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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

Enseigne Carrefour en Arabie Saoudite / ©AFP - Eric Lafforgue - Hans Lucas
Responsabilité des entreprises

Des migrants travaillant pour Carrefour exploités en Arabie saoudite

Les travailleurs migrants employés par le groupe Carrefour en Arabie saoudite vivent un enfer : plus de 16 heures de travail par jour, interdiction de prendre des jours de repos, hébergement dans des logements insalubres... une exploitation qui s’apparente à du travail forcé. C’est ce que nous révélons dans notre nouveau rapport "J’allais travailler la boule au ventre".

Ils sont Indiens, Népalais, Pakistanais. Ils travaillent sur l’un des sites du groupe Carrefour dans les villes de Riyadh, Dammam et Djedda. Nous avons recueilli les témoignages de 17 d’entre eux. Chacun de ces travailleurs migrants décrit les graves violations du droit du travail dont ils ont été victimes.  

En plus de ces témoignages accablants, notre rapport de plus de 50 pages «J’allais travailler la boule au ventre» rappelle à l’entreprise française aux 94 milliards d’euros de chiffres d’affaires, qui fut sponsor premium aux Jeux olympiques de 2024, son obligation à respecter son « devoir de vigilance. » En Arabie saoudite, les magasins Carrefour sont représentés par son partenaire local franchisé Majid Al Futtaim. En vertu des normes internationales relatives aux droits humains, Carrefour a la responsabilité, de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à ces droits dans le cadre de ses activités et celles de ses filiales.

Carrefour en Arabie saoudite  

Carrefour est l’une des plus grandes enseignes de supermarchés au monde, avec plus de 14 000 magasins dans 40 pays. Basée en France, la société est présente au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie par l’intermédiaire de son franchisé Majid Al Futtaim, avec un effectif de 2 000 à 3 000 personnes en Arabie saoudite - dont environ un tiers sont employées par des sociétés extérieures qui fournissent de la main-d'œuvre. 

Traités comme des animaux 

Dans les magasins du groupe Carrefour, les travailleurs ne sont pas traités comme des êtres humains. Les responsables traitent les employés comme des animaux.

Anand*, employé du groupe Carrefour en Arabie saoudite

Anand* a travaillé dans un magasin carrefour en Arabie saoudite en tant que préparateur de commandes dans un entrepôt. Il poursuit : Ils n’arrêtent pas de dire “yallah, yallah” [“allez, allez”]. Ils nous attrapent par le t-shirt pour nous faire travailler plus vite. »

En plus de travailler dans des conditions d’une grande pénibilité, ces travailleurs ont été régulièrement sous-payés. Certains ont dû marcher plus de 20 kilomètres par jour et travailler 60 heures par semaine, parfois jusqu’à 16 heures par jour. D’après leurs témoignages, les responsables des sites (des supermarchés et des entrepôts, ou « dark stores ») annulaient parfois leurs jours de repos hebdomadaires et ne rémunéraient pas leurs dizaines d’heures supplémentaires.

Hébergés dans des logements insalubres et surpeuplés, fournis par les entreprises prestataires, des travailleurs ont raconté dormir à six ou huit dans une même pièce, que l’un d’eux a comparé à « une étable ».

Les atteintes aux droits humains subies par ces travailleurs relèvent du travail forcé, notamment de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail. Or, ni le groupe Carrefour, ni son partenaire Majid Al Futtaim, qui gère la franchise en Arabie saoudite, n’ont pris des mesures suffisantes pour y mettre un terme ou pour offrir réparation aux victimes. Marta Schaaf, directrice de notre programme Responsabilité des entreprises déclare : « Du fait de son inaction, Carrefour n’a pas su empêcher ces souffrances, qui dans certains cas s’apparentaient à du travail forcé, notamment à de la traite des êtres humains. » 

Ces travailleurs pensaient avoir trouvé la voie vers une vie meilleure mais, au lieu de cela, beaucoup ont subi une exploitation et des atteintes aux droits humains épouvantables.

Marta Schaaf, directrice du programme Responsabilité des entreprises d'Amnesty International

Qu'est-ce que le devoir de vigilance ? 

La loi sur le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises françaises - qui emploient entre 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde - à prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement dans le cadre de leurs activités. 

