Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

© PATRICK BAZ/AFP/Getty Images

© PATRICK BAZ/AFP/Getty Images

Arabie saoudite

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Arabie Saoudite en 2023.

Les autorités s’en sont prises à des personnes qui avaient exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression ou d’association, dont certaines ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement, voire à la peine de mort, à l’issue de procès d’une iniquité flagrante. Des défenseur·e·s des droits humains ont cette année encore été détenus arbitrairement ou ont fait l’objet d’interdictions de voyager après leur remise en liberté conditionnelle. Des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort à l’issue de procès manifestement inéquitables, y compris contre des personnes qui étaient mineures au moment des faits présumés. Des exécutions ont eu lieu pour un vaste éventail d’infractions. Des migrant·e·s ont été soumis à de graves atteintes aux droits humains, notamment des homicides à la frontière avec le Yémen et des traitements assimilables à de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail. Des milliers de personnes ont été renvoyées contre leur gré dans leur pays d’origine dans le cadre de la répression nationale contre les migrant·e·s sans papiers. Les femmes étaient toujours en butte à des discriminations, dans la législation comme dans la pratique.

CONTEXTE

Le troisième dialogue UE-Arabie saoudite sur les droits humains s’est tenu le 28 novembre à Bruxelles, en Belgique. L’UE s’est inquiétée de l’application persistante de la peine de mort, y compris pour des infractions liées aux stupéfiants et pour des crimes n’impliquant pas d’homicide, et a exprimé sa préoccupation au sujet des longues peines d’emprisonnement infligées pour des activités menées sur les réseaux sociaux.

La coalition menée par l’Arabie saoudite dans le cadre du conflit armé en cours depuis plusieurs années au Yémen a continué d’être impliquée dans des crimes de guerre et d’autres graves violations du droit international (voir Yémen).

LIBERTÉ D’EXPRESSION

À l’issue de procès manifestement inéquitables, des personnes ont été déclarées coupables et condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement par le Tribunal pénal spécial, créé pour juger les infractions liées au terrorisme, alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer leurs droits à la liberté d’association et d’expression, notamment en ligne, sur X (ex-Twitter).

PROCÈS INÉQUITABLES

Les autorités ont continué de détenir arbitrairement des personnes sans leur donner la possibilité de contester la légalité de leur détention, et les ont souvent condamnées à de lourdes peines de prison, voire à la peine de mort, sur la base de chefs d’accusation vagues et « fourre-tout » qualifiant pénalement l’opposition pacifique de « terrorisme », en violation de leur droit à un procès équitable.

En janvier, le Tribunal pénal spécial a de nouveau condamné Salma al Shehab, doctorante à l’université de Leeds (Royaume- Uni) et mère de deux enfants, cette fois à 27 ans de réclusion suivis de 27 ans d’interdiction de voyager. L’affaire avait été renvoyée par la Cour suprême siégeant à Riyadh, la capitale, devant la chambre d’appel du Tribunal, chargée de réexaminer la peine de 34 ans de prison à laquelle elle avait été condamnée. Le Tribunal pénal spécial a confirmé qu’elle était coupable d’infractions liées au terrorisme, notamment d’avoir « soutenu des personnes cherchant à perturber l’ordre public et déstabilisé la sécurité et la stabilité de l’État » et publié des tweets « troublant l’ordre public et compromettant la sécurité de la société et la stabilité de l’État ». Elle avait été poursuivie en raison de commentaires en faveur des droits des femmes qu’elle avait publiés sur X.

La Cour suprême a confirmé en mai la peine de 10 ans d’emprisonnement prononcée à l’encontre du médecin égyptien Sabri Shalaby. Le Tribunal pénal spécial l’avait déclaré coupable en août 2022, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, d’avoir soutenu les Frères musulmans et adhéré à ce mouvement, considéré comme une organisation terroriste en Arabie saoudite. Sabri Shalaby a été maintenu à l’isolement pendant les 10 premiers mois de sa détention, dont trois mois au secret. Tout au long de sa détention, il a demandé à maintes reprises à voir un neurologue pour le suivi de complications médicales liées à une opération de la moelle épinière, mais ses demandes ont été rejetées. En outre, ses problèmes d’asthme et de cataracte découlant de pathologies préexistantes n’ont pas été pris en charge de manière adéquate.

