Lundi 12 avril, des soldats érythréens ont tué trois personnes et en ont blessé 19 autres lors d’une attaque injustifiée contre des civils dans le centre de la ville d’Adwa, au nord de l’Éthiopie. Les témoignages évoquent une violence inouïe.
Des combats au Tigré opposent depuis le mois de novembre 2020 le pouvoir fédéral éthiopien à son ancien allié, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) qui détenait jusqu’à présent les commandes du gouvernement régional. Ce conflit est à l’origine de nombreuses allégations de violations des droits humains, notamment des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité.
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Les témoignages recueillis par Amnesty International ont permis de confirmer que des soldats érythréens traversaient Adwa, cette ville située dans la région du Tigré, quand ils ont subitement ouvert le feu sur des passants dans la rue principale, près de la gare routière. En quelques minutes, trois personnes ont perdu la vie, au moins 19 autres ont été blessées et conduites à l’hôpital.
Les attaques délibérées visant des populations civiles sont interdites par le droit international humanitaire et doivent cesser.
Sarah Jackson, directrice régionale adjointe pour l’Afrique de l'Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs à Amnesty International
Cette nouvelle attaque meurtrière de l’armée érythréenne contre des civils intervient alors que l’Érythrée vient de reconnaitre officiellement son intervention militaire au Tigré mais continue de nier les crimes commis par ses troupes.
Pourtant, la Commission éthiopienne des droits de l'homme, organisme indépendant rattaché au gouvernement éthiopien avait déjà confirmé le mois dernier l’implication de soldats érythréens dans le massacre d’Aksoum qui a fait plus de 100 victimes.
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Teklu*, qui travaille à la gare routière, a pu observer la scène. Il raconte que les soldats érythréens se trouvaient à l’arrière de deux camions militaires en mouvement quand ils ont commencé à tirer. « Nous nous sommes dispersés dans différentes directions. Je me suis caché dans des canalisations. Nous savions qu’ils étaient érythréens parce qu’ils juraient en tigrinya, et que les poids lourds avaient des plaques érythréennes et étaient recouverts du motif camouflage utilisé par les forces de défense érythréennes. »
Cette attaque et d’autres violations présumées doivent donner lieu à une enquête internationale menée de manière indépendante et impartiale.
Sarah Jackson
Sertse* se trouvait également près de la gare routière au moment des faits. Il marchait dans la direction de la gare routière depuis son magasin. Les deux camions militaires l’ont dépassé puis les tirs ont immédiatement commencé. « Les soldats du second camion se sont mis à tirer. Il y avait beaucoup de gens dans la rue. »
Selon un membre du personnel médical de l’hôpital d’Aksoum, toutes les personnes admises avaient été blessées par balle à la poitrine, à l’estomac, aux jambes ou aux mains. Ce professionnel de la santé raconte également qu’une jeune fille était en état de choc après avoir perdu beaucoup de sang, et que d’autres patients présentaient des fractures des membres inférieurs et supérieurs.
Solomon*, un autre témoin, a également déclaré avoir vu des soldats érythréens arriver à bord de deux poids lourds en provenance de la zone d’Adi Abun. Il se trouvait sur la route, juste devant chez lui, lorsque les tirs ont commencé vers 8 heures du matin.
C’était soudain, et j’ai pensé qu’il y avait une bagarre armée dans le quartier. En fait il n’y avait aucun combat, juste des tirs sur les passants. Une des victimes a été tuée à cinq mètres à peine de mon domicile. Il est mort sur le coup. Je l’ai vu.
Solomon
*Leur véritable identité n'est pas révélée pour des raisons de sécurité.
Le droit international humanitaire interdit de s’en prendre délibérément aux civils et de mener des attaques sans discernement. Les violations de ces règles constituent des crimes de guerre. Les homicides illégaux commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile constituent des crimes contre l’humanité.
Nous demandons :
Une enquête internationale menée de manière indépendante et impartiale afin que les responsabilités soient établies pour les crimes de guerre et violations des droits humains commis dans le Tigré.
Que les gouvernements éthiopiens et érythréens coopèrent avec ce type d’enquête, pour garantir des réparations complètes pour les victimes et les familles de victimes.
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