Naples envisage d’expulser environ 1300 Roms d’un campement formel et d’en reloger seulement 200. . Des enfants et de personnes âgées, malades ou handicapées, risquent de se retrouver sans abri d’un jour à l’autre.
Après une récente visite sur le terrain, à Naples, pendant laquelle nos chercheurs ont rencontré les autorités municipales et se sont entretenus avec des dizaines d’habitants du campement de Gianturco, nous avons écrit aux autorités locales, le 21 mars.
Pas de préavis en bonne et due forme ni de véritable consultation pour les habitants de Gianturco
Selon nos informations, une décision de justice ordonnant que ces Roms soient expulsés du terrain privé où se trouve le campement de Gianturco a été rendue en janvier 2016. Elle prévoyait que l'expulsion aurait lieu dans un délai de 30 jours. Certaines des familles ont reçu l'ordonnance d'expulsion, mais beaucoup d'habitants disent n’avoir jamais reçu de document à ce sujet. La municipalité nous a confirmé que certains habitants seulement avaient été informés de la procédure judiciaire par le tribunal. La municipalité a réussi à négocier avec les autorités judiciaires plusieurs reports de la date limite fixée pour l’expulsion ; cependant, elle a fait savoir à Amnesty International, le 27 février 2017, qu'aucun report supplémentaire n'était possible et que l'expulsion aurait lieu prochainement.
Bien qu’elle ait eu plus d'un an pour le faire, la municipalité n’a procédé à aucune consultation réelle en vue d’explorer toutes les solutions envisageables pour éviter l’expulsion, ni les options permettant de reloger la totalité des familles.
Cela fait presque cinq ans que nous vivons ici. J’ai six enfants. [Les autorités] devraient nous permettre de rester ici [à Gianturco] […] ; si ce n’est pas possible, qu’on nous donne un autre endroit où habiter, mais on ne peut pas nous laisser à la rue avec nos enfants.
Une femme âgée de 26 ans.
Un plaidoyer intense pour ces personnes
Nous avons exhortées les autorités à suspendre l'expulsion jusqu'à ce qu'une véritable consultation ait été menée avec tous les habitants concernés, afin de chercher et d’identifier des solutions de relogement adéquates pour tous, et d’éviter de rendre des centaines de personnes sans abri.
Signer la pétition : Non à l'expulsion forcée des Roms à Naples !
Nous avons également fait part au ministre de l'Intérieur de son inquiétude au sujet des fonds alloués à la municipalité de Naples pour financer la construction d'un camp spécifiquement destiné aux Roms, à titre de principale solution de relogement pour les habitants de Gianturco.
Nous avons aussi lancé une Action urgente (forme d’appel que nous utilisons quand des personnes, à titre individuel ou collectif, courent un danger imminent), demandant à ses sympathisants du monde entier d’envoyer des lettres aux autorités italiennes pour les exhorter à empêcher cette expulsion forcée.
Vie quotidienne des habitants roms dans le campagement de Gianturco© AI/Claudio Menna.
Un campement informel déjà ancien
Environ 1 300 adultes et enfants roms vivent dans le campement informel de Gianturco, souvent dans des baraquements qu’ils ont construits eux-mêmes au moyen de briques, de bois et de tôles (selon la municipalité, le campement héberge 850 personnes, mais les habitants et les ONG ont donné une évaluation plus élevée). Des dizaines de familles s’y sont installées parce que le campement dans lequel elles vivaient auparavant avait été incendié par des inconnus, en 2011. Le campement détruit se trouvait à Via del Riposo, où la municipalité construit actuellement un nouveau camp pour héberger certaines des familles de Gianturco.
Ces derniers mois, les habitants du campement ont signalé que les forces de l’ordre avaient procédé à nombre de contrôles et de perquisitions, et saisi des réserves de nourriture, ainsi que des voitures, des scooters, des charrettes et des chariots que les familles utilisaient pour transporter du matériel recyclable récupéré en ville. Ils ont également fait état d’un harcèlement de la part de membres des forces de l'ordre, qui leur ont enjoint à maintes reprises de quitter les lieux. Les moyens de subsistance des habitants du campement sont considérablement réduits depuis que les autorités leur ont interdit de tenir un marché informel de biens d’occasion sur la place du campement.
Les policiers nous ont empêchés de tenir le marché ; ils nous ont dit : dehors, les gitans ! Ils ne se rendent pas compte que nous avons des enfants en bas âge ; on n’est pas dans la jungle, ici, mais ils nous traitent comme des animaux .
habitant du campement
Une mauvaise solution de relogement
Les options décrites ci-dessus n'offrent pas de solution de relogement à la totalité des habitants actuels du campement de Gianturco, même si l'on se fonde sur le nombre de 850 personnes correspondant à l’estimation basse des autorités.
De plus, le nouveau campement spécifiquement destiné aux Roms, principale solution de relogement prévue pour environ 200 des habitants, a un caractère discriminatoire.
L’expulsion forcée qui pourrait avoir lieu très prochainement et le projet à long terme de transférer les familles dans un campement mono-ethnique spécifiquement destiné aux Roms vont à l’encontre de l’engagement pris par l’Italie dans sa Stratégie nationale d’intégration des Roms, adoptée en 2012, de mettre fin à la ségrégation des Roms dans les camps ; de plus, ils sont contraires aux obligations internationales et régionales de l'Italie en matière de droits humains, notamment à la Directive de l’Union européenne sur l'égalité raciale.
Non à l'expulsion forcée des Roms à Naples !
Interpeller le maire de Naples et le Ministre de l’Intérieur