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Explosion d'une mine, port de Mocha / Yémen. 20/01/2017

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Ventes d’armes françaises à la coalition militaire engagée au Yémen : la justice administrative verrouille tout accès à l’information

Le tribunal administratif de Montreuil a rendu un jugement à la fois inédit et préoccupant, contre lequel nos organisations ont décidé de se pourvoir en cassation. Le 19 juillet, le tribunal a rejeté en bloc une requête  d’Amnesty international France, du Centre pour les droits humains et constitutionnels (ECCHR) et de Disclose demandant l’accèsaux documents douaniers sur les exportations de matériels de guerre vers l’Arabie Saoudite, l’Egypte et les Emirats arabes unis. Trois pays qui pourraient avoir utilisé ces équipements en provenance de la France pour commettre des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité au Yémen.

A la suite d’une longue procédure judiciaire initiée il y a quatre ans par nos associations, le tribunal a également refusé de transmettre au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) inédite. Cette QPC a été soumise par nos associations et porte, justement, sur la conformité à la Constitution des textes instituant les multiples secrets invoqués par le ministre chargé des Comptes publics. Ces secrets visent à empêcher, de manière systématique, l’accès à des informations d’intérêt général sur les ventes d’armes de la France. Face à cette opacité organisée et contre laquelle le tribunal administratif n’a rien trouvé à redire, nos trois organisations ont décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. 

Dans une motivation expéditive face à la gravité des enjeux, et sans même considérer la possibilité formulée par Amnesty international France, l’ECCHR et Disclose de communiquer les documents expurgés des informations sensibles ou de  saisir la Commission du Secret de la Défense Nationale, le juge invoque la nécessité de protéger toute une série de secrets : le secret défense, celui de la conduite de la politique extérieure de la France, celui des affaires et le secret professionnel dû par les agents douaniers. Il estime en effet que les secrets prévus par le législateur sont justifiés par les exigences “constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation et l'intégrité du territoire.” Dans le même temps, pourtant, le tribunal reconnaît que les « associations participent au débat public en produisant des informations relatives aux atteintes aux droits humains, lesquelles peuvent résulter de l’utilisation d’armes de guerre ».

De manière regrettable, la solution retenue montre, une fois de plus, les difficultés à obtenir des pouvoirs publics, et du juge, la possibilité de vérifier que sont respectées par le gouvernement français les exigences issues du Traité sur le commerce des armes mais aussi, des instruments de droit européen qui prohibent l’exportation de matériels de guerre à destination d’acteurs se livrant à de possibles crimes de guerre et à de possibles  violations graves du droit international humanitaire. 

Le silence opposé coûte que coûte par l’administration des douanes aux demandes d’informations de nos ONG, additionné au refus de la justice administrative de questionner le recours disproportionné, et systématique, au secret nourrit l’opacité sur un enjeu démocratique majeur. Celui d’offrir la garantie que les transferts d’armes se font dans le respect du droit international, sans risque qu’ils puissent servir à commettre ou faciliter des violations graves des droits humains.

Compte tenu du risque sérieux que des armes françaises aient été, ou soient utilisées, pour commettre des violations graves du droit international humanitaire contre les populations civiles au Yémen, le manque de transparence est un obstacle majeur au contrôle à la fois parlementaire, judiciaire et démocratique sur les exportations d’armes françaises. Sans accès à une information précise et fiable, aucun contrôle sur le respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits humains et du droit international humanitaire n’est possible. 

Complément d’information 

Malgré les preuves accablantes des attaques contre les populations et infrastructures civiles commises, depuis 2015, par la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis au Yémen, la France continue de livrer à ces pays du matériel de guerre et à leur fournir de la maintenance et de la formation. Entre 2015 et 2022, la France a livré pour plus de 21 milliards d’euros l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis. 

Notre marathon judiciaire pour accéder aux documents douaniers permettant d’étayer les transferts d’armes à destination de la coalition militaire engagée au Yémen a débuté il y a quatre ans. A l’époque, l’ECCHR, Amnesty international France et Disclose, qui a révélé l’utilisation d’armes françaises dans la guerre au Yémen, se réunissent pour réclamer aux douanes françaises la communication des documents liés à l’exportation, entre 2015 et 2020, de plusieurs équipements militaires made in France. Des avions A330 MRTT (Airbus) ayant pour destination l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis ; de pièces détachées pour des Mirage 2000-9 (Dassault) en vertu d'un contrat conclu avec les Emirats Arabes Unis ; de l’expédition de missiles Storm Shadow, également appelés « SCALP », produits par MBDA France et MBDA Royaume-Uni ayant pour destination finale l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, ainsi que de kits de missiles AASM, fabriqués par la société Safran et destinés là encore à l'Egypte, aux Emirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite.

Après le refus de la direction des douanes ainsi qu’un avis défavorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), les trois organisations ont présenté une requête devant le tribunal administratif de Paris, en septembre 2021, ainsi qu’une question prioritaire de constitutionnalité en mai 2024. Toutes deux ont donc été rejetées en bloc par le tribunal administratif ce 19 juillet 2024.

Dans ce contexte,  trois entreprises d’armement françaises - Thalès, Dassault et MBDA - sont visées par une plainte déposée en 2022 pour complicité de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Contacts presse:

Amnesty International France - Gaël Grilhot : [email protected] 

Disclose - Mathias Destal - [email protected]   

ECCHR - Sigrun Matthiesen: [email protected]

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