Le procès du religieux Salman Alodah devant le Tribunal pénal spécial est entré dans sa cinquième année. Trente-sept chefs d’inculpation avaient été retenus contre sur lui, tels que l’appartenance à l’organisation des Frères musulmans et d’autres chefs liés à ses appels à des réformes gouvernementales ainsi qu’à un « changement de régime » dans la région arabe.

DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS

Cette année encore, des défenseur·e·s des droits humains ont été détenus arbitrairement, y compris après avoir purgé la totalité de leur peine, et soumis à des décisions judiciaires d’interdiction de voyager.

Mohammed al Qahtani, membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques, faisait toujours l’objet d’une disparition forcée ; sa peine de prison avait atteint son terme en novembre 2022.

Loujain al Hathloul, éminente défenseure des droits humains libérée en février 2021 après avoir passé deux ans et demi en prison, était toujours soumise à une interdiction de voyager.

PEINE DE MORT

Des tribunaux ont prononcé et confirmé des condamnations à mort pour un large éventail d’infractions, y compris contre des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés. Les autorités ont procédé à des exécutions pour toute une série d’infractions tout au long de l’année.

Hussein Abo al Kheir, père jordanien de huit enfants, a été exécuté le 12 mars. Il avait été condamné à mort pour trafic de stupéfiants à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Pendant sa détention provisoire, il avait été mis au secret, n’avait pas pu bénéficier des services d’un avocat et avait subi des actes de torture visant à lui extorquer des « aveux ». Les autorités n’ont pas restitué son corps à sa famille après l’exécution.

En mai, la Commission saoudienne des droits humains a confirmé dans une lettre à Amnesty International que « l’imposition de la peine de mort à des mineurs pour des infractions relevant du tazir a[vait] été complètement abolie » (les infractions relevant du tazir étant celles pour lesquelles la loi islamique n’imposait pas la peine capitale). Or, contrairement à ces affirmations, au moins sept mineurs délinquants risquaient toujours d’être exécutés de manière imminente. C’était le cas notamment d’Abdullah al Derazi et de Jalal Labbad. La Cour suprême a confirmé leur condamnation à mort en 2023, sans en informer leurs familles ni leurs avocats.

En juillet, le Tribunal pénal spécial a condamné Mohammad bin Nasser al Ghamdi à la peine capitale uniquement pour son activité pacifique en ligne sur Twitter (X) et YouTube. Cet enseignant à la retraite de 54 ans a été déclaré coupable, au titre des articles 30, 34, 43 et 44 de la Loi de lutte contre le terrorisme, d’avoir « renoncé à son allégeance aux gardiens de l’État », « soutenu une idéologie terroriste et une entité terroriste [les Frères musulmans] », « utilisé ses comptes sur Twitter et YouTube pour suivre et promouvoir des individus cherchant à troubler l’ordre public », et « sympathisé avec des individus détenus en raison d’accusations liées au terrorisme ». Son acte d’accusation citait plusieurs tweets sur lesquels le tribunal s’est fondé pour le condamner, notamment des publications dans lesquelles il avait critiqué le roi et le prince héritier ainsi que la politique étrangère du pays, demandé la libération de personnalités religieuses incarcérées et protesté contre la hausse des prix. Il n’était accusé d’aucun crime violent.

DROITS DES PERSONNES MIGRANTES

Les autorités ont poursuivi leur répression à l’encontre des personnes accusées d’avoir violé les dispositions réglementaires liées à la résidence, aux frontières et au travail. Elles ont notamment procédé à des arrestations arbitraires et à des expulsions de personnes étrangères uniquement parce qu’elles étaient en situation irrégulière.

Selon le ministère de l’Intérieur, sur 777 000 personnes de nationalité étrangère arrêtées pour avoir enfreint les « règles de résidence, de travail et de sécurité des frontières », au moins 468 000 ont été renvoyées dans leur pays d’origine durant l’année. Pendant la même période, 40 000 étrangères et étrangers, originaires principalement d’Éthiopie et du Yémen, ont été arrêtés pour avoir franchi illégalement la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite.

