À l’heure où les pays d’Europe multiplient les déclarations et les injonctions afin de lutter contre le Covid-19, nous publions un rapport, «L’Europe à la croisée des chemins », afin de rappeler que les restrictions ordonnées ne doivent pas mettre en péril les droits humains. Protection des populations et respect des droits humains sont liés.
Ne pas bafouer les droits humains sous prétexte de pandémie
Nous constatons aujourd’hui que les restrictions imposées à certains de nos droits les plus fondamentaux se propagent en Europe presque aussi rapidement que le virus lui-même. Si la grande majorité de ces restrictions s’imposent pour protéger la santé publique, l’histoire ne sera pas tendre avec ceux qui se servent de la pandémie comme d’un prétexte pour établir des discriminations, réprimer ou censurer.
Or ce sont bien les droits fondamentaux qui sont malmenés par les autorités de certains pays européens. En réagissant rapidement afin de contrer l’avancée de l’épidémie, certains gouvernements européens ont adopté des lois d’exception et pris des mesures qui restreignent les droits fondamentaux des citoyens : le droit de circuler librement, les droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion pacifique, le droit à la vie privée et à la vie de famille ainsi que le droit au travail figurent parmi la liste.
Bien que certaines mesures d’urgence justifient de restreindre la liberté de mouvement pour limiter les risques de propagations du virus, il est primordial de veiller à ce qu’elles soient toujours légales, nécessaires et proportionnées. Dans ce cadre d’urgence sanitaire, ces mesures doivent être provisoires et soumises à une supervision et un examen indépendants.
Placer les droits humains au cœur de toutes les mesures
Les États européens sont tenus de prendre des mesures afin de contrôler la propagation de la pandémie, mais doivent maintenir les droits humains au centre de toutes les initiatives de prévention, de confinement et de traitement. Nous appelons avant tout ces États à prendre toutes les mesures possibles, au maximum de leurs ressources, afin d’endiguer la pandémie et de mettre en œuvre le droit à la santé de chacun et chacune.
N’abandonner personne
Si la politique étrangère de l’Union européenne tendait déjà vers une limitation de l’accueil de réfugiés en Europe, la pandémie ne doit pas servir de prétexte pour les repousser de plus belle. Situation de crise sanitaire ou non, le droit de solliciter l’asile doit être reconnu, et nul ne devrait être renvoyé vers un pays où il risquerait de voir ses droits humains gravement bafoués.
L’ensemble des États européens doit garantir les droits à la santé, au logement, à l’eau et aux installations sanitaires. Ils doivent également veiller à protéger les plus vulnérables au sein de la société.
Or pour considérer les plus vulnérables, il faut au préalable admettre que certains groupes sont plus exposés aux risques d’infection du Covid-19 que d’autres. Nous attirons donc l’attention sur celles et ceux plus enclins à être infectés par le virus : les personnes âgées et les personnes souffrant de certaines maladies préexistantes qui sont exposées à des risques sanitaires accrus associés au Covid-19, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants, particulièrement ceux qui vivent dans des camps surpeuplés où les risques d’infection sont accrus. De même, les groupes marginalisés comme les Roms, les sans domicile fixe et les personnes privées de liberté dans les prisons, les centres de détention pour migrants et d’autres types d’institutions, doivent être protégés.
Dans cette situation de confinement, les autorités doivent être plus attentives encore aux cas de violences domestiques dont peuvent être victimes les femmes et les enfants dont l’isolement avec des partenaires ou des proches violents accroît les risques. Nous appelons les États à la plus grande vigilance et demandons à ce que les services de protection et de soutien soient maintenus durant la crise, y compris pour les femmes en situation irrégulière, sans qu’elles aient à craindre de se faire expulser.