Les autorités iraniennes mettent en scène les « aveux » de personnes exécutées pour déshumaniser les condamnés à mort aux yeux de la population. Le But ? Détourner l'attention des procès entachés de graves irrégularités qui ont débouché sur leur condamnation à mort.
Les autorités en Iran ont lancé une campagne médiatique à la suite de l'exécution collective, le 2 août 2016, de 25 Sunnites accusés d'appartenance à un groupe armé, en inondant les médias contrôlés par l'État de vidéos présentant leurs « aveux » forcés dans le but de justifier les exécutions.
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Des vidéos d’ « aveux » aux titres sensationnels
Les vidéos d'« aveux » mises en scène ont des titres à sensation, tels que « Aux mains du diable » (Dar dast-e Sheytan) et « Dans les profondeurs des ténèbres » (Dar omgh-e tariki), et des bandes sons mélodramatiques. Dans certaines vidéos, des scènes sont entrecoupées de légendes qui évoquent les bandes annonces de films, comme « à suivre » ou « bientôt disponible », afin d'accentuer leur effet théâtral.
En exhibant des condamnés à mort à la télévision nationale, les autorités cherchent visiblement à convaincre la population de leur " culpabilité ", mais ne peuvent pas masquer une vérité qui dérange, à savoir que les hommes exécutés ont été déclarés coupables d'infractions définies en termes vagues et généraux et condamnés à mort à l'issue de procès manifestement iniques.
Les autorités iraniennes ont le devoir de traduire en justice les personnes qui se livrent à des attaques armées et tuent des civils. Cependant, rien ne saurait justifier le fait d'extorquer des " aveux " sous la torture et les mauvais traitements, et de les diffuser dans des vidéos sinistres. Il s'agit d'une grave violation des droits des détenus qui les prive, eux et leurs familles, de toute dignité humaine.
Illustration tirée de la vidéo de sensibilisation "voir pour comprendre" disponible sur Youtube © Amnesty International / Atelier Chenapan
Des montages grossiers et incohérents
Dans les vidéos, on peut noter des incohérences qui indiquent que les « aveux » ont sans doute été écrits à l'avance. Dans certains cas, les accusés sont liés à des crimes qui se sont déroulés plusieurs mois après leur arrestation ; dans d’autres, la nature de leur participation aux crimes qui leur sont attribués varie fortement d'une vidéo à l'autre.
Ces vidéos illustrent à quel point les agents du Renseignement iranien et les forces de sécurité bafouent le droit à la présomption d'innocence des accusés, ainsi que le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même.
Les vidéos ont été réalisées et diffusées par plusieurs médias affiliés à l'État, dont la Radio-Télévision de la République Islamique d’Iran (IRIB), Press TV et l'organisation Habilian Association. Tous les organismes contrôlés par l'État qui ont participé à la production de ces vidéos partagent la responsabilité des violations des droits humains commises contre les personnes concernées et leurs familles.
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Des « aveux » forcés
Dans des messages enregistrés à l'intérieur de la prison et postés en ligne via un téléphone portable clandestin, la plupart des détenus ont déclaré qu'ils avaient été contraints de passer aux « aveux » devant la caméra, après avoir enduré des mois de torture dans les centres de détention du ministère du Renseignement, où ils étaient détenus à l'isolement pendant de longues périodes. Ils ont raconté avoir été frappés à coups de pied, de poing et de matraques électriques, fouettés, privés de sommeil et privés d'accès à la nourriture et aux médicaments.
J'avais l'impression de n'avoir aucun autre choix… Je ne pouvais plus endurer les violences et la torture… Ils [les agents du Renseignement] m'ont mis devant une caméra et m'ont dit que mon affaire serait terminée et qu'ils me relâcheraient si je disais ce qu'ils m'avaient demandé
Mokhtar Rahimi, condamné à mort
Mokhtar Rahimi, ajoute que ses déclarations ont par la suite été utilisées pour le déclarer coupable. Il compte parmi les hommes qui ont été mis à mort par la suite.
Outre la diffusion des vidéos de propagande, les autorités iraniennes ont publié une série de déclarations incendiaires présentant les prisonniers exécutés comme d'abominables criminels méritant leur châtiment. Comme dans les « aveux » filmés, ces déclarations offrent une description déformée des événements et portent atteinte à la dignité et à la réputation des hommes concernés. Elles attribuent collectivement aux accusés un large éventail d'activités criminelles, sans clarifier le rôle que chacun d'entre eux a joué dans ces agissements.
Une chasse aux opposants
Parmi les hommes présentant leurs « aveux » dans les vidéos figurent Kaveh Sharifi, Kaveh Veysee, Shahram Ahmadi et Edris Nemati, qui comptaient parmi les 25 Sunnites exécutés le 2 août 2016. Loghman Amini, Bashir Shahnazari, Saman Mohammadi et Shouresh Alimoradi, quatre Sunnites détenus depuis leur arrestation dans un centre du ministère du Renseignement à Sanandaj, dans la province du Kurdistan, ont également été filmés.
Les 25 hommes exécutés le 2 août 2016 faisaient partie d'un groupe de Sunnites arrêtés pour la plupart entre 2009 et 2011, période où la province du Kurdistan a été le théâtre d'affrontements armés et d'assassinats. Si les autorités ont reconnu avoir procédé à 20 exécutions ce jour-là, Amnesty International a reçu des informations fiables faisant état de cinq exécutions supplémentaires, portant le total à 25.
De nombreux hommes arrêtés à cette période, dont Barzan Nasrollahzadeh, appréhendé alors qu'il avait moins de 18 ans, se trouvent toujours dans le quartier des condamnés à mort.