Vendredi 16 juin, le président de la République française reçoit le prince héritier d’Arabie saoudite à l'Élysée. Amnesty international France demande solennellement à M. Emmanuel Macron d’intervenir auprès de Mohammed Ben Salman pour exiger de l’Arabie saoudite qu’elle suspende l’exécution des sept jeunes hommes condamnés pour des faits commis alors qu’ils étaient mineurs.
Nous engageons la France à user de toutes son influence auprès des autorités saoudiennes afin qu’elles mettent immédiatement un terme aux exécutions et qu’elles instaurent un moratoire officiel sur les exécutions, comme première étape vers l’abolition de la peine capitale.
Malgré l’engagement des autorités saoudiennes à mettre fin au recours à la peine de mort contre les personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, sept jeunes hommes risquent d’être exécutés à tout moment, leurs condamnations ayant été confirmées en appel.
L’exécution imminente de sept jeunes hommes bafouerait l’engagement du royaume à abolir la peine de mort pour les mineurs
Les sept hommes avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, et l’un d’eux n’avait que 12 ans. Ils n’ont par ailleurs pas pu consulter d’avocat pendant toute la durée de leur détention provisoire. Leurs condamnations à mort ont été confirmées en appel entre mars 2022 et mars 2023. Six de ces hommes ont été condamnés pour des infractions liées au terrorisme et le septième pour vol à main armée et homicide, à l’issue de procès iniques entachés d’« aveux » extorqués sous la torture.
Leurs exécutions marqueraient une inquiétante intensification du recours à la peine capitale, qui est déjà à un niveau record, le nombre d’exécutions menées dans le pays ayant déjà été multiplié par sept au cours des trois dernières années.
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« Les autorités saoudiennes se sont engagées à limiter le recours à la peine de mort et ont adopté des réformes juridiques interdisant le recours à la peine capitale contre les personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés. Si les autorités veulent que ses engagements soient pris au sérieux, elles doivent ordonner la suspension immédiate de l’exécution des sept hommes, qui étaient mineurs au moment de leur arrestation », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient chez Amnesty International.
L'un des principaux bourreaux du monde
L’Arabie saoudite est l’un des pays exécutant le plus dans le monde. En 2022, le royaume a exécuté 196 personnes, soit le nombre le plus élevé d’exécutions qu’Amnesty International ait enregistré dans le pays au cours de ces 30 dernières années. Ce chiffre est trois fois supérieur au nombre de personnes exécutées en 2021, et au moins sept fois supérieur aux chiffres de 2020.
Cette année, l’Arabie saoudite a exécuté 54 personnes à ce jour, pour un vaste éventail d’infractions, notamment pour homicide, trafic de stupéfiants et pour des infractions liées au terrorisme.
Le gouvernement saoudien doit réfléchir à l’horreur qu’il inflige aux membres des familles de ces hommes, qui sont privés d’informations sur l’exécution de leur fils, de leur frère, de leur mari ou de leur proche. Jouer ainsi avec les émotions de ces familles désemparées qui cherchent désespérément un signe de clémence ou de sursis est intolérable. Leur souffrance est inimaginable.
Souvent, les familles ne sont pas informées lorsque la Cour suprême et le roi ratifient des condamnations à mort, et elles apprennent l’exécution de leurs proches dans les médias.
Des réformes législatives ignorées
Il n’existe pas dans la charia (loi islamique) de sanction définie pour les infractions relevant du taazir (châtiment), comme celles dont les sept hommes ont été déclarés coupables, et la sévérité de la sanction est laissée à la discrétion des juges.
En 2018, l’Arabie saoudite a adopté la Loi relative aux mineurs, qui fixe une peine maximale de dix ans d’emprisonnement pour toute personne de moins de 18 ans déclarée coupable d’une infraction relevant du taazir. En 2020, un décret royal a interdit aux juges d’imposer des condamnations à mort discrétionnaires à des personnes qui avaient moins de 15 ans au moment des faits qui leur sont reprochés.
