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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

© Jordan Pix/ Getty Images

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Jordanie

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Jordanie en 2023.

Les autorités ont intensifié leur répression de la liberté d’expression et d’association des militant·e·s politiques, des journalistes, des travailleuses et travailleurs, des membres de partis politiques et des personnes LGBTI, entre autres, en appliquant des lois abusives et formulées en des termes vagues. L’emprisonnement pour dette a continué, en violation du droit international. Plusieurs civil·e·s ont cette année encore été jugés devant des tribunaux militaires. Une nouvelle loi a accordé aux femmes jordaniennes mariées à des hommes non jordaniens le droit de conserver leur nationalité, mais pas celui de la transmettre à leur conjoint et à leurs enfants. Les dispositions du Code pénal relatives à l’« immoralité » et la campagne anti-LGBTI menée par certains parlementaires ont favorisé les actes de harcèlement et autres violences à l’encontre des personnes LGBTI.

CONTEXTE

En mai, le roi Abdallah II a levé l’état d’urgence déclaré en mars 2020 au début de la pandémie de COVID-19 en Jordanie et qui donnait aux autorités le pouvoir de restreindre l’exercice des droits humains, dont le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la Jordanie accueillait en 2023 655 283 réfugié·e·s syriens, 66 686 réfugié·e·s irakiens, 12 882 réfugié·e·s yéménites et 7 578 réfugié·e·s soudanais et somaliens. Deux millions de réfugié·e·s palestiniens enregistrés auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) étaient également présents dans le pays. Le HCR et la Banque mondiale ont indiqué en mars que le taux de pauvreté parmi les réfugié·e·s syriens s’élevait à 66 %. En juillet, le Programme alimentaire mondial et le HCR ont annoncé une réduction de l’aide en raison d’un manque de financement.

DÉTENTION ARBITRAIRE

Les gouverneurs locaux ont continué d’utiliser la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité pour placer en détention administrative toute personne « considérée comme représentant un danger pour la société », sans inculpation ni accès aux garanties de procédure régulière. Le gouverneur de la ville de Madaba a ainsi invoqué cette loi en février et mars pour placer arbitrairement en détention deux militants (et peut-être d’autres personnes) qui n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression pour l’un, et à la liberté de réunion pour l’autre.

En juin, le ministre de l’Intérieur a ordonné aux autorités locales de remettre en liberté 503 personnes qui étaient en détention administrative au titre de la Loi relative à la prévention de la criminalité. Ces personnes n’ont toutefois pas été libérées, selon des informations communiquées par des avocats.

Intervenant à la demande des Émirats arabes unis, les services de sécurité de l’aéroport d’Amman, la capitale de la Jordanie, ont arrêté Khalaf al Rumaithi le 7 mai. Cet homme, détenteur de la double nationalité turque et émirienne, a été libéré sous caution et autorisé à entrer en Jordanie, mais a de nouveau été arrêté le 8 mai, puis secrètement livré aux Émirats arabes unis, en violation d’une décision d’un tribunal jordanien. Khalaf al Rumaithi vivait exilé en Turquie depuis une décennie après avoir été condamné par contumace aux Émirats arabes unis à 15 ans d’emprisonnement, à l’issue du procès manifestement inique de 94 dissident·e·s.

EMPRISONNEMENT POUR DETTE

Le chômage croissant et l’augmentation du coût de la vie ont eu de fortes répercussions sur l’accès de la population aux biens et services essentiels, y compris la nourriture, le carburant et l’eau. Sans mécanisme de protection sociale adéquat, des centaines de milliers de personnes étaient endettées pour pouvoir survivre. Au moins 158 000 personnes risquaient d’être incarcérées pour dette au titre de la Loi sur l’exécution des décisions de justice, qui prévoyait une peine de six mois de prison en cas de dette impayée de plus de 5 000 dinars jordaniens (7 049 dollars des États-Unis). L’emprisonnement pour dette était contraire au droit international.

Amnesty International a recueilli le témoignage d’une femme de 24 ans qui s’était portée garante pour son père, âgé de 60 ans, afin qu’il puisse obtenir un prêt en vue de couvrir ses dépenses courantes. Son père n’a pas pu rembourser le prêt et ils risquaient tous deux d’être incarcérés car la dette dépassait les 5 000 dinars jordaniens.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

S’appuyant sur des dispositions abusives et rédigées en des termes vagues de la Loi sur la cybercriminalité, de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme et du Code pénal, entre autres, les autorités ont ouvert une enquête ou des poursuites contre au moins 43 personnes, dont huit militants politiques et un journaliste, en lien avec des propos exprimés en ligne. Neuf personnes ont été jugées devant la Cour de sûreté de l’État, une juridiction militaire, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces ou floues, dont l’« atteinte au régime », la diffusion de fausses nouvelles qui « nuisent au prestige de l’État » et l’« incitation aux querelles religieuses ou sectaires ».

En janvier, la Cour de sûreté de l’État a inculpé Sofian al Tal, Abed Tawahia et Omar Abu Rassa d’« atteinte au régime », infraction passible d’une peine de 20 ans d’emprisonnement. Ces militants politiques avaient été arrêtés en décembre 2022 pour avoir planifié une action publique de critique du discours annuel du roi.

Statuant en tant que juridiction d’appel, le tribunal de première instance d’Amman a porté à un an, le 9 août, la durée de la peine d’emprisonnement de trois mois initialement prononcée contre le journaliste Ahmad al Zobi. Cet homme avait été condamné pour « incitation aux querelles sectaires et raciales ainsi qu’au conflit entre les différentes composantes de la nation » pour avoir publié sur Facebook pendant une grève de chauffeurs professionnels dénonçant la hausse du prix des carburants un message dans lequel il critiquait un responsable public. Le 21 août, le ministre de la Justice a débouté Ahmad al Zobi de sa demande d’interjeter appel auprès de la cour de Cassation.

