75 000 personnes dont des bébés sont bloquées à la frontière jordanienne. Elles sont affamées et certaines meurent. La Jordanie maintient sa frontière fermée. La communauté internationale ne fait rien.
Depuis la fermeture de la frontière en juin, une seule distribution de nourriture a eu lieu début août pour les 75 000 personnes bloquées à la frontière. Les autorités jordaniennes interdisent aux organisations humanitaires de se rendre dans cette zone désertique, les contraignant à larguer de la nourriture par-dessus le mur de sable au moyen de grues.
La situation humanitaire est catastrophique, en particulier pour les enfants. Nous avons de l'eau potable mais pratiquement pas de nourriture ni de lait […] C'est terrible. Beaucoup de personnes sont mortes […] Ils ont juste distribué du riz et des lentilles, et un kilo de dattes séchées, mais c'est tout de que nous avons eu depuis un mois. Le moral est extrêmement bas chez les habitants du camp. » ».
Abu Mohamed, qui vit dans le camp informel depuis cinq mois.
Des enfants meurent d'hépatite
L'impossibilité de bénéficier de véritables soins médicaux et les conditions de vie effroyables forment un cocktail mortel. Le manque d'hygiène, les mauvaises conditions sanitaires et l'accès limité à l'eau potable auraient entraîné une multiplication des cas d'hépatite, qui serait la principale cause de mortalité chez les enfants.
Le nombre exact de décès est difficile à vérifier car l'accès à la zone est très restreint, mais selon les sources humanitaires ou des réfugiés :
Au moins 10 personnes sont mortes d'hépatite. Beaucoup des victimes étaient des enfants souffrant de jaunisse – une des conséquences de l'hépatite.
Il y a eu au moins neuf décès lors d’accouchements et de nombreuses femmes enceintes figurent parmi les réfugiés, et elles n'ont pas accès aux soins médicaux.
Un jeune homme de 20 ans est mort de la jaunisse, probablement à la suite d'une hépatite. Il serait décédé d'une hémorragie gastro-intestinale. En l'absence de médicaments, rien n'a pu être tenté pour lui sauver la vie.
Des images vidéo montrent deux cimetières improvisés à Rukban, avec des dizaines de tumulus, situés à proximité des tentes des réfugiés.
Image satellite montrant l'emplacement d'un cimetière dans le camp de réfugiés informel de Rukban, à la frontière jordano-syrienne, dans lequel des dizaines de milliers de réfugiés sont bloqués. © CNES 2016, Distribution AIRBUS DS.
Les craintes de sécurité ne justifient pas de laisser des personnes mourir
Les autorités jordaniennes ont évoqué à maintes reprises leurs craintes en matière de sécurité pour justifier la fermeture de la frontière. Mohammed al Momani, ministre d’État pour les Affaires médiatiques, nous a déclaré que la zone de la berme était en train de « devenir une enclave de Daesh » (c'est-à-dire une zone contrôlée par le groupe armé se désignant sous le nom d'État islamique). Il ne fait aucun doute que la sécurité est un élément important à prendre en compte, mais la protection des Jordaniens ne doit pas se faire aux dépends de l'aide humanitaire et de la protection de ceux qui en ont désespérément besoin.
Par le passé, la Jordanie a soumis les réfugiés syriens à des procédures rigoureuses de contrôle et d'enregistrement avant de les laisser entrer sur son territoire. Rien ne l'empêche de remettre en place ces procédures afin d'ouvrir ses portes aux réfugiés qui fuient le conflit en Syrie tout en assurant sa sécurité.
Forcer directement ou indirectement les réfugiés à retourner en Syrie en leur refusant l'entrée dans le pays et en leur imposant des conditions de vie intolérables constitue une violation flagrante des obligations internationales de la Jordanie. Les autorités doivent permettre à l'aide humanitaire de parvenir sans entrave aux réfugiés qui sont piégés dans cette zone. Elles doivent renoncer à toute tentative de les contraindre ou de les inviter à partir.
Que fait la communauté internationale ?
Á une semaine d’un sommet qui caractérise l’indifférence lamentable des États face à la souffrance des millions de réfugiés, l’inaction des Etats pour résoudre la situation en Jordanie est d’autant plus méprisable. Les voisins de la Syrie, dont la Jordanie, où vivent 650 000 réfugiés, accueillent la grande majorité des personnes qui fuient le conflit, ce qui pèse lourdement sur leurs ressources.
Le ministre d’État pour les affaires médiatiques Il a reconnu que la situation humanitaire était mauvaise et a affirmé que la Jordanie était prête à assumer sa part de responsabilité, mais il a aussi appelé les Nations unies et la communauté internationale à prendre une part équitable des responsabilités concernant les réfugiés de la berme.
À l'échelle internationale, le nombre de places de réinstallation offertes aux réfugiés syriens reste terriblement insuffisant. Le poids de la crise des réfugiés continue de reposer principalement sur les pays de la région, trois d'entre eux accueillant à eux seuls plus quatre millions de personnes.
L'absence de solution à long terme pour les réfugiés piégés dans la zone de la berme sera révélatrice non seulement de l'échec de la communauté internationale à cet endroit, mais aussi de son manquement à ses obligations à l'égard des réfugiés du monde entier. À l'approche des deux sommets sur les réfugiés, les dirigeants mondiaux doivent passer des discours aux actes et à s'engager concrètement à accueillir une part équitable des réfugiés, afin de soulager la pression sur les pays qui les hébergent en nombre.
L'organisation demande également à la Jordanie d'autoriser immédiatement les réfugiés de la berme à entrer sur son territoire.
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