Suite aux critiques des ONG, le Qatar a promulgué d’importantes réformes du droit du travail. Elles prévoient notamment une hausse du salaire minimum et une procédure de changement d'employeur simplifiée. Un pas important vers la protection des travailleurs migrants.
Le 30 août 2020, deux nouvelles lois sur le travail ont été promulguées au Qatar. Elles doivent permettre d’améliorer le sort des travailleurs migrants dans le pays. Mais il faut rester vigilant : leur pleine application est essentielle si le pays veut réellement mettre fin à l'exploitation de cette main-d'œuvre.
Changer d’emploi sans autorisation
La première réforme doit permettre d’abolir le certificat de non-objection qui empêche les travailleurs migrants de changer d'emploi sans l'autorisation de leur employeur. En vertu de cette nouvelle loi, les travailleurs pourront quitter leur emploi en donnant un préavis écrit d'un mois s'ils ont travaillé pour l'employeur pendant moins de deux ans, ou de deux mois s'ils ont travaillé pour lui pendant plus longtemps. Le travailleur n'aura pas à payer ces frais, et la demande de transfert sera traitée par le ministère du Travail.
Si elle est mise en œuvre comme promis, la suppression des restrictions imposées aux travailleurs qui changent d'emploi devrait permettre à ces derniers d'échapper plus facilement aux abus. C’est un signe encourageant qui montre que le Qatar est peut-être enfin sur la bonne voie.
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« Pendant trop longtemps, les lois qui interdisent aux travailleurs de changer d'emploi sans l'autorisation de leur employeur ainsi que la faiblesse généralisée des salaires ont laissé les travailleurs migrants du Qatar à la merci d'employeurs abusifs. Nous nous félicitons de la promulgation de ces lois, et nous appelons maintenant les autorités qataries à veiller à ce qu'elles soient rapidement et correctement appliquées », a déclaré Steve Cockburn, notre responsable du programme Justice économique et sociale.
Car afin de s’assurer que les droits de tous les travailleurs sont pleinement protégés, le pays doit aller plus loin dans ses réformes. À ce jour, les employeurs peuvent encore porter des accusations pénales de « fuite » contre les travailleurs qui quittent leur emploi sans autorisation. Les employeurs restent également responsables du renouvellement et de l'annulation des permis de séjour de leurs travailleurs, conservant ainsi un pouvoir considérable sur leurs employés.
Un salaire minimum
La deuxième réforme introduit un salaire minimum mensuel de 1 000 riyals qatariens (275 $), plus des indemnités de 300 riyals pour la nourriture et de 500 riyals pour le logement s'ils ne sont pas fournis par l'entreprise. Ce salaire minimum s'applique à tous, y compris aux travailleurs domestiques qui étaient auparavant exclus des mesures de réforme.
Si ce salaire minimum remplace le salaire minimum temporaire de 750 riyals introduit en 2017, il est important de noter que certaines nationalités avaient déjà des salaires minimums plus élevés, négociés par le biais d'accords bilatéraux. Les travailleurs népalais recevaient par exemple un salaire minimum de 900 riyals, tandis que les travailleurs philippins touchaient 1 400 riyals par mois.
« Le nouveau salaire minimum va certes augmenter les revenus de certains des travailleurs les moins bien payés du Qatar, mais le niveau fixé reste faible. Pour vraiment faire la différence, il devra être régulièrement revu et progressivement augmenté afin de garantir des conditions justes et favorables aux travailleurs » a expliqué Steve Cockburn.
Cela devra par ailleurs s'accompagner de mesures beaucoup plus sévères à l'encontre des employeurs qui ne paient pas leurs employés correctement, voire pas du tout. Car pour garantir le droit de chacun à un niveau de vie décent, le Qatar doit également sévir contre les frais de recrutement illégaux qui laissent de nombreux travailleurs migrants en situation de servitude pour dettes.
Si ces réformes constituent une évolution positive, les autorités qataries ont encore beaucoup à faire pour mettre fin aux abus systématiques dont sont victimes les travailleurs migrants. Avec ces nouvelles lois en place, nous appelons le Qatar à mettre en place des mécanismes d'inspection et de plainte solides pour permettre aux travailleurs qui ont été victimes de violations des droits de l'homme d'accéder rapidement à la justice et à des recours.
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