En mai 2023, la Commission saoudienne des droits humains a confirmé dans une lettre à Amnesty International que « l’imposition de la peine de mort à des mineurs pour des infractions relevant du taazir a été complètement abolie ».
En novembre 2022, le pays a repris les exécutions pour les infractions liées aux stupéfiants, mettant ainsi fin à un moratoire qui, d’après la Commission saoudienne des droits humains, était en place depuis janvier 2020.
Des procès d’une iniquité flagrante
Six des sept jeunes hommes ont été déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme, notamment pour avoir participé à des manifestations contre le gouvernement ou avoir assisté aux obsèques de personnes tuées par les forces de sécurité.
Ces six jeunes hommes condamnés à mort sont issus de la minorité chiite, dont les membres sont souvent victimes de discrimination et sont régulièrement jugés dans le cadre de procès iniques pour des accusations vagues et diverses liées à leur opposition au gouvernement.
Yousef al Manasif, qui avait entre 15 et 18 ans au moment des faits qui lui sont reprochés, a été condamné à mort par le Tribunal pénal spécial en novembre 2022.
D’après son acte d’accusation et la décision du tribunal, qu’Amnesty International a pu consulter, Yousef al Manasif a été déclaré coupable de plusieurs infractions dont « atteinte au tissu social et à la cohésion nationale et participation et incitation à des sit-in et des manifestations qui portent atteinte à la cohésion et la sécurité nationales ». Sa famille a déclaré ne pas avoir été autorisée à le voir ou à lui rendre visite pendant plus de six mois après son arrestation, période pendant laquelle il était détenu à l’isolement d’après ses proches. En mars 2023, sa condamnation a été confirmée en appel.
Abdullah al-Darazi, un autre des hommes condamnés à mort, avait 17 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Il a été déclaré coupable, entre autres, d’avoir « participé […] à des émeutes à Al Qatif, scandé des slogans contre l’État et semé le chaos » et d’avoir « attaqué des agents de la sécurité avec des cocktails Molotov ». Il a déclaré au tribunal qu’il avait été maintenu en détention provisoire pendant trois ans et qu’il n’avait pas été autorisé à s’entretenir avec un avocat pendant l’enquête et sa détention provisoire.
D’après des documents judiciaires, qu’Amnesty International a pu consulter, il a déclaré au juge : « Je demande un examen médical indépendant pour prouver la torture à laquelle j’ai été soumis… Les dossiers de l’hôpital de l’unité d’enquêtes de Dammam prouvent que je continue d’être soigné en raison des coups que j’ai reçus aux oreilles pendant mon interrogatoire, et je demande encore un rapport médical à ce sujet. »
Le tribunal n’a pas mené d’enquête médicale indépendante et n’a pas enquêté sur ses allégations de torture, et la cour d’appel du Tribunal pénal spécial a confirmé sa condamnation à mort.
Exécuter des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de l’infraction dont elles ont été déclarées coupables ou bien qui ont été déclarées coupables d’infractions n’impliquant pas d’homicide volontaire ou à l’issue de procès iniques, notamment sur la base d’“aveux” obtenus sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, bafoue le droit international. La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.
Heba Morayef
L’ampleur des exécutions est bien pire que ce qui a été rapporté
Dans la même lettre envoyée à Amnesty International en mai, la Commission saoudienne des droits humains indiquait que 196 personnes avaient été exécutées en 2022. Ce chiffre est largement supérieur au nombre d’exécutions déclaré par l’Agence de presse saoudienne et enregistré par Amnesty en 2022, qui était de 148 exécutions.
« L’écart entre le nombre d’exécutions rapporté par la Commission saoudienne des droits humains et celui déclaré par l’agence de presse saoudienne montre que l’ampleur des exécutions est encore pire que ce qu’indique régulièrement l’agence de presse saoudienne. Si les autorités saoudiennes veulent que les réformes qu’elles ont annoncées soient prises au sérieux, elles doivent, à titre de premier pas, établir un moratoire sur les exécutions et veiller à ce qu’aucune déclaration obtenue sous la torture ne soit admise devant les tribunaux », a déclaré Heba Morayef.