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URGENCE PROCHE ORIENT

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© Molly Crabapple
Discriminations

Le Xinjiang : une région stratégique pour la Chine

En raison de sa situation géographique et de ses richesses naturelles, le Xinjiang présente de nombreux avantages stratégiques, politiques et économiques pour Pékin. Cela en fait une région à enjeux multiples. Éclairage.

La région autonome ouïghoure du Xinjiang se situe à l’extrême nord-ouest de la République populaire de Chine. Elle occupe 1,66 million de km2, soit une vaste zone englobant environ un sixième de la superficie de la Chine et elle a une frontière commune avec huit pays : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, la Mongolie, l’Inde, le Pakistan, la Russie et l’Afghanistan. La région se compose de steppes semi-désertiques au nord et d’un bassin désertique au sud bordé de villes historiques bâties dans des oasis. 

Une nouvelle Route de la soie 

Des siècles durant, la zone correspondant à la région autonome ouïghoure du Xinjiang a joui d’une grande renommée en raison de sa situation sur la Route de la soie, par laquelle transitaient des marchandises et s’opéraient des échanges culturels entre la Chine et le reste du monde. Riche en charbon, en gaz naturel et en pétrole, la région autonome ouïghoure du Xinjiang est citée dans nombre de projets liés aux objectifs économiques, stratégiques et en matière de politique étrangère de la Chine. Pour les dirigeants chinois, la stabilité s’avère désormais primordiale dans cette région en vue d’assurer la réussite de son initiative des « Nouvelles routes de la soie », un programme de développement d’infrastructures gigantesques partout dans le monde ayant pour but de renforcer les liens de la Chine avec les pays d’Asie centrale et au-delà.  

Une grande diversité ethnique et culturelle 

La région autonome ouïghoure du Xinjiang est l’une des régions chinoises dont la population est la plus diversifiée sur le plan ethnique. Selon le recensement chinois de 2010, la région comptait environ 22 millions d’habitants. Plus de la moitié des habitants de la région appartiennent à des groupes ethniques principalement d’origine turque et majoritairement musulmans, parmi lesquels les Ouïghours (environ 11,3 millions), les Kazakhs (environ 1,6 million), les Huis, les Kirghizes, les Tadjiks, les Ouzbeks et d’autres populations dont les langues, les cultures et les modes de vie sont très différents de ceux des Hans, qui sont majoritaires en Chine « intérieure ». 

La région autonome ouïghoure du Xinjiang fait partie des cinq régions autonomes de la République populaire de Chine, où les « minorités nationales » reconnues officiellement se voient accorder une forme de représentation officielle dans les instances gouvernementales de la région. L’autonomie conférée à ces régions en vertu de la Constitution de la République populaire de Chine et de la Loi relative à l’autonomie régionale reste en grande partie symbolique. Dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang comme dans le reste du pays, toutes les décisions politiques importantes sont prises par le Parti communiste chinois. 

La mainmise de la Chine 

Le gouvernement chinois considère que la région autonome ouïghoure du Xinjiang appartient à part entière à la Chine depuis des millénaires. Cependant, cette vision de l’histoire est amplement contestée, en particulier par les Ouïghours qui considèrent souvent la Chine comme une force colonisatrice et aspirent à l’indépendance. Ces aspirations à l’indépendance trouvent leurs racines à la fois dans un passé proche et éloigné. Pendant les années 1930 et 1940, deux républiques indépendantes du Turkestan oriental ont vu successivement le jour à Kashgar (en 1933) et à Ili (en 1944) lors de tentatives visant à résister à la domination chinoise. Aucune de ces deux républiques n’est parvenue à s’installer durablement mais elles sont restées des sources d’inspiration pour l’opposition nationaliste depuis 1949, particulièrement chez certains Ouïghours. Au fil du temps, plusieurs groupes d’opposition appelant à l’indépendance du « Turkestan oriental » se sont formés clandestinement dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Certains de ces groupes ont eu recours à la violence.  

Depuis 1949, de très nombreuses personnes originaires d’autres régions de Chine ont été réinstallées dans la région. En 1949, la population locale d’origine turque, en majorité ouïghoure, représentait au moins 93 % de la population de la région, tandis que les personnes appartenant à l’ethnie chinoise comptaient pour environ 6 à 7 % de la population. Selon des statistiques officielles, les Chinois hans représentent désormais environ 40 % de la population. Avec cet afflux massif de Chinois hans – ethnie majoritaire dans le reste de la Chine -, les minorités ethniques se sont senties de plus en plus marginalisées sur ce qu’elles considèrent comme leurs terres ancestrales. 

Pendant les trois premières décennies de la République populaire de Chine, la réinstallation de Chinois hans dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang a été facilitée par ce qu’on appelle désormais le Corps de production et de construction du Xinjiang (connu plus communément sous le nom de « Bingtuan »), une institution établie au début des années 1950. Le Bingtuan, que de nombreux universitaires décrivent comme une institution destinée à faciliter la colonisation de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, est à la fois un organisme administratif disposant d’une structure en partie militaire et une grande corporation de développement. Il est établi le long de la frontière et dans diverses zones de territoire à travers le centre de la région, séparant le nord, où résident la plupart des Kazakhs, du sud principalement habité par les Ouïghours. Plusieurs millions d’hectares de terres peuplés en très grande majorité par des Chinois hans se trouvent sous la juridiction du Bingtuan. Cette institution unique au sein de la République populaire de Chine dispose d’un statut spécial. Le Bingtuan est administré de manière indépendante du gouvernement de la région autonome ouïghoure du Xinjiang et il dispose de sa propre force de police ainsi que de ses propres tribunaux et entreprises agricoles et industrielles ainsi que d’un vaste réseau de camps de travail et de prisons. 

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