L’armée du Cameroun s’est livrée à un regain de violence ces dernières semaines. Des dizaines d’homicides ont été commis et des milliers de personnes contraintes de fuir à l’approche des élections législatives du 9 février.
Les civils sont pris au piège de l’affrontement entre l’armée du Cameroun et séparatistes armés.
Villages détruits et homicides imputables à l’armée
Les mesures de sécurité et la présence militaire renforcée annoncées par le gouvernement camerounais pour permettre le déroulement du scrutin ce week-end semblent cacher en fait une opération bien plus sinistre.
Des villages entiers auraient été rasés. Nos données de télédétection confirment qu’autour du 14 janvier, plus de 50 habitations ont été incendiées dans la région du Sud-Ouest entre Babubock et Bangem. Ces homicides accompagnés de la destruction de ces villages constituent de graves violations des droits humains. Ces dernières semaines, l’armée a mené de violentes opérations, tandis que les séparatistes armés se livraient sans relâche à des exactions. Les civils se retrouvent piégés dans une spirale de violence.
Le 23 janvier, le village de Ndoh, dans la région du Sud-Ouest, a été attaqué. Selon certaines informations, la veille, un soldat avait été tué dans le secteur. Un témoin a raconté avoir vu un groupe de soldats attaquer le marché du village et se mettre à tirer sans discrimination.
Nous avons obtenu la confirmation que les cadavres de 14 hommes ont été retrouvés après l’attaque, ainsi que deux autres, deux jours plus tard, dans les alentours. Au moins cinq personnes ont été blessées par des tirs, dont un adolescent de 14 ans, qui a reçu une balle à l’abdomen, et un adolescent de 17 ans blessé à la cuisse.
Les exactions des séparatistes armés
Les séparatistes armés continuent de perpétrer des crimes graves, notamment des homicides, des enlèvements et des extorsions.
Le 30 janvier, quatre employés d’une organisation humanitaire ont été enlevés par un groupe armé séparatiste, qui les a accusés de travailler pour le gouvernement. Ils ont été relâchés le lendemain, après que trois d’entre eux ont subi des coups et des tortures psychologiques, selon l’organisation. Le 15 janvier, un jeune homme a été tué et son père blessé près de Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, alors qu’ils tentaient d’éviter les postes de contrôle tenus par des séparatistes armés.
En outre, les séparatistes armés ont demandé aux employés humanitaires de cesser leurs activités durant l’opération « villes mortes » qu’ils ont ordonnée dans les régions anglophones du 6 au 11 février 2020. Seuls les services de santé d’urgence peuvent poursuivre leurs activités durant cette période.
De nombreuses personnes déplacées de force
Les violences se sont traduites par une hausse du nombre de personnes déplacées de force. Au 31 décembre 2019, on recensait 679 000 personnes déplacées au Cameroun et 52 000 personnes réfugiées au Nigeria ayant fui les régions anglophones, selon les organisations humanitaires. Cependant, le ministre camerounais de l'Administration territoriale a nié l’existence d’une crise et affirmé en décembre 2019 que 152 000 personnes seulement avaient fui les régions anglophones.
Depuis plus de trois ans maintenant, les habitants des régions anglophones sont pris au piège des violences opposant l’armée aux groupes armés. Les autorités chargées de protéger la population ne peuvent pas fermer les yeux sur cette crise.
Il est temps que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples mène à bien une mission d’établissement des faits sur toutes les allégations de violations des droits humains et d’exactions commises dans les régions anglophones depuis 2016.
Les autorités doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population et enquêter sur ces violations des droits humains et ces exactions.