Notre rapport montre comment les autorités saoudiennes, malgré le discours qu’elles tiennent sur les réformes, utilisent le Tribunal pénal spécial pour réduire systématiquement l’opposition au silence.
Parallèlement à ce rapport, nous lançons une campagne pour demander la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes défendant les droits humains qui sont détenues pour s’être exprimées de manière pacifique.
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Les voix critiques réduites au silence
Dans notre rapport, nous constatons les terribles conséquences des poursuites engagées devant ce tribunal contre des défenseurs des droits humains, des écrivains, des économistes, des journalistes, des religieux, des réformistes et des militants politiques, ainsi que des personnes appartenant à la minorité chiite d’Arabie Saoudite. Dans de nombreux cas, ces personnes ont fait l’objet de procès qui manquaient cruellement d’équité à l’issue desquels des peines lourdes, y compris la peine de mort, ont été prononcées. C’est le cas du défenseur Mohammad al-Otaibi, membre fondateur de l’Union pour les droits humains, qui s’est vu infliger une peine de 14 ans de prison pour avoir essayé de créer une organisation indépendante de défense des droits humains. Il doit aujourd’hui répondre de nouvelles accusations pour avoir communiqué avec des organisations internationales et tenté de demander l’asile politique.
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Nous avons examiné de nombreuses pièces judiciaires, déclarations du gouvernement et textes de droit national et avons mené des entretiens avec des militants, avocats et personnes proches des dossiers recensés. Après avoir écrit aux autorités saoudiennes en décembre 2019, nous avons reçu une réponse de la Commission officielle des droits de l'homme, qui résumait les lois et procédures pertinentes, mais qui n'abordait pas les affaires évoquées dans le rapport.
Des procès d’une iniquité flagrante
Le gouvernement saoudien utilise le Tribunal pénal spécial pour créer une fausse impression de légalité afin de masquer l’usage abusif qu’il fait de la Loi de lutte contre le terrorisme dans le but de réduire ses détracteurs au silence. Chaque étape de la procédure judiciaire de ce tribunal est entachée de violations des droits humains : privation de l’accès à un avocat, détention au secret ou encore déclarations de culpabilité prononcées uniquement sur la base de prétendus "aveux" extorqués sous la torture. Au moment même où elles ont introduit une série de réformes positives en faveur des droits des femmes, les autorités ont instauré une répression intense contre les militantes qui se battaient depuis des années pour ces réformes.
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Le Tribunal pénal spécial a été créé en octobre 2008 pour juger les personnes accusées d’infractions liées au terrorisme. Depuis 2011, il est systématiquement utilisé pour poursuivre des personnes sur la base de chefs d’inculpation à la formulation vague qui mettent souvent sur le même plan des activités politiques pacifiques et des infractions à caractère terroriste. La Loi de lutte contre le terrorisme, qui définit de manière excessivement générale et vague les termes « terrorisme » et « infraction terroriste », contient des dispositions qui érigent en infraction l’expression pacifique d’opinions.
Notre rapport recense les cas de 95 personnes, principalement des hommes, qui ont été jugées, condamnées ou étaient dans l’attente de leur procès devant le Tribunal pénal spécial entre 2011 et 2019. Les procès d’au moins 11 personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leur liberté d’expression et d’association sont toujours en cours devant le Tribunal pénal spécial. Environ 52 autres purgent aujourd’hui de longues peines de cinq à trente ans de prison.
Plusieurs chiites saoudiens, notamment de jeunes hommes jugés pour des « crimes » qu’ils auraient commis alors qu’ils avaient moins de 18 ans, risquaient d’être exécutés d’un moment à l’autre à l’issue de leur procès devant le Tribunal pénal spécial. Au moins 28 Saoudiens appartenant à la minorité chiite ont été exécutés depuis 2016. La plupart ont été condamnés à mort par le Tribunal pénal spécial uniquement sur la base d’ « aveux » extorqués sous la torture.
Des réformes urgentes s’imposent
En mars et septembre 2019, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a adopté des déclarations conjointes sur l’Arabie saoudite prévoyant un certain nombre de critères relatifs à des réformes urgentes des droits humains. Aucun n’a été respecté. Les membres du Conseil doivent faire en sorte que cette instance continue de surveiller la situation en soutenant la création d’un mécanisme de suivi et de communication d’informations sur les droits humains. Nous demandons la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d’opinion ainsi qu’une réforme en profondeur du Tribunal pénal spécial pour qu’il soit en mesure de mener des procès équitables et de protéger les accusés de toute détention arbitraire, torture ou autres formes de mauvais traitements. Les allégations de torture ou d’autres formes de violations des droits humains commises en détention par des représentants de l’État ou des personnes agissant en leur nom doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes et les victimes doivent obtenir pleinement réparation.
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