Elle s’applique aux activités de l’entreprise elle-même (sociétés-mères) ; des sociétés qu’elles contrôlent directement ou indirectement ; des sous-traitants et fournisseurs avec lesquels est entretenue une « relation commerciale établie » 

Plus d'informations sur le devoir de vigilance

Culture de la peur

Les travailleurs interrogés dans le cadre de notre rapport ont aussi fait état d’une culture de la peur. Quand ils se plaignaient directement auprès des responsables des sites Carrefour, leurs plaintes étaient ignorées ou on leur disait de voir plutôt cela avec l’entreprise qui les employait. Certains de ceux qui ont osé protester ont subi des représailles de la part des sociétés fournisseuses de main-d’œuvre ou des cadres de Carrefour, ce qui a dissuadé les autres de parler. 

C’était dur de travailler aussi longtemps. Le responsable ne me laissait pas partir […] Il disait : “Termine la commande, et après tu pourras partir.” Si nous ne travaillions pas 15 heures, il disait  : “Je vais te renvoyer. Je ne te paierai pas tes heures supplémentaires". 

Baburam*, l’un des témoins de notre rapport 

 Si je m’étais plaint, j’aurais pu perdre mon travail. Une fois, 14 ou 15 travailleurs se sont plaints, et ils ont été renvoyés de leur poste.

Gopal*, l’un des témoins de notre rapport 

Écouter l'interview de notre présidente Anne Savinel sur France inter

Des travailleurs trompés par les recruteurs 

Pour obtenir un emploi, les travailleurs migrants que nous avons interrogés expliquent avoir versé à des agents recruteurs de leur pays d’origine des frais d’un montant moyen de 1 200 dollars.

Dans presque tous les cas, les agents recruteurs leur ont menti ou les ont trompés, parfois avec la complicité des sociétés fournisseuses de main-d’œuvre, sur la nature et les avantages des postes en Arabie saoudite. Ils leur ont fait croire qu’ils seraient embauchés directement par des entreprises internationales. Beaucoup n’ont découvert qu’ils seraient employés par des sociétés saoudiennes de fourniture de main-d’œuvre – dont la mauvaise réputation n’est plus à faire chez les travailleurs et travailleuses – qu’après avoir versé les frais de recrutement. Ils n’ont donc pas pu faire machine arrière car il leur était pour la plupart impossible de se faire rembourser.

Les abus auxquels les travailleurs migrants sont souvent confrontés en Arabie Saoudite

• Devoir de payer des frais de recrutement illégaux pour obtenir un emploi ; 

• Avoir été trompé ou induit en erreur lors du processus de recrutement ; 

• Se voir confisquer leur passeport ; 

• Des salaires bas ; 

• Retard ou non-paiement des salaires ; 

• Des conditions de vie insalubres ;

• Des restrictions concernant le changement d'emploi ou la sortie du pays

La responsabilité de Carrefour 

En réaction, le groupe Carrefour et sa franchise saoudienne Majid Al Futtaim ont déclaré avoir ouvert une enquête interne sur le traitement du personnel migrant dans leurs établissements en Arabie saoudite. Aucune des deux entreprises ne s’est encore engagée à rembourser les frais de recrutement ou à indemniser les travailleurs pour les préjudices subis.

En Arabie saoudite, les travailleurs migrants sont soumis au système de parrainage (kafala), qui lie les travailleurs migrants à la personne qui les emploie, n’ont pas de salaire minimum garanti et ont l’interdiction de créer des syndicats ou d’y adhérer. Dans Un contexte qui n’excuse pas l’incapacité du groupe Carrefour à protéger ses travailleurs de l’exploitation ni ne justifie l’absence de versements des dédommagements auxquels ils ont droit.

Les témoignages recueillis dans le cadre de notre rapport montrent que les deux éléments clés du travail forcé – le travail contre son gré et la menace de sanction – sont présents dans les activités franchisées du groupe Carrefour en Arabie saoudite. Nous demandons à Carrefour et à son partenaire saoudien Majid Al Futtaim de prendre leurs responsabilités pour la protection des droits des travailleurs migrants.

* Les prénoms des travailleurs ont été modifiés.