Des dizaines de travailleurs migrants népalais embauchés pour travailler dans des entrepôts d’Amazon ont été soumis à de graves atteintes aux droits humains, notamment des traitements assimilables à de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail. Les agences de recrutement basées en Arabie saoudite qui sont allées les chercher dans leur pays d’origine leur ont menti sur la nature de leur employeur et les modalités de leur emploi. Les intermédiaires auprès desquels ils ont souscrit leurs contrats leur ont confisqué leurs salaires et les ont hébergés dans des logements indignes. Certains de ces travailleurs ont été agressés verbalement ou physiquement ou menacés de telles violences, en particulier lorsqu’ils se sont plaints de leurs conditions de vie et de travail. Lorsqu’ils perdaient leur poste chez Amazon et se retrouvaient « sans emploi », les intermédiaires ne leur trouvaient généralement pas d’autre emploi et arrêtaient de leur verser le salaire prévu par leur contrat. En outre, ces intermédiaires ne leur apportaient qu’un soutien limité, voire inexistant, et ne leur remettaient pas les documents dont ils avaient besoin pour changer d’emploi ou quitter le pays, ce qui restreignait leur liberté de circulation et leur mobilité professionnelle.

Au cours de l’année, des gardes-frontières saoudiens ont tué des migrant·e·s et des demandeurs·euses d’asile éthiopiens qui essayaient d’entrer en Arabie saoudite par la frontière avec le Yémen. Selon Human Rights Watch, ils ont utilisé des armes explosives contre certains d’entre eux et en ont abattu d’autres à bout portant, y compris des enfants. Des centaines de personnes au moins ont ainsi été tuées entre mars 2022 et juin 2023.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les femmes faisaient toujours l’objet de discriminations en droit et en pratique, notamment concernant le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage. En vertu de la Loi relative au statut personnel, les pères étaient par défaut les tuteurs légaux de leurs enfants. En cas de séparation, la garde était automatiquement attribuée à la mère, tandis que le père était désigné comme tuteur, sans que l’intérêt supérieur de l’enfant soit pris en compte.

En février, une cour d’appel a annulé une précédente décision accordant à Carly Morris, ressortissante des États-Unis, la garde de sa fille. La décision se fondait sur l’article 128 de la Loi relative au statut personnel, qui disposait que, si le parent ayant la garde de l’enfant déménageait pour s’installer dans un autre endroit où l’intérêt de l’enfant n’était pas pris en considération, il perdait la garde. Carly Morris n’a pas été informée de la tenue des audiences, qui se sont déroulées en son absence. Son ex-mari ne l’a pas autorisée à communiquer avec sa fille depuis lors.

En mai, Manahel al Otaibi, coach sportive saoudienne, a été inculpée d’avoir « diffamé le Royaume dans le pays et à l’étranger, appelé à la rébellion contre l’ordre public et les traditions et coutumes de la société, et contesté le pouvoir judiciaire et la justice rendue » pour avoir remis en cause les coutumes et les traditions de l’Arabie saoudite sur les réseaux sociaux. Elle avait notamment plaidé en faveur de la tolérance vestimentaire à l’égard des femmes, était apparue sur les réseaux sociaux dans des tenues jugées « indécentes » par les autorités et avait demandé l’abolition des lois sur la tutelle masculine.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

L’Arabie saoudite, grande productrice de combustibles fossiles, était toujours l’un des 10 principaux pays émetteurs de CO2 par habitant.

En juillet, selon le Financial Times, le pays a fait obstacle à une initiative du G20 visant à réduire l’utilisation des combustibles fossiles.

En 2023, l’entreprise publique saoudienne Aramco a produit en moyenne plus de 12 millions de barils de pétrole par jour. Elle avait pour objectif d’accroître sa production d’environ un million de barils par jour à l’horizon 2027 et d’augmenter sa production de gaz naturel de 50 % d’ici 2030. Selon les estimations, le pétrole et le gaz produits par Aramco étaient responsables de plus de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1965 et, d’après une étude, représentaient environ 4,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2018, un record pour une compagnie pétrolière et gazière.

Actualités