Le 12 août, le roi a approuvé une nouvelle loi sur la cybercriminalité, qui réprimait davantage l’exercice du droit d’exprimer librement ses opinions en ligne. Le texte prévoyait des peines d’emprisonnement plus sévères, avec un minimum de trois mois, et des amendes allant jusqu’à 32 000 dinars jordaniens (45 115 dollars).

Deux plateformes d’information indépendantes ont rapporté à Amnesty International avoir supprimé leur partie « commentaires » car l’article 33 de cette loi permettait « au procureur ou au tribunal d’ordonner à tout site web, plateforme de réseau social ou personne responsable d’une page publique de supprimer ou de bloquer des contenus considérés comme contraires à la loi, d’exclure temporairement l’utilisateur ou la personne à l’origine de la publication et de transmettre à des tiers des informations qui les intéressent, y compris les données personnelles des utilisateurs ou utilisatrices ».

Au moins trois hommes ont été arrêtés en novembre en vertu des dispositions de la nouvelle loi sur la cybercriminalité pour avoir exprimé en ligne des opinions sur le conflit à Gaza et notamment avoir défendu les droits des Palestiniens·ne·s. Le procureur les a inculpés d’« incitation à la sédition, aux conflits et à la haine », d’« envoi, transfert ou publication d’informations diffamatoires ou calomnieuses », de « diffamation d’un organe officiel » et de « publication d’images, d’informations ou de nouvelles concernant des représentants des forces de l’ordre ».

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

En mai, les autorités ont multiplié les manœuvres d’intimidation à l’égard de dizaines de membres du Parti du partenariat et du salut pour les pousser à démissionner de leurs fonctions au sein de la formation afin que le nombre de membres fondateurs passe sous la barre du millier, qui constituait le minimum requis pour être enregistré en vertu de la Loi de 2022 relative aux partis politiques. Un avocat et membre du parti a indiqué à Amnesty International que la formation remplissait toutes les conditions pour être enregistrée, y compris le nombre minimum de membres n’ayant jamais été condamnés pour des infractions bafouant « l’honneur, la morale et la sécurité ». Cependant, une semaine après l’assemblée annuelle du Parti du partenariat et du salut, la commission électorale indépendante a dissous cette entité, en arguant que 130 de ses membres avaient été condamnés pour des infractions contraires à la Loi relative aux partis politiques. Le parti a saisi le tribunal administratif après que ses membres accusés eurent fourni la preuve de leur innocence à la commission électorale.

Les autorités n’ont pas convoqué l’élection d’un nouveau conseil d’administration du syndicat des enseignant·e·s. Le précédent avait été dissous sur décision d’un tribunal en 2020. Une avocate a indiqué à Amnesty International que les autorités avaient forcé plusieurs membres de l’ancien conseil d’administration à mettre un terme à leur mandat de façon anticipée, afin de les empêcher de participer aux élections.

DROITS DES FEMMES

Le Parlement a adopté en janvier une loi qui accordait aux femmes jordaniennes mariées à des hommes non jordaniens le droit de conserver leur nationalité. Auparavant, les femmes qui épousaient un étranger devaient renoncer à leur nationalité, qu’elles ne pouvaient récupérer qu’en cas de veuvage ou de divorce. Les femmes ne pouvaient toujours pas transmettre leur nationalité à leur conjoint et à leurs enfants.

Le Parlement a adopté en mars des modifications de la Loi sur le travail, notamment des dispositions prévoyant l’imposition d’amendes de 2 000 à 5 000 dinars jordaniens (entre 2 820 et 7 049 dollars) aux personnes déclarées coupables de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Les relations sexuelles entre personnes de même sexe ne constituaient pas une infraction pénale, mais les autorités ont continué de s’en prendre aux personnes LGBTI en utilisant des dispositions du Code pénal relatives à l’« immoralité » qui étaient formulées en des termes vagues.

En juillet, certains parlementaires ont mené une campagne anti-LGBTI sur les réseaux sociaux et réclamé que les relations sexuelles entre personnes de même sexe soient désormais passibles de sanctions pénales. Ces prises de position ont déclenché dans la population une vague de discours de haine et de menaces contre les personnes LGBTI et celles qui défendaient leur cause. Amnesty International a recueilli le témoignage d’un militant et d’une militante, qui ont indiqué que les services de sécurité s’étaient livrés à des actes de harcèlement et d’intimidation contre les personnes qui organisaient la projection d’un film sur les personnes LGBTI, les poussant à annuler l’événement.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

La Jordanie figurait toujours parmi les pays du monde qui manquaient le plus d’eau. Elle a indiqué utiliser les ressources en eau plus vite qu’elles ne se renouvelaient, dans un contexte où le changement climatique diminuera considérablement la quantité d’eau disponible.

Les autorités ont annoncé en septembre une baisse de la participation aux dépenses en eau pour les foyers qui consommaient plus de 6 m3 d’eau par mois.

Le gouvernement n’a pas fait part d’une nouvelle contribution déterminée au niveau national. En 2021, il avait augmenté son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 14 à 31 % d’ici à 2030. Les autorités ont indiqué qu’elles ne pourraient pas atteindre cet objectif ni mettre en œuvre les mesures d’adaptation nécessaires sans un soutien financier conséquent.

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