022-54, dans des affaires distinctes. Le lendemain, le même tribunal a condamné un fondateur de média et militant des droits numériques à neuf mois de prison avec sursis pour s’être exprimé en ligne, après l’avoir détenu pendant 11 jours.

Les forces de sécurité tunisiennes ont arrêté Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi séparément dans la soirée du 11 mai. D’après le rapport de police consulté par Human Rights Watch et Amnesty International, M. Bsaies, qui présente deux émissions-débats aux heures de grande écoute sur des chaînes de télévision et de radio privées, a été interrogé sur ses déclarations à la radio et à la télévision entre 2020 et 2023, dont des commentaires sur la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature par le président Kaïs Saïed en février 2022. Il a également été interrogé sur des publications sur les réseaux sociaux que la police considérait comme critiques à l’égard du président Kaïs Saïed. Ghazi Mrabet, l’avocat de M. Zeghidi, a déclaré que la police l’avait interrogé sur ses déclarations dans neuf séquences vidéos datant de février à avril 2024 ; ainsi que sur une de ses publications sur Facebook, dans laquelle il affichait son soutien au journaliste d’investigation, Mohamed Boughalleb, qui purge une peine de six mois de prison pour avoir remis en cause ouvertement les dépenses publiques d’un ministère.

Le 11 mai, Sonia Dahmani, avocate, chroniqueuse et collègue de Borhen Bsaies et Mourad Zeghidi dans l’« Émission Impossible », émission quotidienne et populaire de la radio privée IFM, a également été arrêtée en vertu du décret-loi 2022-54. Des dizaines de membres des forces de sécurité, cagoulés et en civil, ont envahi le siège du barreau tunisien et l’ont arrêtée pour des propos sarcastiques tenus sur la chaîne de télévision privée Carthage+ le 7 mai, remettant en question l’affirmation selon laquelle des migrants noirs africains chercheraient à s’installer en Tunisie. Le 13 mai, un juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis a ordonné sa détention provisoire et le 20 mai, le même juge a rejeté une demande de libération présentée par les avocats de Sonia Dahmani. Cette dernière fait l’objet d’une enquête dans deux affaires distinctes au titre du décret-loi 2022-54 pour d’autres déclarations publiques, sur la base de plaintes déposées par la Direction générale des prisons et la ministre de la Justice.

Des agents cagoulés s’en sont également pris aux correspondant·e·s de France 24, Maryline Dumas et Hamdi Tlili, qui retransmettaient en direct l’arrestation de Sonia Dahmani, et ont brisé leur caméra. Hamdi Tlili a été brièvement arrêté et passé à tabac.

Le décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité, promulgué par le président Kaïs Saïed en septembre 2022, viole le droit à la vie privée et prévoit des peines sévères pour des infractions relatives à l’expression définies de manière extensive et vague. Les autorités ont fréquemment utilisé l’article 24 de ce décret pour étouffer la dissidence. L’article 24 prévoit une peine de cinq ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 50 000 dinars tunisiens (environ 16 000 dollars) pour l’utilisation des réseaux de télécommunications pour produire, envoyer ou diffuser de « fausses nouvelles » ou des « rumeurs » ; nuire, diffamer ou inciter à la violence contre autrui ; ou pour porter atteinte à la sécurité publique ou à la défense nationale, semer la peur ou inciter à la haine. La peine est doublée si l’infraction vise un « agent public ou assimilé ».

Les autorités tunisiennes devraient abroger le décret-loi 2022-54, ainsi que les dispositions vagues ou trop générales contenues dans d’autres codes préexistants également utilisés pour criminaliser la liberté d’expression, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch.

Faisant une allusion indirecte aux récentes arrestations, Kaïs Saïed a déclaré le 15 mai lors d’une réunion avec sa ministre de la Justice que « ceux qui dénigrent leur pays dans les médias… ne peuvent rester impunis et devront rendre des comptes ». Entre le 13 et le 16 mai, au moins trois responsables de médias privés ont été convoqués dans le cadre de diverses enquêtes, selon ces médias eux-mêmes. Parmi eux, le directeur d’IFM, interrogé sur la ligne éditoriale de la radio ; le rédacteur en chef de Diwan FM, qui a déclaré avoir été interrogé sur des propos tenus en 2020 ; et un cadre de Carthage+.

En 2023, Zied el-Heni, ancien journaliste de l’« Émission Impossible », licencié depuis, a été arrêté en juin, puis de nouveau en décembre, dans deux affaires distinctes en lien avec des propos critiques qu’il avait tenus à l’antenne. Le 10 janvier 2024, il a été condamné à six mois de prison avec sursis en vertu de l’article 86 du Code des télécommunications pour avoir « porté atteinte » à la ministre du Commerce, a déclaré son avocat Ayachi Hammami à Human Rights Watch et Amnesty International.

L’article 86 du Code des télécommunications, que les autorités ont longtemps invoqué pour étouffer la liberté d’expression, prévoit une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison.

Mohamed Boughalleb, un autre journaliste, est détenu depuis le 22 mars après s’être interrogé, en février et mars derniers, sur sa page Facebook et sur les radios Carthage+ et Cap FM, sur la taille des délégations du ministre des Affaires religieuses lors de ses déplacements officiels à l’étranger, a déclaré son avocat Anas Kaddoussi à Human Rights Watch. Le 17 avril, Mohamed Boughalleb, poursuivi en justice par une responsable du ministère des Affaires religieuses, a été condamné à six mois de prison pour diffamation à l’encontre d’un responsable en vertu de l’article 128 du Code pénal. Depuis le 5 avril, Mohamed Boughalleb est détenu dans le cadre d’une affaire distincte liée au décret-loi 2022-54, également en lien avec des déclarations publiques, a précisé Anas Kaddoussi.

La journaliste Chadha Hadj Mbarek est détenue depuis le 20 juillet 2023 pour son travail pour la société de production de contenus numériques Instalingo. Chadha Hadj Mbarek, dont le rôle principal était de produire du contenu lifestyle pour une page Facebook, a été accusée d’« atteinte à la sécurité extérieure » en vertu de l’article 61-bis du Code pénal tunisien, a indiqué à Human Rights Watch son avocat, Malek Ben Amor.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est un État partie, protège les droits à la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion pacifique. La Tunisie est également tenue, en vertu du PIDCP et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de respecter le droit à un procès équitable. 

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