La réaction face à l’épidémie de coronavirus pourrait porter atteinte aux droits fondamentaux de millions de personnes. Censure, discrimination, détention arbitraire, etc. n’ont pas leur place dans la lutte contre cette urgence sanitaire.
L’épidémie de coronavirus (2019-nCov) qui a démarré dans la ville chinoise de Wuhan, dans la province du Hubei, fin 2019, a été déclarée urgence sanitaire mondiale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
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Début février 2020, on recensait plus de 24 500 personnes infectées par le coronavirus dans le monde.
Les autorités chinoises ont signalé 490 morts, la plupart dans la province du Hubei, et plus de 24 300 cas au total. La maladie s’est désormais propagée dans vingt-cinq autres pays et territoires à travers le monde.
La réaction face à cette épidémie pourrait porter atteinte aux droits fondamentaux de millions de personnes, comme le droit d’avoir accès aux soins de santé, le droit d’avoir accès à l’information, l’interdiction de toute discrimination dans la prestation de services de santé, le droit de ne pas être soumis sans son consentement à un traitement et d’autres garanties importantes.
Loin de les faciliter, les violations des droits humains entravent les réponses aux urgences de santé publique et sapent leur efficacité. D’autres droits sont également en jeu durant une épidémie : le droit de ne pas être arrêté arbitrairement et le droit de circuler librement, la liberté d’expression et d’autres droits socio-économiques. Ces droits peuvent faire l’objet de restrictions, mais uniquement si celles-ci respectent les principes de nécessité, de proportionnalité et d’égalité.
1. Discrimination et xénophobie
Les habitants de Wuhan – même ceux qui ne présentent pas de symptômes – ont été refoulés des hôtels, barricadés dans leurs propres appartements et ont vu leurs données personnelles fuiter en ligne en Chine, d’après les médias.
En outre, de nombreuses informations font état d’actes xénophobes hostiles aux Chinois et aux Asiatiques dans d’autres pays. Certains restaurants en Corée du Sud, au Japon et au Viêt-Nam ont refusé d’accueillir des clients chinois, tandis qu’un groupe de manifestants a enjoint à des clients chinois de quitter un hôtel en Indonésie. Des journaux français et australiens ont également été accusés de racisme dans leur couverture de la crise.
Les communautés asiatiques à travers le monde ont riposté, et le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus sur Twitter a émergé en France.
Le gouvernement chinois devrait prendre des mesures afin de protéger chacun contre la discrimination. Le monde n’a qu’un seul moyen de combattre cette épidémie : la solidarité et la coopération au-delà des frontières
2. Une censure précoce
Le gouvernement chinois a déployé des efforts de grande ampleur pour supprimer les informations sur le coronavirus et les dangers qu’il représente pour la santé publique. Fin décembre 2019, des médecins à Wuhan ont fait part à leurs collègues de leurs craintes au sujet de patients présentant des symptômes similaires à l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui avait débuté dans le sud de la Chine en 2002. Ils ont immédiatement été réduits au silence et sanctionnés par les autorités locales pour « propagation de rumeurs ».
Un mois plus tard, dans une publication en ligne, la Cour populaire suprême remettait en cause la décision prise par les autorités du Wuhan, ce qui a été largement considéré comme une justification par les médecins.
Avant que l’Organisation mondiale de la santé ne déclare l’urgence sanitaire mondiale, la Chine a opéré un lobbying agressif visant à minimiser la gravité de l’épidémie.
3. Le droit à la santé
Les services médicaux de la ville de Wuhan sont débordés et les structures médicales et les professionnels de santé luttent pour faire face à l’ampleur de l’épidémie. De nombreux patients sont refoulés par les hôpitaux après des heures d’attente. Les centres n’ont pas la possibilité de pratiquer les tests diagnostic nécessaires.
La Chine doit veiller à ce que toutes les personnes affectées par le coronavirus aient accès à des soins adéquats, à Wuhan et ailleurs. Contenir l’épidémie est important ; la prévenir et la traiter l’est tout autant. C’est pourquoi le droit à la santé devrait faire partie intégrante de la réponse.
Si l’OMS se met à couvrir la Chine de louanges, la réalité est que la réaction du gouvernement a été – et demeure – très problématique. D’après les médias locaux, il est impossible de se rendre rapidement dans les hôpitaux à cause de la fermeture des transports publics et certains ont été obligés de garder chez eux les dépouilles des malades.
4. La censure perdure
La volonté marquée des autorités chinoises de contrôler les informations et de museler toute couverture négative se traduit par la censure d’informations parfois légitimes sur le virus. De nombreux articles ont été censurés depuis le début de la crise, notamment ceux parus dans les médias traditionnels .
Les autorités chinoises risquent de taire des informations qui pourraient aider la communauté médicale à combattre le coronavirus et les habitants à se protéger contre une exposition à ce virus.
5. Des militants harcelés et intimidés
Le gouvernement chinois s’en prend aux personnes qui tentent de partager sur les réseaux sociaux des informations sur le coronavirus. Par exemple, Chen Qiushi, avocat au franc-parler et journaliste citoyen, a signalé avoir été harcelé par les autorités après avoir posté des vidéos filmées dans les hôpitaux de Wuhan.
S’il est crucial de réfuter les fausses allégations sur le virus et de diffuser des informations sanitaires précises, supprimer des contenus légitimes dans les journaux et les réseaux sociaux sur le sujet ne sert aucun objectif de santé publique.
6. Répression régionale contre les « fausses informations »
Le virus s’est propagé de la Chine aux pays voisins en Asie du Sud-Est, tout comme la volonté des États de contrôler la couverture de ces événements.
Certaines personnes ont été arrêtées ou condamnées à une amende en Malaisie, en Thaïlande et au Vietnam pour avoir publié de « fausses informations » sur le sujet. Les gouvernements n’ont ni prévenu la désinformation ni fourni des directives sanitaires précises, en temps voulu.
7. Des mises en quarantaine et des contrôles aux frontières abusifs
Face au virus, de nombreux pays ferment leurs portes à ceux qui voyagent depuis la Chine ou des pays d’Asie, tandis que d’autres imposent des mesures strictes de quarantaine.
Le gouvernement australien a envoyé des centaines d’Australiens dans un centre de rétention pour migrants sur l’île Christmas, où les conditions ont précédemment été qualifiées d’« inhumaines » par l’Association médicale australienne.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée a fermé ses frontières aux personnes venant de tous les autres pays d’Asie, et pas seulement de pays où des cas de coronavirus ont été confirmés. De ce fait, des étudiants papouan-néo-guinéens se retrouvent bloqués aux Philippines, après qu’on les a empêchés de monter à bord d’un avion pour rentrer chez eux.
Les quarantaines, qui restreignent le droit de circuler librement, peuvent être justifiées au titre du droit international, uniquement si elles sont proportionnées, limitées dans le temps, décidées pour des objectifs légitimes, strictement nécessaires, volontaires autant que possible et appliquées sans discrimination.
Il convient de les mettre en œuvre de manière sûre et respectueuse. Les droits des personnes mises en quarantaine doivent être respectés et protégés, notamment en garantissant l’accès à des soins de santé, à de la nourriture et à d’autres produits de première nécessité.